Reprise économique : Réalité ou leurre ?

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, était face à la presse ce mercredi 7 octobre à lhôtel Hennessy Park, après avoir été face aux opérateurs du secteur privé lors d’un forum d’échanges.

Le Grand Argentier s’est montré très optimiste : il  a fait comprendre qu’il y a des signes de reprise économique, propos qui font suite à ceux du Gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, le 23 septembre, lors de la réunion du Monetary Policy Commitee.

Une semaine après que le pays est entré en récession, le Grand Argentier justifie son optimisme sur trois points : les recettes fiscales de la TVA, s’élevant à Rs 7 milliards pour la période de juin à août 2020, les transactions bancaires en ligne, totalisant Rs 358 millions en juillet dernier, et l’augmentation du nombre de véhicules importés entre juin 2019 et juin 2020.

Tout en se targuant de la manière dont le gouvernement a géré la crise sanitaire et le confinement du pays pendant 10 semaines, Rengananden Padayachy a rappelé l’impact de cette crise sur l’économie. « Pour chaque semaine de confinement, le PIB reculait par 1,5 points. Pour l’année 2020, nous nous attendons à une très forte contraction économique, à 13 % ». Mais il prévoit aussi qu’en 2021, l’économie enregistrera une croissance allant jusqu’à 9 %.

Est-ce que les experts du secteur financier partagent les mêmes avis que le ministre et le Gouverneur de la Banque de Maurice ? Nous avons abordé le sujet avec l’économiste Pierre Dinan, et Pradeep Dursun, le ‘Chief Operating Officer’ de Business Mauritius.

Pierre Dinan, économiste

« La reprise ne veut pas dire que les problèmes sont finis »

«Il est normal qu’il y a une reprise car nous sortons du confinement, les activités économiques ont repris, c’est normal, mais il faut noter que ce n’est pas au même rythme qu’avant », estime l’économiste.

Il fait comprendre que l’activité économique mondiale n’est pas au rythme qu’elle était avant la covid-19, « Donc c’est tout à fait normal qu’à Maurice, les choses ne sont pas comme avant. » Avec l’ouverture des frontières, il y a une reprise, oui, mais notre reprise à Maurice ne dépend pas seulement de nos actions, c’est-à-dire sur le fait que nous avons ouvert nos frontières ou pas. Nous sommes aussi interdépendants sur tout ce qui se passe dans les autres pays, vu la petitesse de notre île et aussi le fait nous avons une économie très ouverte.

Donc si à l’étranger, les frontières restent fermées, nous allons souffrir, indique-t-il. Le pays n’a pas une maitrise sur toute notre économie mais nous avons plutôt une reprise partielle par l’ouverture des frontières, et tout dépend aussi des pays avec qui nous commerçons, et ce qu’ils font eux aussi.

Il peut y avoir une reprise mais cela ne veut pas dire que les problèmes sont finis. « Loin de là » nous fait-il comprendre.

Il faut maintenant que le pays retrouve ses repères, et voit dans quels secteurs il faut revoir les stratégies, sachant que notre industrie principale, soit le tourisme, souffre et va continuer à souffrir puisque le tourisme est une industrie ouverte sur le monde.

Selon Pierre Dinan, il y a aussi le besoin de revoir les stratégies économiques, quels sont les secteurs qu’il faut aider davantage, et quels sont les secteurs émergents. « Personnellement, je crois qu’il y a des nouveaux secteurs qui sont là, qui attendent à être développés mais qui ont besoin de stratégies. Un de ces secteurs est le secteur maritime et aussi notre adaptation à l’évolution de la digitalisation », dit-il. Ce sont les deux secteurs qui peuvent nous aider « to jump on the bandwagon », sans compter les autres secteurs qui ont besoin d’un coup de pouce.

 

Pradeep Dursun, Business Mauritius « Pas de ‘constituency approach’»

C’est un fait que quand nous comparons la situation quand on était dans le confinement et maintenant, il y a une amélioration, nous indique Pradeep Dursun, ‘Chief Operating Officer’ de Business Mauritius.

Durant le confinement, l’économie du pays était à l’arrêt et beaucoup d’entreprises dans différents secteurs étaient en inaction. La reprise après le confinement montre que l’économie a redémarré, mais est-ce une reprise normale ?

Il est vrai que dans beaucoup de secteurs, le travail a repris mais quand il s’agit du secteur du tourisme, de l’hôtellerie et des sous-secteurs lié à ces deux secteurs, le travail est assez perturbé et là, la reprise n’est pas du tout en vue, fait-il comprendre.

Il faut aussi noter que le ministre des Finances a confirmé lui-même dans différentes déclarations que notre PIB s’est contracté de 15 points.

Le ‘Chief Operating Officer’ de Business Mauritius nous donne des détails sur les elements qui pourront aider à la reprise.

Quand le gouvernement élabore des mesures, il faut de l’autre côté voir les impacts qu’apporteront ces mesures. Il faut aussi, quand il y a des différences, « agree to disagree ». Peut être il faut aussi un sursaut de la part des « policy makers », pour venir de l’avant avec des mesures difficiles mais fortes. Il note qu’il ne faut pas avoir une « constituency approach » ce qui veut dire protéger ses mandants, il faut aussi savoir faire faire des compromis, même si c’est difficile.

En ce qui concerne les industries du secteur privé, Pradeep Dursun estime que dans son ensemble, certains industries ou secteurs se portent mieux que d’autres. Mais il est aussi bon de comprendre que le secteur privé a su montrer une certaine résilience durant le confinement, en se réinventant.

De l’autre côté, l’État a apporté son aide en soutenant des entreprises dans le secteur privé avec le ‘Wage Assisstance Scheme’ et d’autres mesures accompagnatrices. De ce fait, le secteur privé a su jouer le jeu de l’emploi, mais pendant combien de temps on va pouvoir continuer avec ce même procédé ? « Seul le temps nous le dira », dit-il.

Ce qui est important en ce moment, c’est le support de l’État, pas uniquement pour le secteur de l’hôtellerie mais aussi pour les autres secteurs qui sont en difficulté. Et selon Pradeep Dursun, il nous faut une bonne dose de politique de consultation, il faut des mesures phares qui peuvent être trouvées par le dialogue et la discussion, et il faut avoir une approche sectorielle.

« Ce qui est important de noter, ce que nous avons dû faire pendant la pandémie n’a été écrite dans aucun manuel pour à la fin on puisse dire, ‘lessons learnt’. C’est un moment inédit donc chacun doit surmonter ce moment avec le travail collectif. C’est une recette qui a marché dans le passé et dans les autres pays. Ça va peut-être bien marcher cette fois. Donc, il faut l’engagement de tout un chacun», conclut Pradeep Dursun de Business Mauritius.