Radhakrisna Sadien, président de la Confederation of Free Trade Unions :

« Des recrutements qui outrepassent le pouvoir de PSC »

  • «  Il faut revoir le fonctionnement de la Public Service Commission »

Le président de la  Confederation of Free Trade Unions, Radhakrisna Sadien,  est d’avis que la fonction publique connaîtra une nette dégradation le jour où un fonctionnaire croit qu’il devrait offrir un service pour un parti politique quelconque. Il ajoute aussi que le système du fonctionnement de la PSC est archaïque. « Il faut revoir le fonctionnement de la PSC. Il est impératif qu’il faut la moderniser et donner des outils et des hommes additionnels à la commission pour qu’elle fonctionne comme il  faut », dit-il.

Radhakrisna Sadien soutient aussi que le gouvernement doit amender la Public GatheringAct comme recommandé par les instances  concernées et ajoute que les autorités gouvernementales doivent maintenir l’État providence. Le syndicaliste dit également non à la privatisation d’eau à Maurice.

 

Sanjay BIJLOLL

Q :Il y a actuellement des centaines de postes vacants dans la fonction publique depuis quelque temps déjà, alors qu’il y a des milliers de jeunes, dont des gradués, qui attendent d’être embauchés. N’est-ce pas paradoxal ?

R : Je dirais que la fonction publique joue un rôle très important dans n’importe quel pays du monde. Un gouvernement élu par le peuple  compte forcément sur les fonctionnaires  pour que ces derniers exécutent sa politique.

Les fonctionnaires sont régis par des règlements bien strictes telle la ‘Officials Secrets Act’ de notre pays. De ce fait, ils n’ont pas le droit de communiquer avec les membres des médias dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ont un droit de réserve.  Ils offrent un service impartial pour le gouvernement du jour, mais pas pour un parti politique quelconque. La fonction publique connaîtra une nette dégradation le jour où un fonctionnaire croit qu’il est à la solde des politiciens.

C’est la raison pour laquelle le recrutement se fait par la Public Service Commission ( PSC), qui est protégée par la Constitution de Maurice. Des fois, la PSC délègue son pouvoir aux différents ministères pour recruter des travailleurs, tels ‘attendants’ et ‘generalworkers’. Or, l’expérience a démontré qu’il y des plaintes quand le recrutement se fait par les différents ministères car bien des fois la majorité des personnes qui sont recrutées habitent dans la même circonscription.  Dans plusieurs cas, on a constaté que des personnes méritantes ne sont pas recrutées. Parfois, des ‘cases’ sont logés à la cour, surtout en ce qui concerne le recrutement qui est fait par le ministère de la Santé.

J’ajouterais aussi qu’il devient difficile pour un fonctionnaire de refuser les directives d’un ministre lorsque ce dernier lui soumet un nom, concernant le recrutement. Alors, le fonctionnaire se rend vulnérable  quand il veut faire plaisir au ministre. Finalement c’est le service qu’on offre aux Mauriciens qui est pénalisé.

 

Q : Etes-vous satisfait de la façon dont les recrutements sont effectués dans le service civil?

R : Pas vraiment. Très souvent, on a constaté qu’il y a des abus de la part de certains ministères qui font leur propre recrutement.  Ces derniers temps, on a constaté des recrutements au niveau du département de la police, qui auraient outre passé le pouvoir de la PSC. On ne peut aussi recruter certains hauts cadres sur une base contractuelle. Tout cela créé une mauvaise perception aux yeux des membres du public. La tâche incombe à la PSC  de recruter des officiers dans les ministères ou départements publics.

 

Q : Et quid du rôle de la ‘Public Service Commission’ (PSC) ?

  • «  Le gouvernement doit amender la Public GatheringAct »

R : La PSC doit jouer son rôle de manière efficace afin de ne pas pénaliser ceux qui soumettent des demandes pour être embauchés dans des ministères ou autres départements publics et ce en terme de recrutement et de promotion.

Le système du fonctionnement de la PSC est archaïque. Il faut revoir le fonctionnement de la PSC. Il est impératif de moderniser la PSC. Cela dit, je pense qu’il faut lui donner des moyens ou outils nécessaires et des hommes additionnels pour qu’elle fonctionne bien.

La PSC doit aussi mettre sur pied des sous-commissions (comprenant des gens compétents, incluant des psychologues) pour s’occuper uniquement des recrutements. Celles-ci doivent être ‘answerable’ à la PSC.

Aussi, la commission doit fonctionner d’une  manière beaucoup plus transparente, concernant les recrutements. Les interviews enregistrées et les qualifications des candidats rendues publiques. Cela permettra aux candidats méritants qui ne sont retenus par la PSC de saisir la justice.

 

Q : Les syndicats du service public sont presque unanimes à condamner ledocument ‘Errors and Omissions’, qui vient d’être rendu public. Pourquoi ce rapport déçoit-il tant ?

R : Le rôle du PRB  c’est de revoir la révision salariale ainsi que les conditions de travail en faveur des fonctionnaires qui sont affectés aux différents ministères. C’est bon de rappeler que le PRB  a remplacé le Central Whitley Council. A cette époque, soit à l’ère coloniale, les responsables de fédérations syndicales rencontraient le chef du service civil et même après pour discuter les conditions de travail et prendre des décisions importantes. Durant cette période, on discutait beaucoup pour l’épanouissement des fonctionnaires.

Malheureusement, aujourd’hui le PRB nous a déçus. On a l’impression qu’il se laisse influencer par les ministères.

 

Q : Que pensez-vous des négociations collectives ?

R : Le moins que l’on puisse dire c’est qu’on ne s’intéresse pas vraiment aux négociations collectives au niveau du gouvernement. Il est regrettable de dire que les rapports successifs du PRB représentent le porte-voix des ministères. C’est pourquoi le rapport du PRB comprend des ‘errors and anomalies’.

Je dois aussi faire ressortir que le ministre de la Fonction publique, Alain Wong, avait annoncé le recrutement de 7 000 personnes au sein de la fonction publique. Beaucoup de fonctionnaires attendaient leurs nominations, promotions ainsi que des arrérages après les recrutements. Or, il n’en fut rien.

Parfois, les recommandations du PRB font beaucoup de tort aux fonctionnaires, qui sont démotivés.  D’où la déception et la frustration des fonctionnaires. Ils consentent beaucoup de sacrifices, mais constatent par la suite qu’ils sont pénalisés en termes d’avantages et ‘increments’. Ils ne sont pas motivés pour suivre des cours de formation lorsqu’ils constatent que le rapport du PRB contient des anomalies.

Je souhaite qu’on retourne à l’ancien système afin que les conditions de travail soient mieux discutées entre les syndicats et le gouvernement.

 

Q : Le public se plaint souvent de la mauvaise qualité de services offerts dans certains secteurs essentiels, dont celui de l’eau. Une privatisation de ces services ne s’avère-t-il pas nécessaire?

R : Le public attend beaucoup de la fonction publique et autres secteurs gouvernementaux. Or, on constate que le gouvernement prône la politique de privatisation à l’égard de certains départements publics, plus particulièrement en ce qui concerne l’eau.

Pour moi, la politique de privatisation ouvre la porte  aux abus et à la mauvaise gouvernance de certains secteurs et ce au détriment  de la population. Beaucoup d’investisseurs et compagnies se réjouissent lorsqu’on privatise certains départements publics. C’est dommage que la Banque mondiale  et beaucoup de  multinationales sont en train de s’infiltrer dans notre pays pour  contrôler le secteur d’eau dans notre pays. Le gouvernement de l’Alliance Lepep n’avait jamais annoncé dans son programme électoral que le secteur d’eau serait privatisé et qu’il aurait une hausse de 25% sur les factures. On a berné la population.

La privatisation ne fait pas l’unanimité. Il ne faut pas oublier que certains pays ont arrêté la politique de privatisation.

La Confederation of Free Trade Unions dit non à la politique de privatisation. Avec le soutien de l’ « International des Services Publics » et de certains syndicats, nous continuons à mener une campagne pour dire non à la privatisation du secteur d’eau, car la population n’est pas satisfaite des services offerts par beaucoup de compagnies privées qui opèrent déjà dans d’autres secteurs.

 

Q : Le ministre des Finances, PravindJugnauth, a annoncé la fusion de plusieurs institutions gouvernementales dans son dernier budget. Dans quelle mesure cette réforme sera-t-elle bénéfique à la population ?

R : C’est une recommandation de la Banque mondiale.  Certaines institutions ont des spécificités. La fusion de plusieurs  institutions gouvernementales est contraire à la politique de démocratisation. On ne pourra  pas prendre part aux décisions importantes si ce projet est concrétisé. Certes, il y aura des répercussions à l’égard des employés des  certaines institutions, qui seront pénalisés d’une manière ou d’une autre.

 

Q : Le Civil Service College est  opérationnel depuis novembre dernier, porte-t-il ses fruits ?

R : Le Civil Service College qui est déjà opérationnel donne la possibilité aux fonctionnaires de suivre des cours de formation. De ce fait, l’image de la fonction publique connaîtra une transformation.

Toutefois, je dirais qu’il faut davantage investir dans la fonction publique, qui doit offrir  des services tangibles pour le bien-être de la population.

Chaque ministère doit comprendre des ‘desk’officers, qui seront responsables des dossiers de la formation et du suivi après la formation, qui apportera des changements nécessaires. Il est  important de se pencher sur un changement de mentalité pour atteindre notre but.

 

Q : Quel est votre avis sur les nouvelles lois dont l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act qui ont remplacé l’Industrial Relations Act et la Labour Act?

R : Il est malheureux de constater que l’Employment Relations Act et l’EmploymentRightsAct font beaucoup du tort au secteur privé. Le gouvernement avait promis d’apporter des amendements nécessaires dans les lois du travail pour protéger les travailleurs. Or, on attend toujours le ‘draft bill’ et les amendements nécessaires.

Valeur du jour, il est très facile pour le secteur privé de licencier des travailleurs, qui, semble-t-il, sont très vulnérables.

Les différentes institutions doivent revoir leur fonctionnement et leur rôle. Il est primordial que le gouvernement prône une politique de ‘salaire minimum décent’, qui permettrait aux travailleurs de bénéficier d’une qualité de vie décente dans notre pays. Sinon, on continuera d’exploiter ces derniers et il n’y aura point de distribution équitable de richesses dans le pays. L’écart s’agrandira entre les riches et les pauvres.

Il est nécessaire de prôner une politique de ‘profit sharing’ pour permettre aux travailleurs,  qui font beaucoup de sacrifices, d’être plus productifs dans leurs secteurs respectifs. Il faut aussi un changement de ‘mindset’ parmi les employeurs et employés.

 

Q :Qu’en est-il du Public Service Bill ?

R : Tout comme la Civil Service Act qui existe en Angleterre, le Public Service Bill est très important pour les fonctionnaires et ceux  qui sont recrutés sur une base contractuelle au sein de la fonction publique.  Il faut arrêter avec la politique des instructions verbales et les interférences politiques.

Le Public Service  Bill est appelé à corriger le mal qui existe dans notre système depuis des années. On doit nommer une Ombudsperson afin de permettre à un fonctionnaire qui se sentira lésé d’avoir recours aux autorités concernées en cas de pression politique.

 

Q : Quel est votre point de vue sur la ‘Public GatheringAct  ( PGA)?

R : Je pense que le gouvernement doit amender la PGA. Cette loi est dépassée.  Le moins que je puisse dire c’est que cette loi est appliquée de façon discriminatoire à l’égard des certaines personnes, fonctionnaires, syndicalistes et autres organisations lors qu’il il y a des manifestations ou marches pacifiques.

Le Bureau international du travail (BiT) avait fait comprendre qu’il faut amender la PGA qui serait contre des conventions  de base de cet organisme, qui veut toujours protéger  l’intérêt  des syndicats et travailleurs.

Depuis plusieurs années, nous avons adressé des requêtes aux autorités gouvernementales, dont  le Bureau du Premier ministre. Or, nous attendons toujours des amendements que nous avons suggérés.

 

Q : Quel est votre point de vue sur l’État providence, qui comprend aussi la réforme de pension, enclenchée par le gouvernement ?

R : Les Mauriciens, dont ceux qui suivent les statistiques, sont d’accord que nous avons une population vieillissante. Il est important de prendre cet élément au sérieux.

Lorsque les partis politiques sont dans l’opposition, ils prennent des engagementsjustes pour gagner les élections. Mais dès qu’ils gagnent les élections et arrivent au pouvoir, ils oublient leurs promesses électorales. La population doit prendre conscience  de la démagogie des politiciens.

Cela dit, je pense que le gouvernement doit maintenir l’État providence, qui a fait progresser le pays d’une manière ou d’une autre.