L’annonce de la révision salariale par le gouvernement mauricien, visant à corriger les distorsions créées par l’augmentation du salaire minimum à Rs 16 500 en janvier 2024, provoque des inquiétudes au sein des Petites et moyennes entreprises (PME). Adilla Diouman-Mosafeer, entrepreneure et fondatrice de Talent Lab, s’est exprimée sur les défis que cette révision impose aux PME, et sur la nécessité d’une approche plus nuancée et collaborative pour éviter de mettre en péril la survie de ces entreprises essentielles à l’économie mauricienne.
Avec l’introduction du salaire minimum à Rs 16 500 et la revalorisation salariale, de nombreuses PME se retrouvent confrontées à une pression financière accrue. « La mise en œuvre rétroactive de cette mesure, qui prend effet dès juillet, alourdit considérablement les coûts de production », explique Adilla Diouman-Mosafeer. En effet, cette augmentation ne se limite pas aux salaires directs, mais inclut également une hausse des charges patronales, comme la Contribution Sociale Généralisée (CSG), ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts d’au moins 10 %.
Ces nouvelles charges surviennent dans un contexte déjà difficile, marqué par la dépréciation de la roupie, l’augmentation des frais de fret, et la hausse des prix des importations. « Beaucoup d’entreprises avaient déjà établi leur budget pour l’année fiscale en cours, et intégrer ces nouvelles charges représente un véritable défi », ajoute la fondatrice de Talent Lab.
Un manque de consultation et de planification
Adilla Diouman-Mosafeer critique également l’absence de consultations préalables avec les PME avant l’annonce de la révision salariale. « Le gouvernement aurait dû inclure les PME de manière plus proactive dans cet exercice. Les syndicats ont déjà souligné les disparités importantes entre les différents secteurs et types d’employés au sein des PME, rendant cette mesure complexe et inégale. »
Elle estime qu’avec une consultation en amont et une planification rigoureuse, les discussions auraient pu se dérouler de manière plus constructive. « Une approche collaborative aurait sans doute permis de mieux gérer les attentes et de minimiser les perturbations dans le secteur des PME », affirme-t-elle.
Réductions d’effectifs et malaise au sein des entreprises
Depuis l’annonce de la révision salariale, les inquiétudes parmi les dirigeants d’entreprises ne cessent de croître. Beaucoup craignent que l’augmentation des salaires ne crée un effet boule de neige, entraînant un gel des recrutements et une augmentation du taux de chômage. « Certaines PME, incapables de payer correctement leurs employés, devront réduire leur effectif et licencier du personnel », avertit Adilla Diouman-Mosafeer.
Elle souligne également le risque de malaise au sein des entreprises, où des employés plus anciens avec une qualification de base comme le SC/HSC pourraient se retrouver à percevoir le même salaire qu’un jeune diplômé sans expérience. Cette situation pourrait engendrer des frustrations et inciter les employés insatisfaits à chercher de meilleures opportunités ailleurs, ce qui pourrait nuire à la stabilité de l’entreprise.
Stratégies d’adaptation pour les PME
Face à ces défis, Adilla Diouman-Mosafeer encourage les PME à repenser leurs stratégies : « Il est nécessaire d’envisager des approches différentes, comme l’automatisation ou le recours à des prestataires de services indépendants ou des consultants, qui ne sont pas des employés directs, évitant ainsi les charges salariales supplémentaires. »
Elle cite l’exemple du marketing digital : « Au lieu d’embaucher un employé permanent, une entreprise pourrait externaliser cette tâche à une société spécialisée, réduisant ainsi les coûts salariaux. » Cependant, elle reconnaît que cette transition vers des stratégies à moindre coût pourrait nuire à la compétitivité des PME, surtout sur le marché local où elles sont déjà confrontées à une forte concurrence de produits étrangers.
L’avenir du secteur des PME à Maurice
En regardant vers l’avenir, Adilla Diouman-Mosafeer se montre préoccupée par l’évolution du secteur des PME si les coûts continuent d’augmenter sans une augmentation proportionnelle de la demande ou des marges bénéficiaires. « Beaucoup d’entreprises ne pourront pas survivre à cette augmentation des coûts. La mesure de révision salariale, telle qu’annoncée, manque de précision et d’adaptabilité, ce qui risque de causer des dommages considérables au tissu économique des PME. »
Elle conclut en appelant le gouvernement à reconsidérer son approche pour assurer la survie et la prospérité des petites et moyennes entreprises dans ce contexte économique difficile. « Il est crucial d’adopter une approche plus sectorielle et de cibler les entreprises spécifiques avec des ajustements proportionnels et adaptés aux réalités économiques de chaque secteur », insiste-t-elle.