Plus que jamais illégitime

Ainsi donc, Pravind Jugnauth s’est finalement débarrassé de son adjoint et partenaire de l’alliance gouvernementale. Après avoir défendu son « camarade » Ivan Collendavelloo dans un premier temps, il a été contraint de se raviser devant la gravité des accusations contenues dans le résumé du rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD). Une fraude de cette envergure ne pouvant être dissimulée pendant longtemps, Pravind Jugnauth a été quelque peu forcé à prendre cette décision, d’autant que sa crédibilité en tant que chef du gouvernement était engagée. En réalité, le maintien d’Ivan Collendavelloo à son poste de DPM ne valait plus la chandelle pour le MSM. Devenu encombrant au fil du temps, surtout depuis l’affaire Alvaro Sobrinho, le salut du gouvernement résidait dans sa révocation.

Pravind Jugnauth ménage toutefois la chèvre et le chou en acceptant que le ML, avec ses deux élus, demeure comme partenaire au gouvernement. Et Collendavelloo l’a gracieusement accepté, sans réaliser qu’il se laisse bêtement pris au piège. Car rien n’est définitif quant à la fidélité que vouent Rawoo et Nazurally au ML ou à Collendavelloo. Qui dit qu’ils ne franchiront pas la ligne pour atterrir au MSM, comme Husnoo l’a fait aux dernières élections ? « Moralité pas rempli ventre », n’est-ce pas ? Ce qui devrait alors sonner le glas pour le ML, tout en réconfortant le MSM dans sa majorité. D’autant que le MSM a déjà déclenché la machinerie pour séduire les militants en propulsant Steve Obeegadoo comme le no. 2 du gouvernement et en assommant la crédibilité de Paul Bérenger, dont le nom serait également cité dans le rapport de la BAD.

En renvoyant la balle sur Collendavelloo, Bérenger et même le PTr, Pravind Jugnauth croit pouvoir sortir de ce scandale indemne, voire plus fort. Or, le Premier ministre est aussi coupable dans cette affaire. Tout d’abord, parce qu’il ne peut pas, logiquement et moralement, plaider l’ignorance sur ce cas de fraude massif. Un député issu des rangs de son parti, Bashir Jahangeer, avait, à maintes reprises, soulevé les irrégularités entourant le réaménagement de la centrale Saint-Louis au Parlement. Et puis, parce que le ministère des Finances, dont il était responsable, avait un représentant au board du CEB. Difficile aussi de croire que ce dossier n’a jamais été évoqué au conseil des ministres alors qu’il faisait l’objet d’étincelles entre Jahangeer et Collendavelloo.  

L’ironie, c’est que les membres de la majorité, qui applaudissaient il y a à peine quelques jours Ivan Collendavelloo, concentrent subitement leurs tirs sur Bérenger en réclamant sa démission. S’ils avaient ne serait-ce qu’un centième de bons sens ou de conscience, ils auraient eu honte de leur propre élection. Pas seulement parce que celles-ci étaient teintées d’irrégularités, mais aussi parce qu’ils ont été élus, démocratiquement ou pas, sur la base d’une alliance dont l’un des partenaires est soupçonné de corruption. D’autant que le présumé délit a eu lieu bien avant ces élections. Les votants ont été grossièrement manipulés, ayant été appelés à placer leur confiance dans un Premier ministre qui ne sait même pas ce qui se passe dans les travées de son gouvernement et dans un ‘Deputy Prime Minister’ dont l’intégrité est mise à rude épreuve.

Plus que jamais, l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, les syndicats, les ONGs et la société civile doivent unir leurs forces pour botter ce gouvernement illégitime hors du pouvoir. Sinon, ils n’auront qu’eux-mêmes à blâmer…