Racine pé brilé*

Les habitants d’Agaléga sont-ils des oubliés du développement ? Doivent-ils lutter, manifester et défier les autorités pour que leurs droits les plus élémentaires soient respectés ? Sont-ils considérés comme des citoyens d’une catégorie inférieure, voire des « esclaves » dépouillés de leur dignité ? C’est affligeant de voir comment des citoyens mauriciens habitant à Agaléga ont dû faire un sit-in afin que deux des leurs, soit un retraité et un jeune de 17 ans, puissent avoir accès à des soins dans un hôpital. Et ce, après été contraints d’attendre, dans la souffrance, pendant quatre longs jours ! Imaginons un seul instant le calvaire qu’ils ont vécu. Et si, par malheur, il leur était arrivé quelque chose de plus grave ? Qui aurait été responsable si ce n’est l’État mauricien ? Qui aurait été les plus grands perdants à part leurs proches ? Qui aurait dû casquer les frais en cas de réclamation de compensations financières par leurs familles si ce n’est les contribuables mauriciens ? Attention, nous ne cherchons nullement d’être des oiseaux de mauvais augure mais les préoccupations sont bien réelles et méritent qu’on s’y attarde.

Ironiquement, l’État mauricien multiplie les démarches au niveau international, en ne lésinant point sur les moyens, afin de récupérer les Chagos. Un combat légitime certes, mais à voir la condition inhumaine dans laquelle vivent nos compatriotes d’Agaléga, c’est à se demander si l’État mauricien peut effectivement s’assurer du bien-être de ceux qui vivent sur nos îles dépendantes. Car il ne s’agit pas uniquement de revendiquer ses droits sur telle ou telle île simplement par orgueil ou pour la galerie ou pour « kasse paké », mais de veiller aussi à ce que ces îles soient convenablement équipées, permettant ainsi à leurs habitants de mener une vie décente. Ce qui est loin d’être le cas actuellement. Une triste et bien vilaine réalité pour notre pays qui, à l’heure de son cinquantième anniversaire de l’indépendance, traite toujours les résidents de ses îles dépendantes avec le mépris de l’esclavagisme. Inacceptable !

Au lieu de s’attarder sur leur cas, l’Outer Islands Development Corporation (OIDC) a eu l’outrecuidance de tenter de déporter le principal dénonciateur Arnaud Poulay comme un vulgaire malfaiteur. Un acte répressif qui visait sans doute à l’intimider pour avoir osé élever sa voix contre les injustices dont les Agaléens sont victimes. Des directives qui proviendraient encore une fois « d’en haut ». Heureusement qu’elles n’ont pu être exécutées bien que la machinerie pour le faire aboutir était déjà en marche. La pression populaire a eu raison des forces occultes. C’est réconfortant, mais effrayant en même temps. Car on ne peut s’empêcher de penser ce qui se serait passé au cas où ce peuple poussé à bout n’avait pas réagi à temps. Espérons que la visite prévue de la vice-Première ministre Fazila Jeewa-Daureawoo à Agaléga demain contribuera à y décanter la situation. Sinon, il voudrait mieux confier la gestion de l’île aux Agaléens eux-mêmes, comme ils le réclament…

 

*Racine pé brilé : En référence à une des chansons phares du défunt chanteur Kaya