Quel renouveau pour les PME ?   

SME Mauritius

L’entité chargée d’offrir un support aux petites et moyennes entreprises (PME) connaîtra un énième bouleversement et changement d’appellation. Cette fois-ci, le gouvernement propose de créer une compagnie privée qui sera enregistrée sous la Companies Act, mais dont le seul actionnaire sera l’État. State Corporation ou société privée ? Ou encore un statut unique à cette entité ? Les PME disent être dans le flou et n’espèrent qu’une chose : que cette entité ne les déçoit pas comme ses multiples prédécesseurs.

Lancé en 2016, le SME 10-year Master Plan a été élaboré par la société Empretec. Ce plan directeur veut réformer fondamentalement le secteur des PME à Maurice. Le 7 avril dernier, un comité interministériel a été mis sur pied par le ministre Nando Bodha pour étudier le SME 10-year Master Plan. Dans le discours du budget du 8 juin dernier, le Premier ministre, Pravind jugnauth avait annoncé l’intention du gouvernement de mettre en œuvre les recommandations de ce plan, notamment le remplacement de la SMEDA par SME Mauritius, avec une dotation budgétaire de RS 100 millions pour le secteur tout entier.

D’emblée, le gouvernement projette sa vision : SME Mauritius est là pour porter les PME « vers de nouveaux horizons ». La nouvelle SME Mauritius est une fusion entre la SMEDA, Enterprise Mauritius et le National Women Entrepreneur Council (NWEC). Toutefois, des voix discordantes commencent à s’élever, notamment du côté des petits entrepreneurs eux-mêmes.

Notons que le secteur du PME est un vecteur important de notre économie et contribue à lui seul 40% du PIB. Il serait le plus gros employeur du pays.

Jack Bizlall: “C’est une contradiction!”

Pour le syndicaliste Jack Bizlall, rien n’explique pourquoi le gouvernement a décidé de convertir la SMEDA, « une corporation non-commerciale à but non lucratif », en une compagnie privée enregistrée sous la Companies Act. Il cherche toujours des explications du ministre Bholah et d’ailleurs, une réunion a déjà eu lieu entre les deux parties dans ce contexte. « Une compagnie financée par l’État mais qui n’est pas ‘answerable’ à l’Assemblée nationale. C’est une contradiction ! », dénonce le syndicaliste.

En ce qui concerne les conditions des employés, Jack Bizlall ajoute que rien ne garantit que les conditions de travail actuelles soient conservées à l’avenir.

Amar Deerpalsing, président de la fédération des PME
Amar Deerpalsing, président de la fédération des PME

« On est dans le flou total depuis 2 ans »

« À chaque fois que le gouvernement annonce des mesures dans le secteur des PME, il les révoque par la suite ! On est dans le flou total. Toutes ces confusions intimident les personnes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat. Il y a plusieurs entreprises qui sont toujours enregistrées à la SMEDA, mais qui ont déjà fermé leurs portes ! Pour la création de SME Mauritius, le gouvernement envisageait de fusionner la SMEDA, Enterprise Mauritius et la National Women Entrepreneur Council. Mais Enterprise Mauritius s’est joint au Board of Investment (BOI), et donc on comprend que la fusion comme annoncée ne se fera pas. Quant à la NWEC, on n’a rien dit sur son avenir. On se demande donc comment le SME Master Plan va être implémenté.» 

Les employés de la SMEDA nullement rassurés par le ministre

Avec l’avènement de SME Mauritius, le ministre Bholah tient à rassurer tous les employés de la SMEDA qu’ils ne seront pas laissés sur la touche. Ainsi trois propositions leur ont été offertes : premièrement, SME Mauritius absorbera une bonne partie de ses employés. Deuxièmement, certains employés de la SMEDA seront déployés vers d’autres ministères ou corps paraétatiques. Finalement, pour ceux qui approchent l’âge de la retraite, ils pourront opter pour un Voluntary Retirement Scheme (VRS).

Toutefois, selon un employé à la SMEDA, les employés travailleraient dans l’angoisse. Depuis que le remplacement de la SMEDA par SME Mauritius a été annoncé, ils craignent de perdre leur emploi. « Nous travaillons dans le doute et nous sommes mal à l’aise ». Les employés ne sont nullement rassurés malgré la garantie offerte par le ministre Sunil Bholah que leur emploi ne sera pas affecté. Il affirme également que le manque de communication de la part des autorités concernées a créé une situation malsaine.

Nous nous sommes rendus à Port Louis, à la foire des PME. Seulement quatre marchands étalent leur produit dans cette ruelle menant au musée de la photographie.

Les petits entrepreneurs en quête d’éclaircissements

Isabelle Tanneure, entrepreneure, nous explique : « On a entendu dire que la SMEDA va être privatisée, mais on est toujours dans le flou », nous dit-elle. Sa voisine, Anne-Marie, vendant des bijouteries, nous exprime ses craintes par rapport à la privatisation de la SMEDA. « La vie devient plus difficile. Comment va-t-on aller de l’avant comme ça ? », nous dit-elle. Quelques mètres après, Abdoola nous explique aussi son inquiétude par rapport à cette privatisation. « Pour l’heure, nous sommes encore dans le flou. » Un autre petit entrepreneur, Mahenn Gya nous révèle son appréhension. « On a entendu parler de ce changement d’appellation. La SMEDA deviendra SME Mauritius. Mais pour l’heure, on est toujours dans le flou », conclut-il.

Le ministre Bholah : « La SMEDA croule sous la bureaucratie ! » 

Sollicité pour une réaction, le ministre Sunil Bholah explique qu’il existe trop de problèmes à la Small and Medium Enterprise Development Authority (SMEDA). Selon le ministre, ces problèmes sont essentiellement dus à un surplus de personnel administratif à la SMEDA par rapport au nombre de techniciens. « Pour qu’un organisme tel que la SMEDA puisse bien fonctionner, il faut qu’il y ait un grand nombre de techniciens », affirme-t-il. C’est la raison principale pourquoi le gouvernement a décidé de mettre sur pied SME Mauritius afin de répondre aux attentes des petites et moyennes entreprises.

Quid de la privatisation de la SMEDA ? Sunil Bholah balaie d’un revers de la main les rumeurs disant que son ministère compte privatiser la SMEDA. « Certes la SME Mauritius sera une compagnie privée mais elle aura comme seule et unique actionnaire, l’État », poursuit-il.

Sunil Bholah précise que SME Mauritius va devoir se conformer aux règles des principes de bonne gouvernance et sera obligée de soumettre un bilan financier. « Ces cinq dernières années, je peux vous dire que la SMEDA n’a jamais déposé un bilan financier, c’est l’une des raisons pourquoi elle fait face à plusieurs crises. SME Mauritius sera différente car étant donné que cette entité sera une compagnie privée, elle va être régie par la Companies Act, il n’y aura pas de problème », affirme le ministre.

  • De janvier 2015 jusqu’à ce jour, 4 561 PME ont fermé leurs portes. Pour Amar Deerpalsingh, le président de la fédération des PME, cette situation deviendra un problème lorsque le nombre de PME mises sur pied sera bien moins que le nombre de PME qui ferment leurs portes.

  • Quant au ministre sunil Bholah, dans une réponse écrite déposée à l’Assemblée, il a indiqué que 28 190 PME sont enregistrées à la SMEDA et que 5 433 nouvelles entreprises ont été créees depuis janvier 2015.

 

Les directeurs du Conseil d’administration de SME Mauritius

Cinq directeurs ont été sélectionnés pour diriger le SME Mauritius. Ils sont :

  • Vassoo Allymootoo Putchay (Permanent Secretary au ministère du Business, des Entreprises et des Coopératives)
  • Gérard Bussier (Directeur, ministère des finances)
  • Anoop Nilambar (Conseiller, ministère des Finances)
  • Bilkiss Rajahbalee-Cader (Deputy Permanent Secretary au Prime Minister’s Office (PMO))
  • Drishtysingh Ramdenee (représentante de la Board of Investment (BOI)).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SMIDO, SEHDA, SMEDA, SME Mauritius…. énième changement d’appellation ?

L’entité gouvernementale ou paraétatique pour promouvoir le secteur des PME et offrir une assistance aux petits entrepreneurs a connu divers noms au cours des quatre dernières décennies, ce qui ne fait rien en termes de stabilité dans ce secteur. Ainsi :

  • En 1976, the Small Scale Industry Unit (SSIU) est mise sur pied au ministère de l’Industrie et du Commerce.
  • En 1983, le SSIU devient le SIDO (Small Industry Development Organization).
  • En 1988, le SIDO devient le SMIDO (Small Medium Industry Development Organization).
  • En 2005, le SMIDO devient la SEHDA (Small Enterprises Handicradft Development Authority).
  • En 2009, le SEHDA devient la SMEDA (Small & Medium Enterprises Development Authority).
  • … Et aujourd’hui, on propose de remplacer la SMEDA par SME Mauritius.

L’aventure des petites et moyennes entreprises (PME) remonterait  aux années 70. De plus en plus d’entrepreneurs locaux commencent à délaisser l’artisanat traditionnel pour se lancer dans des ventures plus sophistiquées. Le gouvernement se met de la partie et cherche à promouvoir ce secteur. On met sur place une entité gouvernementale pour promouvoir ce secteur-clé de l’économie et offrir une assistance aux petits entrepreneurs.

Tous les espoirs sont alors permis. Les envolées dans les discours sont superbes : créations d’emplois, croissance à deux chiffres, nouveau pilier de l’économie… Hélas, aujourd’hui, malgré l’apport indéniable que les PME ont apporté dans l’essor de l’économie mauricienne, force est de constater que le weakest link dans le secteur des PME reste l’autorité de support elle-même. Au fil des années, il y a eu plusieurs changements de nom, comme expliqué ci-dessus, mais les problèmes sont restés les mêmes : une bureaucratie pesante, qui ne répond pas aux attentes des PME.

Espérons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’un trompe-œil et que SME Mauritius pourra se défaire de cette image négative qui a collé à la peau de ses prédécesseurs et que cette entité pourra enfin répondre aux exigences des PME.