Questions à…Ameenah Gurib-Fakim, ex-Présidente de la République « Cette lettre démontre les manigances qui ont été faites derrière mon dos »

Q : Vous avez toujours dénoncé le fait d’avoir été forcée à la démission sur la base d’une lettre anonyme. Comment réagissez-vous aujourd’hui face aux révélations concernant cette même lettre anonyme ?

Comme vous le dites, j’ai toujours dit qu’on m’avait contraint à la démission basée sur une lettre anonyme que je n’ai jamais vue. J’ai toujours clamé d’avoir été jugée, condamnée et crucifiée sur l’autel de l’opinion publique. Cette lettre tombe à pic car elle démontre les manigances qui ont été faites derrière mon dos. C’est un gros complot – je maintiens ce terme qu’il soit légalement acceptable ou pas – qui avait été ourdi contre moi. Je ne sais pas pour quelles raisons ils ont dû recourir à de telles tractations pour me faire partir. Je suis animée par un sentiment de dégoût quand je vois le niveau auquel certaines personnes peuvent descendre pour opérer. Maintenant que la boîte de Pandore est ouverte, on verra quoi d’autre en sortira.

Q : Vous comparez souvent la façon dont vous aviez été traitée avec celle adoptée par le régime concernant des scandales dans lequel il est impliqué. Pensez-vous avoir été un bouc-émissaire pour des raisons politiques ou autres ?

Il y a une citation qui dit « you are only as strong as your weakest link ». J’étais une personne apolitique. Je n’avais aucun soutien politique, bien que ce soit l’alliance gouvernementale qui avait accepté ma nomination après la proposition du ML. J’ai toujours été perçue comme le maillon faible. Kan ena ene problème, met sa lor so ledos parski li pena personne pou defane li. Quand une femme occupe une position pareille, c’est tellement facile de faire des insinuations. Je pense que même le public se rend maintenant compte à quel point il est facile pour ‘dessane’ une femme. J’ai été un bouc-émissaire.

Q : Ayant été proposée par le ML pour la présidence, comment interprétez-vous le silence de ce même ML sur les scandales répétitifs qui secouent le gouvernement, d’autant qu’Ivan Collendavelloo en a, lui aussi, fait les frais du Saint-Louis Gate ?

Je ne peux parler pour Ivan Collendavelloo. Mais tout ce que je peux vous dire c’est qu’Ivan Collendavelloo était dans la combine pour me faire partir. Il était venu me voir le 6 mars avec Pravind Jugnauth pour me dire qu’il était temps pour que je parte. Je ne peux pas commenter son silence, mais malgré le fait qu’il avait proposé mon nom à la présidence en 2014 – c’était d’ailleurs une formule gagnante comme l’a dit Ravi Rutnah, – il a ensuite montré son vrai visage. J’étais alors devenue dispensable.

Q : Envisagez-vous d’avoir recours à des actions légales ?

Je suis en consultation avec mes hommes de loi. Je déciderai de la marche à suivre la semaine prochaine. Je ne veux brûler aucune étape. Je ne veux pas négliger les aspects procéduraux. On décidera de la meilleure approche avant de prendre une décision.

Q : Vous avez fait l’objet d’une commission d’enquête dont le rapport n’a toujours pas été rendu public. Pensez-vous que ce rapport pourrait être caduc au vu des dernières révélations ?

Je ne ferai aucune supposition à ce stade. Cette commission a été présidée par trois juges, dont un ancien chef juge de la cour Suprême. C’est à eux, dans leur sagesse, de voir quel angle prendra maintenant ce rapport à la lumière des révélations qui ont été faites. Je suis sûr qu’il y en aura d’autres et que ce n’est pas la fin.

Propos recueillis par Zahirah RADHA