Que sera Port-Louis sans ce bâtiment ?

L’Emmanuel Anquetil Building sous les feux des projecteurs

Le ministre des Finances semble avoir trouvé la formule idéale pour relancer l’économie après la pandémie : la démolition d’un bâtiment de plus de Rs 1 milliard pour créer un espace vert. Considéré comme un symbole de la ville de Port-Louis, le gouvernement de Pravind Jugnauth a décidé de le convertir en une mini-forêt.

Avec ses 1 200 fonctionnaires et ses huit ministères, cet immeuble de 280 000 pieds carrés en plein centre de la capitale est une référence pour se repérer dans les rues de Port-Louis. Il a été construit dans les années 70 sous le gouvernement de Sir Seewoosagur Ramgoolam, et inauguré par feu Sir Anerood Jugnauth le 16 août 1985. A présent, le fils de ce dernier, Pravind Jugnauth, prévoit de le démolir pour faire place à une mini-forêt.

Lors de la lecture du discours du Budget 2023-2024, le ministre des Finances a annoncé la démolition de l’Emmanuel Anquetil Building afin de créer un espace vert. Cette proposition, émanant des syndicalistes et datant d’une dizaine d’années, selon le ministre Bobby Hurreeram, suscite des réactions mitigées parmi les 1200 fonctionnaires qui travaillent dans les différents ministères situés dans cet immeuble. Sous couvert d’anonymat, un cadre du ministère de la Santé trouve incompréhensible la décision de démolir le “Registrar Building”. « To kraz sa kot pu avoy tou sa biro la ? Ici tou central, publik la konn sa batiman la ek li facile pu vini… Tou dimounn kan vinn la, zot gayn tou biro emplass pu fer zot demars… », dit le fonctionnaire. « Depi plis ki 15 ans mo travay ici, enn bon plass pu travay, li bien facile pu vini, li dans centre », confie, pour sa part, Lalwanti, technicienne de surface dans le bâtiment, pendant sa pause déjeuner.

Impact sur le commerce

Nadeem, qui travaille dans un commerce à proximité de l’Emmanuel Anquetil Building, estime que la délocalisation des bureaux aura un impact direct sur ses revenus. « Tou mo bann clients travail ladan, mo compte boku lor zot tou les zour… bann mamzel la tou les zour vinn aste roti ek dipain kot mwa, boku marsan gayn zot lavi ek bann dimounn ki travay dans sa batiman la… apre mo enn zenfan porlwi, depi mo ena konesans sa batiman la la, porlwi pa pu parey si kraz sa… vomie ti al fer la foret dans Champ de Mars ek dans Jardin de la Compagnie », affirme le jeune commerçant.

Plusieurs ministères, dont ceux des Finances, de la Santé, des Administrations régionales, le Registrar General, le bureau de l’État civil, la National Land Transport Authority et la poste, sont situés dans le même bâtiment. L’Emmanuel Anquetil Building abrite également le bureau de l’état civil, la ‘Mauritius national identity card unit’, le ministère des Collectivités locales, l’Independent Police Complaints Commission, le ministère de la Santé, le Registrar General, le ‘procurement policy office’ du ministère des Finances, la ‘strategic policy unit’ du bureau du Premier ministre, le ‘Pharmacy board’ et le département ‘procurement and supply’ du ministère de la Jeunesse et des Sports.

Un appel d’offres international probablement lancé pour la démolition

Lors de la ‘Private Notice Question’ (PNQ) du jeudi 8 juin, le chef de l’opposition, Xavier Luc Duval, s’est adressé au ministre des Infrastructures, Bobby Hurreeram. Le ministre devait indiquer s’il disposait d’une étude professionnelle sur les différentes options envisageables pour la démolition de l’immeuble Emmanuel Anquetil, ainsi que le coût estimé de la démolition. Bobby Hurreeram a indiqué qu’il possédait un rapport datant de 2016, faisant état de problèmes structurels dans le bâtiment.

Ainsi, on a appris que 40 millions de roupies ont été budgétisées pour les consultants. Il a également indiqué que les frais de démolition et de reconstruction pourraient atteindre 1,5 milliard de roupies. Le ministre des Infrastructures publiques a également déclaré que ce projet ne serait concrétisé que dans trois ans.

Concernant la démolition de l’Emmanuel Anquetil Building, le ministre des Infrastructures a informé l’assemblée qu’un appel d’offres international serait probablement lancé pour solliciter l’assistance d’une expertise étrangère, étant donné l’indisponibilité de ce type de compétences sur le marché local.

Quant à Xavier Luc Duval, il s’est indigné du manque d’études approfondies avant l’annonce de la démolition de ce bâtiment. Il a également critiqué l’amateurisme du ministre Hurreeram, estimant que ce dernier n’a même pas été en mesure de fournir une réponse digne d’un ministre, puisqu’elle ne tenait pas en un paragraphe.

Le ministre Hurreeram a déclaré que cette décision a été prise pour le bien-être des fonctionnaires, qui ont besoin de travailler dans un environnement adéquat.

Osman Mahomed relève des incohérences et demande la démission du ministre des Finances

Le député du Parti Travailliste (PTr) de la circonscription numéro 2, Osman Mahomed, considère l’annonce et la décision du ministre des Finances concernant la démolition de l’Emmanuel Anquetil Building comme “absurdes”.

« D’un côté, le discours budgétaire annonce la démolition du bâtiment, de l’autre, le Public Service Investment Programme, en annexe du Budget 2023-2024, annonce le recrutement d’un consultant pour un coût de 20 millions de roupies afin de réaliser une étude sur la rénovation du bâtiment », s’indigne le député rouge.

Le même document propose également le remplacement des transformateurs pour la somme de 25,5 millions de roupies, Rs 11 millions pour le remplacement d’équipements spécialisés, environ 62 millions de roupies pour la rénovation du système électrique, 2,8 millions de roupies pour de nouveaux générateurs et 28,9 millions de roupies pour des travaux d’étanchéité.

« 176 millions de roupies au total pour rénover le bâtiment, et en même temps, Renganaden Padayachy annonce la démolition d’un bâtiment de 20 000 mètres carrés d’une valeur d’un milliard de roupies. Qu’en est-il exactement ? », se demande Osman Mahomed.

Dans ce contexte, le député rouge est catégorique et demande la démission de Renganaden Padayachy en tant que ministre des Finances.