Relogement des marchands ambulants : La manière forte de la municipalité ne passe pas

Le relogement des marchands ambulants au Victoria Urban Terminal ne se passe pas sans heurts. La mairie de Port-Louis semble vouloir ‘concentrer’ tous les marchands ambulants de la capitale au Victoria Urban Terminal, au grand dam de ces derniers, et essaie d’utiliser la manière forte pour les faire déguerpir du Ruisseau du Pouce et ailleurs, alors que la demande d’injonction des marchands est toujours devant la Cour suprême.

Le lord-maire, Mahfooz Cadersaib, a, lors d’un point de presse le mardi 17 mai 2022, annoncé que les marchands ambulants opérant à la rue Decaen et au Ruisseau du Pouce avaient jusqu’au jeudi 19 mai pour se déplacer au Victoria Urban Terminal. Cette échéance n’a pas été respectée car à ce jour, des marchands ambulants opèrent toujours à la rue Decaen et au Ruisseau du Pouce.

Alors qu’il avait initialement été prévu de reloger seulement les marchands opérant au Ruisseau du Pouce au Victoria Urban Terminal, voilà que la mairie a décidé de reloger tous les marchands ambulants, y compris ceux de la rue Decaen et ceux de la Gare du Nord, au Victoria Urban Terminal. Une décision que les marchands voient d’un mauvais œil. Pour eux, la mairie veut fourguer tout le monde au même endroit, alors qu’on aurait dû donner une priorité aux plus anciens pour qu’ils aient une place plus visible. D’autant que tous les marchands ambulants ont été relégués au fin fond des étages supérieurs.

Marchands brutalisés

Certains marchands au Ruisseau du Pouce ont été brutalisés par la police ce mercredi 18 mai, dans le but de les faire ‘lev paké aller’, alors qu’une demande d’injonction est toujours ‘pending’ devant la Cour suprême. Ali, un marchand de ‘dholpuris’ opérant au Ruisseau du Pouce, est parmi les marchands qui ont logé cette demande d’injonction. Le mercredi 18 mai, dit-il, des officiers de la municipalité de Port-Louis sont venus à la rencontre des marchands ambulants, accompagnés d’un fort contingent de policiers qui ont brutalisé les marchands. « La police ine trap nou ine baté », dénonce-t-il. « C’est injuste que la force policière utilise de la violence contre les marchands ». Rishi, un autre marchand qui opère pendant une dizaine d’années au Ruisseau du Pouce, nous avoue que « mo enkor pe kozer, ene policier nek vini, li donn moi ene claque ». Il compte d’ailleurs déposer une plainte contre les agissements de ce policier.

Les marchands ont pu néanmoins rencontrer le Lord-maire après cet incident. Selon Ali, Mahfooz Cadersaib avait annoncé que ceux qui avaient entré leur affaire en cour ont le droit de rester et d’opérer au Ruisseau du Pouce jusqu’à que l’affaire soit entendue en cour.

« Nous ne voyons pas vraiment de lumière au bout du tunnel »

Farzanah, une des marchands ambulants opérant aux Ruisseau du Pouce, nous indique qu’elle est allée voir les étals au Victoria Urban Terminal. Elle n’est pas satisfaite de la place qui lui a été allouée. « Payer une somme de Rs 4 000 par mois pour un si petit étal n’est pas justifié », dit-elle. Elle explique aussi que les marchands n’ont pas été relogés selon un système de priorité. « Je suis une femme divorcée, une mère de famille et je travaille le matin pour pouvoir manger le soir », dit-elle. Elle attend le jugement de la Cour suprême pour décider de la marche à suivre, mais ne voit pas vraiment de lumière au bout du tunnel.

Shenaz a eu une place au Victoria Urban Terminal. Elle s’y était rendue pour travailler, mais elle a dû retourner au Ruisseau du Pouce. Elle a eu un emplacement tout au fond du deuxième étage du Victoria Urban Terminal, où elle a dû travailler seule. Elle se sentait seule et effrayée et ne voyait même pas venir des clients là où elle se trouvait. « Je suis découragée », dit-elle.

Jeenally opère comme marchand ambulant pendant plus d’une dizaine d’années. Il estime également qu’il aurait fallu allouer les étals selon l’ancienneté des marchands. « On n’aurait pas dû mettre tous les marchands dans le même panier », dit-il. Il demande à ce que les autorités revoient leur décision et qu’ils fassent le nécessaire au plus vite. « Avec la pandémie, nous n’avons même pas pu travailler et là, avec la situation qui s’améliorait sur le plan sanitaire, on espérait travailler d’arrache-pied pour pouvoir rattraper le retard et pour pouvoir faire faire face à cette hausse des prix qui prévaut dans le pays. Maintenant, on ne sait plus quoi faire », lâche-t-il d’un ton résigné.

Nous avons tenté d’avoir le maire de Port Louis, Mahfooz Cadersaib, à plusieurs reprises mais en vain.