Questions à…Ally Lazer « Il n’y a plus de traitement pour les jeunes toxicomanes »

Le Premier ministre Pravind Jugnauth semble se réjouir des saisies de drogue effectuées par les autorités. Ces saisies signifient-elles pour autant que la lutte contre la drogue est une réussite ? Non, martèle Ally Lazer, travailleur social aguerri. Ce dernier estime que ce combat est un échec car pour chaque kilo de drogue saisie, il y en a au moins quinze kilos qui échappent aux filets des autorités. D’ailleurs, dénonce le président de l’Association des travailleurs sociaux à Maurice, il y a une léthargie en ce qu’il s’agit de la prévention, du traitement et de  la réinsertion…

Q : Quel constat faites-vous actuellement de la lutte contre la drogue ?

En tant que travailleur social volontaire et l’un des responsables d’un centre de désintoxication, je vous assure que ce ne sont pas avec des saisies régulières qu’on gagnera le combat contre la drogue. D’ailleurs, le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime nous décerne, depuis ces 20 dernières années, la médaille d’or en ce qui concerne la consommation de l’héroïne qu’on ne produit pourtant pas à Maurice. L’année dernière, la drogue synthétique a aussi atteint ce même palier, d’autant que celle-ci est produite localement, comme en témoigne une récente saisie.

Je lance donc un défi aux autorités : peuvent-elles me dire s’il y a déjà eu, ne serait-ce qu’un seul jour, une pénurie de drogue à Maurice ? À chaque fois qu’un ou deux kilos de drogue sont saisies, il y a quinze autres kilos qui traversent à côté. Si les autorités ont réellement la volonté de combattre le trafic de stupéfiants, je suis disposé de les emmener à travers le pays pour leur montrer les ‘bases’ où la drogue se vend comme des petits pains dans des foires organisées.

Q : Voulez-vous dire que les Rs 5 milliards de drogues saisies durant ces derniers 5 ans, dont le PM en a fait état, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau ?

Absolument ! Si ces saisies avaient eu l’effet escompté, il y aurait eu une pénurie de drogue sur le marché, comme on en voit pour certains produits de consommation courante. Je suis disposé de vous emmener faire une petite tournée à Batterie-Cassée, par exemple, pour que vous puissiez constater de visu la situation et vous me diriez vous-même si j’exagère en parlant de foires de drogues.

Je lance un défi à ceux qui prétendent mener un combat acharné contre le trafic de drogue de faire un face-à-face avec moi en public et je leur prouverai qu’il n’y a point de lutte, encore moins acharnée.

Q : Qu’en est-il de la prévention ?

Il y a un rajeunissement et une féminisation de la consommation de drogues synthétiques à Maurice. En dépit des conclusions accablantes d’un récent rapport de l’Observatoire national des drogues, le ministre de la Santé et ses conseillers ont trouvé le moyen d’arrêter l’utilisation de la codéine phosphate pour le traitement des jeunes toxicomanes alors qu’elle est recommandée par les Nations Unies comme un médicament de substitut efficace. C’est malheureux ! Mo kompran ki sa codéine phosphate la vane Rs 2.50 et ki pas pou ena bocou commissions lor la

Il y a deux facteurs importants dans le combat contre la drogue. D’abord, la réduction de l’offre qui consiste en des mesures répressives comme les saisies, entre autres, et ensuite la réduction de la demande qui consiste, elle, de la prévention, du traitement et de la réinsertion. Nous n’avions qu’une seule institution gouvernementale, soit la Natresa, qui luttait contre la drogue, mais elle a été fermée par ce même gouvernement.

Il y a environ 800 organisations non-gouvernementales à Maurice où des jeunes toxicomanes vont se faire soigner. Or, il n’y a plus de traitement pour ces jeunes ! D’où ma question de savoir à qui profite la fermeture de la Natresa et l’arrêt de l’utilisation de la codéine phosphate pour le traitement des jeunes ?