Récession mondiale Sudhir Sesungkur : « Il nous faut un plan d’action en urgence »

Alors que le risque d’une récession mondiale se fait de plus en plus menaçant, l’optimisme affiché par le ministre des Finances inquiète les observateurs économiques. La confiance « surréaliste » de Renganaden Padayachy peut s’avérer fatale pour notre économie. C’est ce que pense l’ancien ministre de la Bonne gouvernance et des services financiers, Sudhir Sesungkur. Il dit ne pas comprendre l’entêtement du ministre des Finances à tout voir en rose alors que le reste du monde craint le pire pour l’année prochaine, avec la récession mondiale qui pointe son nez. « Tous les grands pays, dont l’Amérique, Angleterre, la France et l’Allemagne se préparent à relever les grands défis qui nous attendent et ils viennent déjà avec des mesures pour pouvoir surmonter les épreuves. Or chez nous, le ministre des Finances se fait très rare alors qu’il aurait dû être à l’avant-plan pour préparer notre économie aux ‘challenges’ auxquels elle sera bientôt confrontée », déplore l’ancien ministre de la Bonne gouvernance.

Sudhir Sesungkur rappelle d’emblée que la hausse du ‘repo rate’ implique une hausse du coût d’intérêt. Tout ceux ayant des loans devront ainsi débourser plus pour financer le remboursement. La Banque de Maurice n’est pas une exception, précise notre interlocuteur, vu qu’elle sera appelée à décaisser davantage pour payer les intérêts qu’elle octroie aux banques sur leurs dépôts. Ce qui sous-entend que la banque centrale doit adopter une approche plus prudente. « Si la BoM augmente le repo rate pour contrôler l’inflation qui reste un problème majeur, elle ne peut pas continuer à mettre plus d’argent en circulation. Sinon, elle sera en contradiction totale avec son propre objectif », dit-il. D’ailleurs, souligne-t-il, la hausse de l’inflation a été provoquée en grande partie par la banque centrale elle-même en raison de la dépréciation soutenue de la roupie. « Tout ce qu’on importe coûte plus cher, pas nécessairement parce que le coût à l’extérieur a augmenté, mais aussi parce que la roupie s’est dépréciée considérablement », explique-t-il.

L’ancien ministre du MSM estime qu’il n’est qu’une question de temps avant que la BoM ne soit contraint de se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI) pour rechercher de l’aide, car la valeur de ses biens, qui se comptent en devises, rétrécira comme une peau de chagrin. Le FMI avait d’ailleurs exhorté la banque centrale à se débarrasser de la ‘Mauritius Investment Corporation’ (MIC) afin de ne pas fragiliser son bilan financier. Une directive dont a fait fi la BoM. Sudhir Sesungkur croit dur comme fer que la santé financière de cette institution est menacée. « J’estime que la banque centrale fera face à un grave problème, causé par une érosion du peu des réserves qu’il lui reste, qui la contraindra à se recapitaliser. Et puisque les caisses du gouvernement sont vides, il y a fort à parier que la BoM recherchera le soutien du FMI alors qu’elle a jusqu’ici ignoré tous ses avertissements », souligne-t-il.

Il est temps, dit notre interlocuteur, d’adopter une politique de transparence et de vérité, mais aussi d’austérité pour faire face aux problèmes qui nous guettent. Or, rien n’indique qu’on va dans cette direction. Les indicateurs économiques sont au rouge, rappelle-t-il. « L’inflation est en réalité plus élevée que le chiffre officiel de 10%. La balance de paiement et la balance commerciale sont déficitaires. L’endettement ne cesse d’augmente. Il y a une pénurie de devises étrangères. La BoM est presque en faillite. La situation au niveau de l’emploi n’est guère satisfaisante alors que la gestion des institutions publiques et paraétatiques comme Air Mauritius, SBM, Mauritius Telecom et CEB se fait au petit bonheur. Le pays va à la dérive », martèle-t-il. Et d’ajouter que la gestion lamentable de la SBM reflète la médiocrité de la gestion du pays. Il blâme le ministre des Finances pour son incompétence et sa léthargie. « Il a échoué dans son rôle. Il n’a rien fait hormis l’introduction de la CSG qui pèse lourd dans la balance des entreprises », dénonce Sudhir Sesungkur.

Ce dernier estime que nous ne sommes pas loin de subir de plein fouet les conséquences d’un manque de réformes structurelles. « BoM et FSC komsi bane sofer kine gayn somey au volant. Fodé tapé pou zot somey cassé », ironise-t-il. Et d’ajouter qu’il est primordial que le gouvernement revoie ses priorités et ses dépenses. « Même l’Angleterre, qui dispose d’une économie solide, est contraint de s’agenouiller devant le FMI. Mais ici, le gouvernement persiste à faire croire que nous sommes à l’abri des secousses externes alors que nous continuons de subir les effets de la guerre en Ukraine », poursuit Sudhir Sesungkur. L’ancien ministre prévoit déjà une baisse de nos revenus en raison de la récession en Europe qui affectera notre tourisme et d’autres secteurs clés de notre économie. « Il nous faut un plan d’action en urgence », exhorte-t-il.