[Rémunérations controversées de Navin Bheekarry] Plus de Rs 61 millions en huit ans

Il aura fallu un changement de régime pour que les rémunérations de Navin Bheekarry soient enfin dévoilées. En réponse à une question du député Ashley Ramdass, le Premier ministre a révélé des chiffres qui sont pour le moins impressionnants : Rs 61,333,220 perçus entre juillet 2016 et novembre 2024, soit plus de Rs 61 millions sur une période de huit ans.

Cette somme astronomique est composée de Rs 40,389,194 de salaire de base et Rs 20,944,026 d’autres avantages. À ces montants s’ajoutent 65 missions officielles à l’étranger pour un coût total de Rs 17,447,616, incluant Rs 8,158,557 de billets d’avion et Rs 9,289,059 de per diem et autres allocations.

Une carrière ponctuée de controverses

Navin Bheekarry n’en est pas à sa première polémique. Dès 2004, alors qu’il était Commissaire de l’ICAC, il avait fait l’objet d’accusations concernant des “deals suspects” avec la société Iframac pour l’achat et la vente de sa propre voiture. Ces soupçons avaient déjà jeté une ombre sur son intégrité.

L’épisode le plus controversé reste sans doute le revirement de l’ICAC dans l’affaire MedPoint devant le Privy Council en janvier 2019. Navin Bheekarry avait été photographié dans la salle d’audience de Londres, présent aux côtés des avocats du DPP qui plaidaient en faveur de Pravind Jugnauth.

Cette présence avait soulevé de nombreuses questions sur l’indépendance de l’institution anti-corruption. Lors d’un comité parlementaire en février 2019, Bheekarry avait été “bombardé de questions” sur cette volte-face inexpliquée. L’ICAC, qui avait initialement enquêté sur cette affaire, s’était finalement rangée du côté de la défense du Premier ministre, soulevant des interrogations légitimes sur les pressions politiques exercées, d’autant qu’il était proche de l’ancien régime.

Nommé directeur général de l’ICAC en juillet 2016 par le gouvernement MSM, Bheekarry a bénéficié d’une progression salariale remarquable. Son salaire mensuel est passé de Rs 275,000 en 2002 à Rs 375,000 en 2016, puis à Rs 420,000 en 2021, avant d’atteindre Rs 525,000 mensuels lors de sa nomination à la Financial Crimes Commission en mars 2023.

Les 65 missions officielles à l’étranger sur huit ans représentent plus de huit voyages par an, avec des per diem et allocations particulièrement généreuses. Cette fréquence de déplacements, couplée aux montants alloués, soulève des questions sur la nécessité réelle de ces missions et leur efficacité dans la lutte contre la corruption. L’opacité qui entourait ces dépenses contraste singulièrement avec les exigences de transparence que l’institution anti-corruption était censée incarner.