Le Premier ministre a récemment annoncé un forfait internet mobile gratuit pour les jeunes de 18 à 25 ans. Une mesure qui soulève plus de doutes que d’enthousiasme, et qui semble davantage être une manœuvre électorale qu’une solution durable pour accompagner Maurice dans sa transition numérique. De plus, le prêt immobilier à 0 % d’intérêt, promis aux 18 à 35 ans en cas d’un nouveau mandat de l’actuel gouvernement, est perçu comme précipité et électoraliste, sans réelle stratégie pour garantir son succès. Les doutes persistent quant à l’impact concret de ces initiatives sur le quotidien des jeunes, qui peinent à croire en ces promesses. Plutôt que d’aborder le problème crucial de l’exode des jeunes vers l’étranger, ces mesures manquent l’occasion de les retenir à Maurice, de leur offrir des opportunités viables et d’encourager leur contribution au développement national.
De jeunes Mauriciens nous confient leurs réflexions…
Tawfiq Monaff, 22 ans, étudiant BSc (Hons) gestion des opérations et de la chaîne d’approvisionnement
Les récentes annonces du gouvernement, notamment l’internet gratuit pour les jeunes et le prêt immobilier à 0 % d’intérêt, suscitent à la fois de l’enthousiasme et des interrogations. D’un côté, je salue l’initiative de l’internet gratuit, qui facilite les recherches et travaux académiques. De l’autre, des préoccupations surgissent autour de l’enregistrement des cartes SIM, actuellement sous injonction en cour, et du manque d’informations concernant l’utilisation des données collectées.
L’annonce du prêt immobilier à taux zéro est perçu comme précipitée et électoraliste. Plusieurs points restent flous : quels sont les critères d’éligibilité pour ces prêts ? Quels seront les critères imposés aux jeunes pour rembourser ce prêt ? Qui sera leur garant ? Et sur quelle durée le prêt sera-t-il accordé, et à quelles conditions d’intérêts ?
Tanushri Gobin, 19 ans, Licence en droit – avec mention LLB
L’internet gratuit est une bonne initiative, car qui ne serait pas content d’avoir internet gratuitement ? Cependant, le gouvernement aurait dû aussi penser aux jeunes de moins de 18 ans, qui utilisent également l’internet pour leurs devoirs et recherches. Cette mesure aurait allégé le fardeau des parents et il serait pertinent d’inclure les élèves à partir de la 7e année dans cette initiative. Cette offre gratuite semble clairement être un « cadeau pré-électoral », destiné à attirer les votes des jeunes votants.
Concernant l’annonce du prêt immobilier à 0 % d’intérêt, je m’interroge sur la manière dont le gouvernement va récupérer cet argent. La question se pose de savoir si la population devra payer pour ce qui pourrait être perçu comme une mesure destinée à séduire les jeunes électeurs.
Sem, 22 ans, étudiant en droit
Ces mesures semblent avantageuses, mais pourraient aussi cacher une stratégie électorale visant à séduire les jeunes votants. Le gouvernement avait déjà fait des promesses similaires, comme la pension de 15 000 roupies pour les personnes âgées, mais celle-ci n’a pas eu les effets attendus.
L’internet est devenu un outil indispensable pour les jeunes, notamment pour leurs études et leur accès à l’actualité, mais je m’inquiète de l’obligation d’enregistrer sa carte SIM pour bénéficier de ce forfait. Nous n’avons pas assez d’informations sur ce qui sera fait de nos données. Quant au prêt immobilier à 0 % d’intérêt, je m’interroge sur sa faisabilité, et si les banques l’accorderont vraiment et, si c’est l’État qui en assume les intérêts, cela reviendra-t-il finalement aux contribuables de financer ces mesures ? Nous payons des taxes, et c’est avec nos taxes que ces intérêts seront payés.
Beatrice, 18 ans, collégienne
C’est un avantage important, car aujourd’hui, toutes les leçons et devoirs se font en ligne, et des ressources comme YouTube sont indispensables pour les recherches. Toutefois, si un jeune n’a pas accès à l’internet, il ne pourra pas exploiter pleinement ces outils. Il manque une éducation appropriée pour les jeunes sur l’usage de l’internet, surtout à 18 ans, aussi le forfait gratuit devrait être limité à des sites éducatifs et sociaux. Je m’inquiète également du manque d’explications sur la protection des données lors de l’enregistrement des cartes SIM.
Concernant le prêt immobilier à 0 % d’intérêt, je ne me sens pas vraiment concernée pour l’instant. J’apprécie le confort de la maison familiale, et je ne me vois pas encore quitter ce cocon, mais après avoir entendu mes parents discuter sur le sujet, je se pose des questions. À quoi bon avoir une maison si nos robinets sont à sec ou coulent à peine ? Qui va payer pour tout ça ? Quand le Premier ministre dit que le prêt est sans intérêt, est-ce que ce ne sont pas finalement les contribuables qui régleront la note ?
Gaël Henriette-Bolli : « Promesses séduisantes mais qui manquent de transparence »
Gaël Henriette-Bolli, enseignant à l’Open University, nous donne son point de vue sur ces propositions pré-électorales ciblant les jeunes. « Une promesse électorale, c’est souvent comme un beau paquet cadeau : on est séduit par l’emballage, mais on ignore ce qu’il y a vraiment dedans », dit-il.
En tant qu’enseignant, il reconnait que donner un forfait internet gratuit aux jeunes c’est une bonne chose, surtout à une époque où la digitalisation est essentielle. « Les étudiants d’aujourd’hui ont besoin d’outils technologiques pour réussir. Cependant, je me demande si le gouvernement a vraiment prévu des mesures de contrôle », déclare-t-il.
Il s’inquiète des dérives possibles : « L’accès à l’internet peut être une ressource précieuse pour l’éducation, mais sans encadrement, les jeunes peuvent aussi tomber sur des sites inappropriés. Les autorités doivent établir des filtres pour protéger les jeunes. » Par ailleurs, il s’interroge sur le rôle de la MRA dans l’enregistrement des cartes SIM, une tâche qui devrait, selon lui, revenir aux télécommunications et à l’ICTA. « Pourquoi la MRA, un organisme chargé des taxes, est-elle impliqué dans ce processus ? » se demande-t-il. Gaël Henriette-Bolli soulève aussi des questions sur la protection des données des jeunes. « Peut-on vraiment garantir que leurs informations personnelles ne seront pas utilisées à d’autres fins ? »
Quant à la proposition de prêts immobiliers sans intérêt pour les 18-35 ans, il la trouve mal adapté. « Les jeunes de 18 à 22 ans ne sont souvent pas encore dans la vie active. Avant de leur proposer d’investir dans une maison, il faudra d’abord les former pour devenir les professionnels de demain. » Il souligne que beaucoup de jeunes quittent Maurice pour poursuivre leurs études à l’étranger, créant ainsi un véritable exode de talents. Selon lui, les personnes qui bénéficieront vraiment de ces prêts immobiliers sont celles qui ont déjà un emploi stable et qui cherche à fonder une famille. « La véritable demande se situe plutôt chez les 35 ans et plus. » Il conclut en rappelant que, si les promesses semblent séduisantes, elles manquent souvent de transparence. « Quand on parle de zéro intérêt, est-ce applicable à toutes les institutions financières, y compris les banques privées ? Et surtout, qui va payer pour cela ? »