Le réalignement salarial annoncé par le gouvernement suscite une polémique qui va bien au-delà des simples ajustements de rémunération. Avec des élections générales en vue, cette mesure précipitée semble viser avant tout à instaurer un ‘feel good factor’ parmi les travailleurs, une manœuvre politique dénoncée par le patronat alors que la question de réajustement salarial englobe des implications qui méritent au moins le dialogue et la concertation. La prise de position de Business Mauritius met le gouvernement dans une situation singulièrement embarrassante, d’autant qu’elle lui fait perdre des points sur le plan politique au lieu de dégager le sentiment de bien-être qu’il souhaitait voir au moment de la dissolution du Parlement.
Les communications officielles du ministère du Travail montrent de profondes contradictions concernant le processus de mise en œuvre du réalignement salarial. Alors que le premier communiqué du 13 septembre 2024 stipulait que les nouvelles grilles salariales seraient en vigueur immédiatement, un second communiqué du 27 septembre semble admettre que de nombreux employeurs ne sont toujours pas en conformité. Le gouvernement ordonne aux entreprises de rectifier la situation en incluant les ajustements pour juillet, août et septembre 2024 au plus tard en décembre. Cette confusion dans les directives n’a fait que renforcer le sentiment d’improvisation et de précipitation.
Précipitation du gouvernement
La précipitation du gouvernement est encore plus évidente dans le contexte du bras de fer avec Business Mauritius. Celle-ci critique fermement la politisation du dossier. Selon Business Mauritius, les amendements aux Remuneration Regulations ont été faits sans respecter toutes les procédures requises, notamment en se basant sur une application contestée des articles 94 et 106 de l’Employment Relations Act (ERA). Pour l’organisation, une seule des deux entités de consultation légale, à savoir le National Remuneration Board et le National Wage Consultative Council, a été impliquée dans la prise de décision, ce qui en fait un processus juridiquement discutable.
Face à ces irrégularités, Business Mauritius a conseillé à ses membres, dans un communiqué émis cette semaine, de ne pas se précipiter dans la mise en œuvre de ces nouvelles grilles salariales, mettant en lumière le flou juridique qui entoure ces mesures. La publication de nouvelles ordonnances de rémunération sous les articles 94 et 106 de l’ERA le 24 septembre 2024, après que Business Mauritius a émis des réserves, n’a fait qu’accroître les tensions. Le ministère, en modifiant les articles invoqués dans la loi, semble avoir cherché à légitimer une décision déjà en cours d’exécution, sans pour autant répondre aux préoccupations des entreprises quant à la légalité de ces amendements.
Judicial Review
Malgré les tentatives de Business Mauritius d’établir un dialogue constructif avec le gouvernement, aucune solution satisfaisante n’a été trouvée. En conséquence, l’association s’est vue contrainte d’informer ses membres de l’avis légal selon lequel l’article 106 de l’ERA n’était pas applicable et que l’article 94, utilisé par le ministère, n’offrait pas de base légale suffisante pour imposer les ajustements salariaux. Dans ce contexte, Business Mauritius a annoncé son intention de lancer une procédure de Judicial Review pour clarifier les pouvoirs du ministre du Travail, et s’assurer que toute action future soit en conformité avec la loi.
A noter que Business Mauritius a réitéré son soutien aux ajustements salariaux, mais estime que le processus doit respecter les principes de bonne gouvernance et de transparence. L’organisation souligne qu’elle n’est pas opposée à l’idée de payer les ajustements, mais qu’une clarification juridique est essentielle pour protéger toutes les parties impliquées, y compris les petites et moyennes entreprises qui pourraient être mises en péril par des exigences rétroactives.
Amar Deerpalsing : « Le ministre se comporte comme un “vagabond” »
Le gouvernement, en imposant cette mesure avant les élections, semble davantage motivé par des gains politiques que par un véritable souci de justice sociale. La rapidité avec laquelle ces amendements ont été adoptés, sans consultation adéquate des parties prenantes, laisse supposer une volonté de créer un “feel good factor” parmi la population à l’approche des élections de 2024.
Le ministre a récemment organisé une conférence de presse pour justifier ses actions. Cependant, selon Amar Deerpalsing, le président de la Fédération des PME, ce genre de décisions en période pré-électorale semble être une manœuvre pour mettre la pression sur les entreprises. Le ministre est accusé d’avoir agi de manière précipitée à l’approche des élections de 2024. En imposant des changements avec effet rétroactif, il mettrait en difficulté les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), qui n’ont pas les ressources pour payer les salaires en retard. Selon Amar Deerpalsing, il est inconcevable de demander à une entreprise de payer rétroactivement pour un travail effectué il y a plusieurs mois, alors que les fonds ne sont plus disponibles. Il conclut en affirmant que le ministre se comporte comme un “vagabond”, en imposant ces mesures sans réflexion et en menaçant de poursuivre en justice les entreprises incapables de suivre.