Pleins feux sur nos moyens de protection !

Dossier 

Prévention et lutte contre les incendies

L’incendie qui a ravagé l’entrepôt de Shoprite, Trianon, causant la mort d’un jeune de 24 ans, suscite plusieurs interrogations. Nos pompiers ont-ils démontré leurs limites ? Sommes-nous prêts à lutter contre un incendie de l’ampleur de Grenfell Tower, qui a fait des dizaines de morts ? Quelles sont les normes anti-incendie dans les entreprises ? Sunday Times fait le point sur la question.

Marwan Dawood

Dans le sillage de l’incendie de Shoprite

Selon certaines indications, des marchandises auraient été placées de façon à entraver les sorties de secours. Or, une telle pratique est strictement prohibée par la loi. L’Occupational Safety & Health Act de 2007 prévoit entre autres :

Section 65 – Storage

Toutes les marchandises doivent être stockées de façon à s’assurer de leur équilibre et d’éviter tout écroulement. Elles ne doivent en aucun cas être placées dans les voies de secours.

Section 74 – Prevention of fire

Des moyens pour éteindre le feu, comme des extincteurs, doivent être à portée de main. Un nombre suffisant d’employés doivent recevoir une formation dans les techniques de lutte contre le feu.

Section 75 – Safety provisions in case of fire

Chaque lieu de travail doit avoir des ‘means of escape’ à l’intention des employés en cas d’incendie. Tous ces ‘means of escape’ doivent être régulièrement maintenus et ‘kept free from obstruction’.

Section 76 – Fire Certificate

Un Fire Certificate octroyé par la Mauritius Fire & Rescue Services est requis pour tout lieu de travail où plus de 20 personnes sont présentes de façon permanente.

  • Une enquête judiciaire pas à écarter

Suite aux circonstances de l’incendie de Shoprite, une enquête judiciaire sera peut-être initiée pour faire la lumière sur les causes de cet incendie. Selon la Fire Inquiry Act de 1895, le Directeur des poursuites publiques (DPP) peut demander à un magistrat d’effectuer une enquête judiciaire sur tout incendie pour déterminer ses causes. Une compagnie d’assurance ou un particulier qui a subi un préjudice matériel lors d’un incendie peut également, à ses frais, demander au magistrat d’effectuer cette enquête. Le magistrat soumet ses conclusions au DPP, qui décide s’il y a matière à poursuite.

Beaucoup d’immeubles (y compris gouvernementaux) n’ont pas de Fire Certificate, en violation de la loi 

La loi stipule que les immeubles, sauf exceptions bien définies,  doivent être munis d’un Fire Certificate.

Trois catégories d’immeubles sont concernés : les high-rise buildings, les Government-owned buildings et les privately-owned buildings occupied by Government organisations.

Selon les chiffres de Mauritius Fire and Rescue Services, il y a à Maurice 342 high-rise buildings avec plus de 3 étages. 139 ont reçu leur Fire Certificate après le 11 juillet dernier. Par ailleurs, 203 de ces bâtiments ne sont pas en règle avec la loi et ne possèdent pas de Fire Certificate. De ce fait, on apprend que le Mauritius Fire and Rescue Services a déjà entrepris les actions nécessaires pour que les bâtiments concernés soient plus en conformité avec la loi anti-incendie.

1 229 bâtiments sont occupés par des services gouvernementaux, dont 1 019 sont la propriété de l’État. Avant le 11 juillet 2017, seulement 60 de ces bâtiments possédaient un Fire Certificate en bonne et due forme.

143 de ces bâtiments sont exemptés de Fire Certificate parce qu’il n’y a pas plus de 20 personnes à l’intérieur et leurs dimensions ne dépassent pas les 250 m2. Des 799 restants, 287 applications pour l’obtention d’un Fire Certificate ont été reçues et de ces 287 applications, 235 bâtiments ont déjà reçu la visite des officiers de MFRS pour une inspection.

Il y a 210 privately-owned buildings occupied by Government organisations, et 64 possèdent déjà leur Fire Certificate, tandis que 52 sont exemptées sous la loi. 94 n’ont pas de Fire Certificate.

En 2016, 546 bâtiments commerciaux ont reçu leur Fire Certificate.

La prévention : une affaire au-delà des extincteurs

Venir à bout d’un incendie n’est pas une mince affaire. Pour faire la différence dans le domaine de Health & Safety, des grandes entreprises comme Rey & Lenferna, Harel Mallac Engineering et Manser Saxon offrent des solutions en termes d’équipements de base tels que des extincteurs.

Cependant, à Maurice la plupart des équipements anti-incendie sont aujourd’hui reliés à un système de Building Management, qui est un dispositif d’alerte pour faciliter la détection d’un début d’incendie dans l’enceinte d’un bâtiment

Par ailleurs, plusieurs autres opérateurs mettent l’accent sur la formation du personnel en cas d’incendie.  Par exemple, il y a des entreprises qui forment les professionnels  de santé et de l’hygiène aux premiers secours et à la lutte anti-incendie.

En 1989, il y a eu la promulgation de l’Occupational Safety, Health and Welfare First Aid (Regulations), qui comporte une section intitulée, Fire Aid and Safety. Cette loi fait obligation à toute entreprise qui emploie plus de 50 personnes de former son personnel aux premiers secours.

Avec les nouvelles technologies, les systèmes anti-feu peuvent aujourd’hui être informatisés mais cela nécessite une connaissance approfondie dans la gestion de ce système. Des plans de maintenance et d’entretien doivent aussi être clairement établis en avance par des professionnels du domaine.  Mais les amendements apportés à l’Occupational Safety, Health and Welfare First Aid font toutefois obligation aux employés à se familiariser avec les moyens d’extinction.  Ce qui explique qu’une vraie conscientisation est nécessaire pour que les entreprises s’équipent de matériel de prévention contre les incendies adapté et facile à manier.

Le service des pompes en chiffres

La Mauritius Fire And Rescue Services (MFRS) compte aujourd’hui quelque 700 pompiers et 10 casernes reparties à travers l’île et dispense actuellement une formation à 105 autres à Beau-Bassin.  En ce qui concerne les véhicules, les Mauritius Fire And Rescue Services compte 32 véhicules d’intervention principaux, dont 18 sont actuellement en opération dans les 10 casernes de pompiers à Maurice, alors que 14 sont en réparation. Par ailleurs, les MFRS comptent également 52 utility vehicles dont ceux équipés de breathing apparatus et des rope rescue van.

Comment les pompiers procèdent en cas d’incendie

Nous avons interrogé deux pompiers de la Mauritius Fire & Rescue Services (MFRS), Dorsamy Ayacootee, Assistant Chief Fire Officer à la division des opérations spécialisées et Rajendrasing Shibnauth, Fire Officer, pour connaitre le modus operandi des pompiers en cas d’incendie.

« Lorsqu’on reçoit un appel sur le 115, les officiers prennent tous les détails nécessaires. Après avoir constaté la gravité de la situation, nous envoyons le nombre suffisant de pompiers pour circonscrire le feu». L’officier explique que le public doit donner l’alerte et évacuer les lieux en cas d’incendie.

La stratégie des pompiers comprend toujours trois phases : assurer la  sécurité des personnes en danger,stabiliser l’incendie et sauver la propriété en feu.

Sur place, les pompiers doivent mettre sur pied un plan stratégique pour établir clairement la situation. L’officier en charge dresse un Dynamic Risk Assesment pour évaluer les risques potentiels de l’incendie. Les véhicules des pompiers sont disposés de façon très particulière, de façon à ne pas se gêner mutuellement, et en fonction de la direction de la brise.

Les soldats du feu sont dispersés en équipes. Une équipe sécurise le périmètre alors qu’une autre équipe, munie d’appareils respiratoires pour se protéger contre la fumée toxique émergeant des flammes, passe à l’attaque pour éteindre le feu. Une troisième équipe reste en alerte pour porter secours aux personnes en danger.

Les sapeurs-pompiers mettent en place un dispositif de ventilation pour évacuer les fumées épaisses  plus facilement. Un extracteur, le Turbex, est utilisé pour extraire la fumée vers l’extérieur. Lorsque l’incendie est circonscrit, les officiers sécurisent les zones à risques (désignés hot zone et cold zone, selon leur dangerosité) pour empêcher le public de s’aventurer dans ces endroits. Après, c’est la police qui sera en charge de la zone d’incendie.

Dans le cas de Shoprite, les pompiers nous font savoir que si les soldats du feu sur place avaient tenté de pratiquer une brèche dans les parois, il y avait un risque de conflagration vu que l’incendie aurait été alimenté en oxygène. En outre, pour un bâtiment de cette taille, pratiquer une ouverture en cas d’incendie présente toujours un risque que le bâtiment ne se désintègre, ce qui n’aurait fait qu’aggraver les choses.

Au début, les pompiers se servaient de l’eau pour éteindre le feu, mais avec l’huiles stockée qui se répandait, ils ont ensuite utilisé la mousse carbonique (foam). « Avec les étagères et les marchandises qui brûlaient, la chaleur qui se dégageait était insoutenable. Il était impossible de savoir où était Dinesh Domah, et comme nous l’avons expliqué, pratiquer une brèche dans les murs était impraticable et présentait trop de risques. »

L’incendie de septembre 1975, le pire de l’histoire mauricienne ?

Maurice avait vécu un incendie dévastateur le 11 septembre 1975,  lorsque l’immeuble d’Harel Mallac à la rue Edith Cavell fut la proie de flammes. Cet incendie avait donné lieu à une commission d’enquête présidée par le juge Victor Glover.

« Aux alentours de 15 h 30, trois explosions et un effroyable incendie détruisaient le bâtiment Harel Mallac et le garage Rogers sis à la rue Edith-Cavell, provoquant au passage des dégâts conséquents dans les rues parallèles Brown Séquard, Casernes et St-Louis. Des images apocalyptiques d’une ville prise de panique, avec des gens couverts de sang, s’enfuyant, hagards, se bousculant… », peut-on lire dans les archives du journal Le Mauricien.

Le journal révèle alors quelques témoignages de la scène catastrophique à l’époque : « Il y eut trois sourdes explosions à peu près à dix secondes d’intervalle. Et la panique s’empara des gens, chacun se ruant pour trouver refuge. Alors que le bâtiment d’Harel Mallac est en flammes, l’affolement a aussi gagné les firmes avoisinantes, les gens se bousculent pour s’enfuir. Dans les rues, des dames évanouies sont piétinées, d’autres hurlent. C’est le sauve-qui-peut. Une soixantaine de blessés, dont cinq grièvement, conduits à l’Hôpital civil, sont à déplorer. Le corps calciné d’un homme sera découvert le lendemain sous les cendres. Seize voitures, dont neuf en stationnement en face de Harel Mallac, furent endommagées ».