[Polémique autour des centres illégaux de désintoxication] Sentiment mitigé

  • Ally Lazer : « Plus de tort que de bien en l’absence de traitement médical et psychosocial »
  • Des proches des toxicomanes : « Nous fine gagne soulagement avec banne centres la » 

Deux centres de désintoxication sans permis sont sous les feux des projecteurs ces dernières semaines. Il y a d’abord le centre ‘Awaken’ à Eau Coulée et un centre se trouvant à Vacoas. La raison, deux de leurs occupants ont été victime de meurtre. À Eau Coulée, Nadeem Permessur, 48 ans, est mort après une dispute entre patients le samedi 17 août dernier, alors que Sayfuddin Sauterrelle, 21 ans, qui devait se trouver dans le centre de Vacoas, a été tué à Roche-Bois. Des travailleurs sociaux sont très remontés contre l’agissement de ces centres opérant sans permis et sans qu’il n’y ait de personnel formé pour s’occuper des victimes de la drogue.

L’inlassable travailleur social Ally Lazer a, rappelons-le, déposé une lettre au Bureau du Premier ministre en ce sens lundi dernier. Selon lui, l’OMS définit un toxicomane comme une personne malade ayant une dépendance aux substances nocives. Ainsi, il lui faut non seulement un traitement médical mais aussi un traitement psychosocial pour qu’il en guérisse. Or, dit-il, aucun traitement n’est offert dans ces centres. « Je ne doute pas de la bonne foi des responsables de ces centres. Mais le problème reste le fait qu’ils n’ont aucune formation professionnelle et médicale pour traiter des victimes de la drogue », insiste-t-il. De ce fait, ajoute-t-il, « zot pas aret drogué, zot zis posé alors ki zot parents dépense bocou larzan. Je connais des personnes qui ont fait des rechutes après sept ans », soutient-il.

Ally Lazer conteste aussi les méthodes employées par ces centres « marron » comme il les appelle. « Même dans un hôpital, il y a des heures de visite. Comment se fait-il donc que les visites ne sont pas permises dans ces centres ? », se demande-t-il. Il cite le cas de Sayfuddin Sauterrelle. « Son frère m’a confié que cinq personnes étaient venues chez lui fort tard dans la soirée, soit à 23h, pour le récupérer. Il lui avait même été interdit de prendre son téléphone. Mais il a par la suite été retrouvé mort à Roche-Bois. Comment ? Pourquoi ? », s’interroge-t-il. Ally Lazer martèle que ces centres peuvent, au final, faire plus du tort que de bien aux victimes de la drogue.

Torture et travaux forcés

Ally Lazer n’est pas le seul à penser ainsi. D’autres travailleurs sociaux affirment également que ces centres de désintoxication marron ont poussé comme des champignons à travers le pays et certains y ont trouvé un moyen de s’enrichir. Selon eux, ces centres en profiteraient pour interner les toxicomanes, avant de les forcer à travailler sans aucune rémunération. « Ene zoli business sa. Ferme zot, zot famille payer et lor la force zot travail. Propriétaire bénéficié, mais pas pays zot », nous explique un travailleur social qui n’a pas souhaité révéler son identité. Dans certains cas, des internés avouent avoir été victimes de violence, voire même de torture. « Dans le passé, ena ine gagne batté, torturé, avec blessures quand ine gagne zot. Eski c’est ene moyen pou tire dimoune dans la drogue sa ? », se demandent des travailleurs sociaux ayant une grande expérience dans ce domaine.

“Pas pile lor sa bane centres la”

Même si certaines familles se disent déçues et désabusées par ces centres, un autre son de cloche se fait aussi entendre. Nombreuses sont des familles en détresse qui ont sollicité les centres de Vacoas et Eau Coulée. Le centre de Vacoas est connu pour son existence depuis de nombreuses années et les responsables sont parvenus à aider plusieurs toxicomanes à trouver le bon chemin. Nazleen (prénom fictif), 63 ans et habitant dans les Plaine-Wilhems, nous explique que le centre de Vacoas a été d’une grande aide pour sa famille, il y a quelques années. Son fils, qui travaillait dans le secteur de la comptabilité, avait été victime de la drogue. « Mo garçon ine perdi travail, dernier l’heure li pe prend caray et deksi li pe alle vendé tout », avoue-t-elle. À plusieurs reprises, l’ADSU a même perquisitionné sa maison, après les multiples arrestations de son fils. À tel point qu’elle s’était habituée aux descentes policières.

« Banne la police la meme dire nous, sorry, nous conner nous pe vine fatigue zot, mais akoz garçon la ki pe bizin faire sa », raconte la mère. Ne sachant plus à quel saint se vouer, elle s’est finalement tournée vers le responsable du centre de Vacoas. Après une première rencontre, ils parviennent à un accord pour interner le fils. Elle raconte que quatre personnes sont venues chez elle et ont embarqué son fils qui a accepté de les accompagner volontairement. « Pendant deux mois mo pane trouve mo garçon, banne la dire nous évite vine get li », raconte la mère, avec émotion. Après ces deux mois toutefois, elle a été autorisée à venir rencontrer son fils. Et elle n’en croyait pas ses yeux. « Mo garçon ine prend grosseur, ine prend couleur et quand line trouve nous line plorer ».

Ce n’est toutefois qu’après le troisième mois qu’il a été autorisé à quitter le centre. La mère nous confie avoir noté un véritable changement dans son attitude. Il fréquente un lieu de prière et il retourne directement à la maison. Il est, selon elle, complètement guéri puisqu’il n’a, depuis, plus consommé de drogue. Elle se dit révoltée de l’attitude de certains qui blâment les centres de désintoxication après les deux décès. « Mo comprend li grave, deux dimoune ine decedé, mais pas veut dire bizin pile lors sa banne centres-là, faudrer pas blier bon travail ki zotte finne faire », renchérit-elle. Elle affirme qu’il y a plusieurs familles qui se sont retrouvées dans la même situation mais qui ont retrouvé une certaine sérénité grâce à ces centres.

Deux volontaires arrêtés

Mardi après, la MCIT, menée par le surintendant Heman Dass Ghoora a procédé à l’arrestation de deux travailleurs sociaux très connus dans la région de Phoenix. Les enquêteurs les soupçonnent d’avoir pris trop de temps avant d’informer les autorités du décès de Nadeem Permessur le samedi 17 août dans le centre d’Eau Coulée. Les deux répondent d’une accusation provisoire de complot et la police a objecté à leur remise en liberté conditionnelle.

Selon les enquêteurs, deux autres travailleurs sociaux seront prochainement entendus par la police sur l’heure du décès de la victime. Les limiers sont en présence de certains éléments à l’effet que la victime a rendu l’âme tôt le samedi 17 août, mais ce n’est que dans l’après-midi que la police a été alertée. Selon l’enquête policière, c’est une dispute entre les patients qui a couté la vie à Nadeem Permessur. La victime, qui avait été admise dans le centre une semaine plus tôt, s’était montrée violente. Et les choses ont dégénéré.