[Recrutements pré-électoraux « on a purely temporary day-to-day basis »] Près de 1500 travailleurs bernés par le MSM

À l’approche des dernières élections générales de 2024, le gouvernement MSM s’est livré à une opération de recrutements massifs dans les collectivités locales, sous couvert de contrats précaires, soit « purely temporary day-to-day basis ». Un véritable scandale électoral qui refait surface aujourd’hui alors que les mêmes politiciens du MSM s’indignent hypocritement de la terminaison inévitable des contrats de quelque 1 463 employés décidés par la ‘Local Government Commission Service’ (LGSC) sans aucune ingérence politique de la part du gouvernement actuel.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre janvier et octobre 2024, pas moins de 1 765 personnesont été recrutées par les collectivités locales. Le plus troublant reste le timing : 998 embauches ont été réalisées entre le 3 septembre et le 3 octobre 2024, soit juste avant le scrutin de novembre 2024. Derrière cette frénésie d’embauches : aucune provision budgétaire pour 599 postes créés de toutes pièces, pesant lourdement sur les finances publiques avec une charge mensuelle estimée à Rs 10 millions.

Plus scandaleux encore : les contrats de ces travailleurs précisent que « your date of employment will take effect as from the date of assumption of duty and will be on purely temporary day-to-day basis and will not give you any claim to any permanent employment in the Local Government Service. The employment may be terminated without notice or compensation in lieu of notice ». Cette précarité, orchestrée en toute conscience par l’ancien gouvernement MSM, visait uniquement à séduire électoralement.

Irrégularités flagrantes et frauduleuses

« Le nouveau board de la LGSC a décelé des irrégularités flagrantes, pour ne pas dire frauduleuses et criminelles, concernant le recrutement de ces travailleurs au sein des municipalités et des conseils de district […] Ces recrutements n’étaient pas valables légalement. Ce qui explique la terminaison de ces contrats », a expliqué le ministre du Travail et des relations industrielles, Reza Uteem. Et d’ajouter que les employés affectés pourront être réembauchés à l’issue d’un nouvel appel d’offres qui sera fait en toute transparence et légalité.

Le ministre des Collectivités locales, Rajiv Woochit, a abondé dans le même sens en dénonçant l’illégalité de ces recrutements effectués en période pré-électorale par l’ancien président de la LGCS, sans passer par le board. Afin de ne pas pénaliser les travailleurs dont les contrats ont été terminés, il a annoncé un nouvel exercice de recrutement qui sera fait conformément aux règlements en vigueur. « Bane ki mérité pou regagne zot chance. Nou envi ene administration locale ki transparente et efficace », a-t-il ajouté.

L’affaire prend une tournure plus grave encore avec la révélation du rôle joué par l’ancien board et président de la ‘Local Government Service Commission’ (LGSC) en période pré-électorale. Selon le ministre des Collectivités locales, 1 731 embauches ont été validées par le seul président de la LGSC, sans consultation des autres membres, en violation flagrante des procédures. Ce qui nous rappelle une conversation fuitée par les Moustass Leaks entre Kobita Jugnauth et une certaine Sheela Curpen laisse entendre une collusion politique dans la gestion des recrutements et des promotions par la LGSC. Ce qui est loin d’être anodin.

Une répétition de l’affaire Ashok Jugnauth

Le modus operandi de l’ancien gouvernement MSM rappelle tristement l’affaire Ashok Jugnauth, oncle de Pravind Jugnauth, en 2005. Ce dernier était contraint de céder son siège de député de la circonscription no. 8 après un jugement du Privy Council en 2008. En 2007, la Cour suprême avait déjà invalidé l’élection d’Ashok Jugnauth, estimant qu’il y avait bel et bien eu abus de pouvoir et violation des règles d’éthique électorale lorsqu’il avait, en tant que ministre de la Santé, procédé à des recrutements d’infirmiers dans sa circonscription à des fins électoralistes avant les élections générales de 2005.

La Cour avait jugé que ces recrutements constituaient une forme de “treating” et “undue influence” en vertu de la ‘Representation of the People Act’. Et le Privy Council avait maintenu ce verdict de la Cour suprême en 2008. Ashok Jugnauth avait donc perdu son siège de député suite à cette affaire, une première retentissante pour un ministre en exercice à Maurice. L’affaire est restée comme un cas d’école sur l’utilisation des recrutements dans la fonction publique à des fins électorales, souvent cité en référence dans les débats sur l’éthique politique à Maurice.

L’histoire semble s’être répétée en 2024, toujours sous le régime MSM, avec les mêmes méthodes clientélistes, cette fois à plus grande échelle.

Hypocrisie politique

Ironie du sort, ceux-là mêmes qui ont effectué ces recrutements électoralistes sur une base purement temporaire et précaire, soit des membres du MSM, dont l’ancien ministre du Travail Soodesh Callichurn, s’insurgent aujourd’hui contre les résiliations de contrats qu’ils ont eux-mêmes rédigés sans garantie pour les travailleurs. Ce double discours illustre à quel point le MSM a instrumentalisé la misère sociale à des fins politiques.

Face à ce scandale, le gouvernement actuel a saisi la ‘Financial Crimes Commission’ (FCC). Une enquête est en cours pour établir les responsabilités individuelles et institutionnelles. Le ministre Woochit a été clair : « Les coupables devront rendre des comptes. C’est une question de respect envers les citoyens et la bonne gestion des fonds publics ».

Moustass Leaks : L’ingérence politique du MSM

S’il fallait une preuve éclatante de l’ingérence de l’ancien régime dans les affaires administratives, elle se trouve dans les enregistrements de Moustass Leaks qui ont fuité en octobre/novembre 2024. Dans l’un des extraits les plus révélateurs, une conversation téléphonique entre Kobita Jugnauth, épouse de l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, et Sheela Curpen, proche du régime, expose sans détour la mainmise directe de Lakwisinn sur les décisions de la Local Government Service Commission (LGSC).

Kobita Jugnauth : « Mo donne ou trois noms la […] Dire li not approved. »
Sheela Curpen : « Mo pou dire li PM kine dire. C’est PM ki pou guette tou. »

Dans ce court échange, des instructions sont données pour rejeter des nominations, sans aucune référence à une procédure institutionnelle ou à la collégialité du board de la LGSC. Des références à des figures politiques influentes, comme Maneesh Gobin, révèlent un circuit parallèle de décisions, loin des principes d’indépendance administrative. Et pire encore, la mention explicite du Premier ministre comme instance décisionnelle (« PM ki pou guette tou ») démontre une personnalisation du pouvoir et un contournement de la loi.

Cette conversation ne laisse pas de place au doute : la LGSC, censée être un organisme indépendant, a été utilisée comme un instrument politique au service du pouvoir en place, en violation manifeste des principes de bonne gouvernance, de transparence et d’équité administrative. Ce type de manœuvre, mis en lumière dans le scandale des recrutements pré-électoraux, confirme le contrôle illégal et partisan de l’appareil administratif par l’ancien régime MSM.