Renouvellement du contrat de Navin Beekarry comme DG de l’ICAC : « Mauvais signal à la FATF »

Un autre ‘blue-eyed boy’ du gouvernement ? Oui, nous parlons bien sûr du directeur-général de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), Navin Beekarry. Son contrat, qui devrait arriver à terme fin juin, a été renouvelé. Cela alors que l’ICAC a été une des institutions qui avait conduit Maurice à figurer sur la liste grise de la Financial Action Task Force (FATF). Et cela alors qu’une délégation de cette instance s’apprête à venir visiter Maurice pour voir si on pourrait retirer notre pays de cette liste…

Il faut dire que depuis sa nomination en 2016, Navin Beekharry a souvent été à la une de l’actualité, vu les dossiers brûlants qui traînent au Réduit Triangle depuis des années, surtout ceux qui impliquent directement et indirectement les membres du présent gouvernement.

Les affaires Medpoint et Angus Road, impliquant nul autre que le Premier ministre lui-même, Pravind Jugnauth ; l’affaire impliquant Vishnu Lutchmeenaraidoo quand il était encore membre du gouvernement ; le Yerrigadoogate ; l’affaire St. Louis, qui avait vu la démission du no 2 du gouvernement, Ivan Collendavelloo ; la plainte de Simla Kistnen contre Yogida Sawmynaden : autant de dossiers où l’ICAC a lamentablement échoué dans sa mission de combattre la corruption.

Dans ce contexte, il est utile de se rappeler que la FATF effectuera prochainement une ‘on-site visit’à Maurice. Cette instance constatera immanquablement que le contrat de Navin Beekarry a été renouvelé.

« Je suis étonné », nous déclare sans ambages le député du PTr, Patrick Assirvaden. Il déplore que beaucoup d’enquêtes menées par l’ICAC, sous la houlette de Beekharry, n’ont toujours pas abouti et sur lesquels on n’entend plus rien. Cela alors que nous sommes sur la liste grise de la Financial Action Task Force (FATF) et sur la liste noire de l’Union européenne. Selon lui, nous nous sommes retrouvés sur ces listes vu que les enquêtes de l’ICAC n’ont mené à rien. Pour Patrick Assirvaden, c’est étonnant que la personne grâce à qui nous sommes sur ces deux listes ait vu le renouvellement de son contrat.

Le député est d’avis que ce renouvellement nous causera davantage de problèmes car il y a une perception que l’ICAC est comme une ‘whitewashing machine’ en ce qui concerne les scandales impliquant le gouvernement. Selon lui, cela pourrait devenir une situation compromettante, qu’il faudrait prendre en considération, si la Financial Action Task Force (FATF) discerne que ceux qui sont à la tête des institutions sont ‘biaised’ vis-à-vis du gouvernement. Selon lui, le renouvellement de ce contrat aura une implication négative de plus au niveau international. « Maurice est entrée sur la liste grise de la FATF et sur la liste noire de l’UE, avec ces mêmes personnes à la tête de ces institutions, qui n’ont pas fait preuve de diligence dans plusieurs enquêtes qui n’ont pas abouti par la suite », fustige-t-il.

Il devait aussi dénoncer un conflit d’intérêt de taille. « Il ne faut pas oublier qu’il y a une enquête de l’ICAC sur l’affaire Angus Road, impliquant le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Or, ce n’est nul autre que le Premier ministre lui-même qui renouvelle le contrat du directeur-général », soutient Patrick Assirvaden.

Selon Patrick Assirvaden, Maurice ne manque pas de personnes qualifiées pour occuper ce poste. D’ailleurs, le député PTr fait ressortir que c’est l’une des raisons qui l’avait poussé à démissionner du comité parlementaire de l’ICAC (voir encadrement).

L’ancien leader de l’Opposition, Arvin Boolell, explique qu’il fallait avant tout avoir une consultation entre le Premier ministre et le leader de l’Opposition. Il déplore le fait que ce dernier a tout simplement été informé du renouvellement du contrat. Il est d’avis que le Premier ministre doit assumer ses responsabilités s’il a choisi de renouveler le contrat de Navin Beekarry.

Il estime que cela va à l’encontre de la bonne gouvernance. « Quand on regarde les mesures qu’il fallait prendre pour adresser les manquements qui existent dans le secteur financier, on remarquera que l’une des organisations pointées du doigt est l’ICAC », souligne le député. Selon Arvin Boolell, dans un moment où il fallait corriger les manquements pour sortir de la liste grise de la FATF et éventuellement de la liste noire de l’UE, il s’attendait à ce que le Premier ministre prit toutes les précautions. « On doit mettre toutes les chances de notre côté », dit-il.

Il insiste une nouvelle fois que l’ICAC a été parmi les institutions mauriciennes qui ont été les plus critiquées pour ses manquements. « Vu qu’une équipe de la FATF viendra effectuer une ‘on-site visit’, est-ce que c’est le bon signal que l’on envoie ? », se demande l’ancien leader de l’Opposition.