Avant les élections générales, le pays avait été secoué par une série de crises : des scandales de corruption, une gestion catastrophique des ressources publiques et une intensification des tensions politiques. Les défaillances gouvernementales, notamment la répression de l’opposition, les manœuvres électoralistes et les accusations d’autoritarisme, ont exacerbé un climat déjà fragile. Cependant, le scrutin historique du 11 novembre a marqué un tournant décisif avec l’arrivée au pouvoir de l’Alliance du Changement, ouvrant la voie à une réforme en profondeur des institutions et à un assainissement dans la manière de gouverner. À travers cette rétrospective, nous retracerons les événements clés qui ont marqué l’année 2024, une année où la stabilité du pays a été mise à rude épreuve, mais qui s’est conclue sur une note d’espoir et de renouveau.

Janvier : Cyclone Belal

Le 15 janvier, le cyclone Belal frappe le pays, provoquant des inondations majeures, notamment à Port-Louis, où des automobilistes sont piégés dans des rues submergées. Deux décès tragiques révèlent les lacunes dans la gestion des crises par le gouvernement. À Quatre-Bornes, l’effondrement du mur du cimetière St. Jean engendre des scènes choquantes, des débris humains étant emportés jusque dans les habitations voisines.

L’annonce d’une augmentation ciblée des pensions pour les personnes âgées de plus de 75 ans, associée à une compensation salariale inégale, est perçue comme une manœuvre électoraliste, exacerbant les frustrations. Cette mesure met en lumière les disparités croissantes entre les travailleurs des secteurs public et privé. Les finances de l’État montrent des signes d’essoufflement, tandis que les défis s’accumulent : dysfonctionnement institutionnel, recrudescence de la drogue et exode alarmant de la jeunesse mauricienne.

Février : Relations tendues entre le gouvernement et la presse

Ce mois est marqué par des tensions croissantes entre le gouvernement et la presse. Le Premier ministre Pravind Jugnauth intensifie ses attaques contre certains médias, qu’il désigne comme des adversaires dans ce qui est perçu comme une stratégie préélectorale. Ses critiques ciblent particulièrement les organes indépendants dénonçant les scandales gouvernementaux, contrairement à la MBC, accusée de partialité. Des inquiétudes émergent quant à une possible tentative de restreindre la liberté de la presse à travers de nouvelles lois.

La révocation soudaine de Vikram Hurdoyal, ministre de la Fonction publique, sans explication claire, illustre une gouvernance de plus en plus opaque. Ce licenciement inattendu, survenu en pleine spéculation sur des élections générales anticipées, place le MSM dans une position délicate, renforçant l’idée d’une perte de contrôle de Pravind Jugnauth.

Mars : Controverses à Agalega et détérioration démocratique

La situation à Agalega continue de susciter des controverses et des interrogations. Les infrastructures récemment construites, notamment une piste d’atterrissage de 3 km et un quai, sont perçues comme disproportionnées par rapport aux besoins des habitants. Ces aménagements alimentent les spéculations sur une possible utilisation militaire par l’Inde, relayées par plusieurs médias internationaux. Malgré ses démentis, le gouvernement mauricien refuse de rendre public l’accord signé avec l’Inde, ce qui accentue les doutes et inquiète la population sur les questions de souveraineté et de neutralité du pays.

Sur le plan politique, la démocratie mauricienne semble en recul, comme le souligne le rapport V-Dem qui classe le pays parmi les nations en voie d’autocratisation. Les restrictions imposées aux médias et la politisation croissante des institutions sont vivement critiquées. Le deuxième mandat de Pravind Jugnauth est marqué par une gouvernance perçue comme opaque, autocratique et centrée sur le contrôle des organes clés de l’État. Des nominations controversées, comme celle de Navin Beekarry à la tête de la Financial Crimes Commission, sont dénoncées comme des outils visant à consolider le pouvoir du gouvernement.

Avril : Crise au PMSD

Suite à ses tergiversations et à des nouvelles de ses négociations secrètes avec le MSM, le PMSD est sommé de quitter l’alliance avec le PTr et le MMM. Le virage à 180 degrés de la basse-cour bleue est dénoncé de toutes parts, provoquant une vague de démissions au sein du PMSD, notamment celle de sa présidente, Véronique Leu-Govind, mais aussi de deux autres grosses pointures, Richard Duval et Kushal Lobine. Les démissionnaires ont d’ailleurs lancé leur propre parti, les Nouveaux Démocrates, qui a rejoint l’Alliance du Changement, composée du PTr, du MMM, et plus tard de ReA.

Pendant ce temps, le gouvernement de Pravind Jugnauth fait face à des accusations persistantes de corruption. Ses mesures visant à lutter contre le trafic de drogue, notamment le réenregistrement des cartes SIM, suscitent une vive controverse. Le manque de transparence entourant ce processus, en particulier l’utilisation de photos biométriques et le stockage des données personnelles, alimente les inquiétudes. Les pressions exercées par les opérateurs télécoms et le flou autour de l’application utilisée pour l’authentification renforcent les craintes de surveillance excessive et de risques liés à la sécurité des données. À l’approche des élections, ces mesures sont perçues par beaucoup comme stratégiques, soulevant des doutes sur leurs véritables objectifs.

Mai : Montée des critiques contre “Lakwizinn”

Le Premier ministre Pravind Jugnauth déclenche une vive polémique en affirmant, lors d’un discours à Vacoas, que ce n’est pas lui, mais son épouse Kobita, qui fait trembler ses adversaires. Cette déclaration renforce les critiques selon lesquelles le gouvernement serait sous l’influence de “Lakwizinn” — une équipe parallèle composée de proches du couple Jugnauth, non élus, mais exerçant un pouvoir considérable sur les décisions politiques. Cette concentration de pouvoir familial alimente les accusations d’autoritarisme formulées par l’opposition et la presse.

Parallèlement, les scandales continuent de ternir l’image du gouvernement. L’affaire des achats en urgence durant la pandémie de Covid-19 refait surface, avec des ministres accusés de mauvaise gestion et de corruption. Malgré des enquêtes en cours, le Premier ministre et le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, subissent une pression croissante. Les révélations de l’opposant Shakeel Mohamed mettent en lumière des incohérences et l’opacité des transactions, renforçant l’idée que des intérêts lucratifs ont été privilégiés au détriment du bien-être public.

L’Assemblée nationale, quant à elle, devient un théâtre de tensions politiques. Le Speaker Sooroojdev Phokeer est accusé d’abuser de son autorité pour manipuler les débats et marginaliser l’opposition. Questions censurées, modifications arbitraires, et attaques personnelles sont devenues monnaie courante, sapant le rôle démocratique du parlement et accentuant le sentiment d’un déséquilibre institutionnel.

Juin : Budget trop clientéliste

Bien que Yogida Sawmynaden ait bénéficié du doute dans l’affaire du constituency clerk, il n’a pas été innocenté dans l’affaire Kistnen. Ce dossier, qui implique non seulement un emploi fictif et la mort de l’ex-agent du MSM, inclut également des contrats controversés attribués pendant le confinement. D’une valeur supérieure à un milliard de roupies, ces contrats ont avantagé ses proches. L’enquête n’a toutefois pas abouti, mettant en évidence l’inefficacité de l’ICAC.

Le budget présenté par Renganaden Padayachy a déçu la population, jugé trop clientéliste et dépourvu de solutions concrètes pour relancer l’économie et répondre aux attentes des jeunes et des travailleurs. Le gouvernement est accusé de privilégier des mesures électoralistes.

Le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, est plongé dans une polémique de conflit d’intérêts. Bien qu’il nie maintenir son activité notariale depuis sa nomination en 2019, des documents récents suggèrent un mélange des genres, ce qui alimente les soupçons.

Les fonctionnaires sont contraints de participer à la Journée mondiale de la fonction publique sous menace de sanctions, ce qui suscite des protestations contre l’ingérence politique dans la fonction publique et l’absence de réajustement salarial.

Juillet : Démission de Sooroojdev Phokeer et deal papa-piti

Sooroojdev Phokeer démissionne de son poste de Speaker de l’Assemblée nationale, officiellement pour des raisons de santé, après avoir d’abord nié l’information. Sa démission semble avoir été influencée par des discussions avec le Premier ministre. Xavier Duval est vivement critiqué pour avoir soutenu la nomination de son fils Adrien en tant que nouveau Speaker, un accord perçu comme une trahison envers son propre parti et l’opposition. Cette décision, fruit d’un “deal papa-piti” avec le MSM, fragilise son image et ses positions passées.

Cinq policiers sont accusés de vol et d’extorsion après avoir dérobé 1,6 million de roupies chez Iqbal Ramchurn lors d’une perquisition douteuse à son domicile à Fond-du-Sac. L’affaire soulève des questions sur l’intégrité de la police et la gestion de l’ordre public par le gouvernement, des enquêtes étant en cours pour éclaircir ces allégations.

Août : Révélations dans les affaires Kistnen et Fakoo

Vishal Shibchurn, depuis sa détention, accuse plusieurs personnalités politiques, dont l’ex-ministre Yogida Sawmynaden, d’être impliquées dans le meurtre de Soopramanien Kistnen, évoquant des manipulations de preuves et des motifs politiques liés à des contrats frauduleux, dans un affidavit. Il réclame également la relance de l’enquête sur le meurtre de Manan Fakoo, qu’il associe à des raisons politiques.

Le SUAC sollicite des clarifications du Premier ministre concernant les 6 millions de dollars saoudiens promis en 2019 pour les mosquées de Maurice. Malgré des annonces officielles, aucun détail n’a été fourni. Le SUAC exige des informations sur l’allocation et la transparence de ces fonds. Maulana Shamim Khodadin, après avoir soulevé des questions sur cette donation, affirme être victime d’intimidations mais reste déterminé à obtenir des réponses sur la destination des fonds.

Le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth est accusé de money politics et de gérer le pays comme un héritage familial, avec des promesses non tenues et un contrôle politique concentré au sein de la famille Jugnauth.

Septembre : Favoritisme et répression à Côte d’Or

En septembre 2024, le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth est accusé de favoriser la communauté ‘Chatwaïsme’ tout en réprimant les musulmans et les Tamouls, exacerbant ainsi les tensions sociales et alimentant les accusations de détournement de fonds. Des manifestations pacifiques, comme celle à Côte d’Or concernant l’attribution d’un terrain au Mauritius Tamil Cultural Centre Trust, ont dégénéré en violences, tandis que le gouvernement accumule les promesses électorales, notamment des recrutements massifs et des mesures pour les jeunes, perçues comme des manœuvres électoralistes.

Parallèlement, des interrogations persistent sur la gestion opaque des six millions de dollars saoudiens destinés aux mosquées, et des préoccupations se multiplient concernant des manœuvres intéressées à l’approche de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Octobre : Moustass Leaks

La campagne électorale bat son plein, mais le MSM de Pravind Jugnauth traverse une crise interne, marquée par des démissions et des divisions croissantes. Le Premier ministre tente de réajuster ses stratégies en réintégrant des figures controversées comme Avinash Teeluck et Vikram Hurdoyal, qu’il avait pourtant révoqués. De son côté, le Muvman Liberater, partenaire du MSM, connaît également une crise avec les départs d’Ismaël Rawoo et Zahid Nazurally, qui critiquent l’inertie du parti. Les démissionnaires du ML envisagent de rejoindre l’Alliance du Changement, qui, après un accord historique avec ReA, prend de l’ampleur et espère conquérir le pouvoir.

Le scandale des écoutes téléphoniques, révélé par les Moustass Leaks, expose une surveillance massive de la population par le gouvernement mauricien, avec des répercussions sur la vie privée et la réputation internationale. Les révélations impliquent notamment le CP Anil Kumar Dip, accusé d’avoir conspiré pour dissimuler la mort de Jacquelin Steeve Juliette en la qualifiant de décès naturel.

Sherry Singh révèle dans un podcast que Kobita Jugnauth aurait donné des instructions formelles pour licencier des employés d’Air Mauritius en fonction de leur appartenance politique, visant particulièrement ceux liés à l’opposition. Cette épuration politique suscite des inquiétudes sur l’ingérence de l’épouse du Premier ministre dans les affaires internes de la compagnie.

Novembre : 60-0, une victoire écrasante

Le pays traverse un tournant décisif, avec un gouvernement MSM accusé de supprimer les libertés et de mener des pratiques mafieuses, comme révélé par les Moustass Leaks, incluant des abus de fonds publics et une influence politique exercée par Kobita Jugnauth. Sous la pression de l’opposition et de la population, le gouvernement rétropédale après avoir imposé une restriction de l’accès aux réseaux sociaux.

Le 11 novembre, l’Alliance du Changement, dirigée par Navin Ramgoolam, remporte une victoire écrasante, marquant son retour avec un 60-0. Dès sa nomination, le nouveau PM entame un nettoyage des institutions, réorganise la Banque de Maurice et lance des enquêtes sur les abus financiers de la MIC. Des plaintes sont déposées contre l’ex-commissaire de police pour abus de pouvoir, tandis que Verde Frontier Solutions fait l’objet d’une enquête pour détournement de fonds publics.

Le 22 novembre, le gouvernement Ramgoolam prend officiellement ses fonctions, promettant de réformer le pays après les dégâts laissés par le précédent régime.

Décembre : Rapports accablant sur l’économie et la mort de 11 patients dialysés

Navin Ramgoolam présente un rapport accablant sur l’économie, dénonçant la gestion désastreuse de l’ancien gouvernement, caractérisée par des manipulations des chiffres, une inflation élevée, et une dette publique ayant plus que doublé depuis 2014. Il met en lumière de graves irrégularités, notamment à la Mauritius Investment Corporation (MIC) pour favoriser les proches de l’ancien régime, l’annulation de dettes pour des VVIP du MSM, et des pratiques douteuses dans le secteur bancaire, où des prêts et licences ont été attribués de manière opaque. La police et la Financial Crimes Commission (FCC) enquêtent sur des prêts de la MIC octroyés sans vérifications adéquates, dont une somme de Rs 45 millions attribuée à une entreprise non éligible juste avant les élections générales.

Les enquêtes sur la mort de onze patients dialysés révèlent une négligence criminelle, avec des conditions inappropriées en mars 2021, notamment à l’hôtel Tamassa. Pravind Jugnauth et Kailesh Jagutpal sont mis en cause.