Reza Uteem : « Plusieurs facteurs indiquent la tenue probable des élections générales anticipées »

– « Tout ce qu’on vous donne gratuitement aujourd’hui est en fait un cadeau empoisonné à nos enfants et petits-enfants »

– « Les Mauriciens se posent beaucoup de questions sur l’efficacité de l’ADSU, de la SST et du Premier ministre pour combattre le trafic de drogue lorsqu’il s’agit de M. Franklin »

Les élections générales sont-elles pour bientôt ? Le leader adjoint et député du MMM, Reza Uteem, pense que tel pourrait être effectivement le cas, en donnant plusieurs raisons pour expliquer pourquoi il est de cet avis. Il brosse, par ailleurs, un tableau sombre de la situation qui prévaut actuellement dans le pays, en évoquant la faillite économique et l’échec du combat contre la drogue, entre autres.

Zahirah RADHA

Q : Un constat à l’occasion des 55 ans de l’indépendance. Est-ce qu’on avance à reculons sur le plan démocratique ?

Effectivement ! Ce n’est pas le constat des Mauriciens uniquement, mais c’est aussi celui des instances internationales, dont le plus récent est celui de V-Dem. Cette organisation confirme que Maurice glisse dangereusement vers un État autocratique. D’ailleurs, nous n’avons pas besoin d’experts étrangers pour nous le dire. Nous n’avons qu’à voir ce qui se passe. De l’introduction des lois pour contrôler et censurer des publications sur les réseaux sociaux et la pression exercée par l’IBA sur des radios privées, aux arrestations musclées des manifestants pacifiques, en passant par les sanctions disproportionnées des députés de l’Opposition, et non des moindres, au Parlement par le Speaker, avec la complicité du Premier ministre, pour les suspendre pendant plusieurs séances parlementaires et la non-tenue des élections municipales, tout démontre clairement ce recul démocratique que nous témoignons chaque jour.

Q : Et sur le plan économique, où en sommes-nous ?

De mal en pis. La valeur de la roupie vis-à-vis du dollar frôle dangereusement la barre de Rs 50. C’est du jamais vu. La roupie continue de se déprécier. L’inflation augmente. Le coût de la vie augmente également. Nos matières premières coûtent plus cher. Ce qui fait que nos importations sont moins compétitives. Il n’y a aucun nouveau secteur de développement depuis 2014. Les mesures annoncées, comme l’industrie pour la fabrication des motos ou des bijoux, dans les budgets successifs n’ont jamais été implémentées. La construction des 12 000 logements sociaux se fait toujours attendre.

La refonte du secteur agricole pour atteindre l’autosuffisance alimentaire n’a pas été réalisée. Il n’y a rien eu de nouveau concernant nos secteurs traditionnels comme l’agriculture, le manufacturier et l’offshore. C’est inquiétant parce que nos jeunes qui partent étudier à l’extérieur ne sont pas intéressés à retourner au pays après leurs études, faute d’opportunités chez nous. Quand un jeune ne voit aucun avenir dans son pays natal, cela démontre le plus grand échec de notre système politique.

Q : Il n’y a pas longtemps pourtant, le Premier ministre parlait de ‘feel good factor’ à Maurice alors que le monde craint une récession mondiale ? Est-il coupé de la réalité ?

Je pense qu’il est possiblement entouré de personnes qui « feel good ». Tous ces contracteurs qui ont bénéficié des contrats valant des milliards de roupies durant la Covid-19 sans qu’il n’y ait eu d’appel d’offres doivent « feel good ». Idem pour cet ancien ministre qui n’a pas payé son « constituency clerk » mais qui n’a pas été arrêté, ou encore pour les meurtriers de Kistnen qui sont toujours en liberté. Tous ces trafiquants qui ont importé des milliards de roupies de drogues, dont de l’héroïne et de la cocaïne, dans des tractopelles mais qui n’ont pas été arrêtés doivent certainement « feel good ».

Néanmoins, la grande majorité de la population souffre. La vente dans les supermarchés a baissé, les caddies sont vides. Avec la même somme d’argent, les consommateurs n’arrivent plus à acheter tout ce qu’il leur faut. Même du côté de l’immobilier, ce sont plutôt les étrangers qui achètent des terrains et des immeubles ou qui font la construction. Il y a moins de Mauriciens qui puissent acheter ne serait-ce qu’un appartement.

Q : L’allocation de Rs 1000 qu’a accordée le gouvernement aux travailleurs ne compense-t-elle pas la perte du pouvoir d’achat ?

Le taux d’inflation a dépassé la barre de 10%. Ces Rs 1000 ne reflètent même pas le taux d’inflation. Faites le compte : 10% du salaire minimum de Rs 11 000 est égal à Rs 1100, donc plus que les Rs 1000 accordées « across the board ». D’ailleurs, pour ceux qui obtiennent au-delà de Rs 10 000, la dépréciation de la roupie et la perte du pouvoir d’achat représente beaucoup plus que ces Rs 1000. N’oubliez pas aussi que la plupart des Mauriciens ont des ‘loans’ ou des ‘bank overdrafts’ ou sinon ils ont fait des achats à crédit. Or, lorsque le ministre des Finances et la banque centrale augmente le taux d’intérêt par plus de 150 %, cela a un impact énorme sur le budget de ces familles endettées qui doivent débourser environ Rs 5 000 à Rs 10 000 de plus pour rembourser leurs dettes alors que le gouvernement ne leur donne que Rs 1000.  

Q : Le Premier ministre a annoncé la gratuité de l’éducation pré-primaire à partir de 2024. Est-ce que l’état actuel de notre économie permet de telles mesures populistes ?

Nous attendons la reprise des travaux parlementaires pour demander au Premier ministre ce qu’il entend par la gratuité du pré-primaire. Le Premier ministre augmentera-t-il le subside sur le ‘grant-in-aid’ qui est déjà accordé aux écoles maternelles ou veut-il dire qu’il n’y aura absolument aucun ‘fees’ à payer ? N’oubliez pas que le coût des garderies et maternelles peut varier entre Rs 3000 et Rs 10 000. Nous avons donc besoin de plus d’éclaircissements, notamment s’il parle de toutes les écoles pré-primaires ou de certaines seulement.

Une fois qu’on aura ces éclaircissements, il faudra alors se demander quel montant cela représentera-t-il dans le budget et comment le gouvernement comptera-t-il le financer ? Il n’y a d’ailleurs que deux façons pour le financer : soit à travers une hausse de la taxe directe et indirecte, soit à travers un emprunt. J’estime qu’il optera pour un emprunt, vu qu’il sera très impopulaire d’augmenter la taxe à la veille des élections générales. De 2014 à ce jour, notre dette publique a doublé. Nou pa kapave continuer prend loan, prend loan, prend loan ! Ce n’est pas ce gouvernement, mais plutôt nos enfants et nos petits-enfants qui seront appelés à rembourser ces dettes dans les 10, 20 et 30 ans à venir. Tout ce qu’on vous donne gratuitement aujourd’hui est en fait un cadeau empoisonné à nos enfants et petits-enfants.

Q : Cette annonce a été faite hors budget, à l’occasion de l’indépendance. Ce qui nous rappelle une autre promesse électorale faite par le gouvernement : la pension de vieillesse à Rs 13 500 qui se fait toujours attendre…

Tou seki appel la bous dou indique un parfum d’élections générales. À moins que le gouvernement n’ait vraiment réalisé la cherté de la vie, mais cela contrasterait avec son constat d’un « feel good factor ».

Q : Il est beaucoup question, ces jours-ci, de blanchiment d’argent, surtout dans le sillage de l’affaire Franklin. Mais rien n’a été dit jusqu’ici sur la provenance de tout cet argent qui est blanchi dans des biens immobiliers et des véhicules de luxe. Est-ce normal ?

Qui dit blanchiment d’argent dit argent sale, car il implique nécessairement le blanchiment des « proceeds of a crime ». Quand nous parlons de Raptor, de terrains, de maisons de luxe, de bateaux, nous parlons essentiellement des dizaines, voire des centaines de millions de roupies qui ont été blanchies à travers un réseau de prête-noms. On n’obtient pas ce genre d’argent du jour au lendemain. Si cet argent provient d’un trafic de drogue quelconque, comme on le pense, il faut alors se demander pourquoi ni l’ADSU, ni la SST n’a parlé de Franklin pendant toutes ces années. Comment se fait-il que Franklin ne figurait pas sur le radar du Premier ministre, contrairement à certains opposants politiques, comme il l’avait révélé lui-même lorsqu’un de mes confrères du barreau avait été arrêté ? Les Mauriciens se posent beaucoup de questions sur l’efficacité de l’ADSU, de la SST et du Premier ministre pour combattre le trafic de drogue lorsqu’il s’agit de M. Franklin.

Q : La différence du traitement entre l’affaire Bruneau Laurette, où le CP fait des contorsions pour contester sa remise en liberté provisoire, et l’affaire Franklin, remet-elle en cause le combat affiché du Premier ministre de combattre la drogue ?

Une des recommandations phares du rapport de la commission d’enquête sur la drogue concernait le démantèlement de l’ADSU. Outre d’évoquer les relations entre des trafiquants de drogue et des politiciens, le rapport a aussi évoqué le « protection money » et la complicité de certains policiers lors des ‘landings’. Il a également révélé un réseau bien établi impliquant des trafiquants de drogue incarcérés à la prison, et de certains avocats et avocats-politiciens dans la chaîne de distribution du trafic de drogue à Maurice. Jusqu’à maintenant, le Premier ministre n’a rien fait concernant ces recommandations précises alors que la commission avait suggéré la mise sur pied d’une ‘National Drug Agency’ présidée par un ancien juge ou magistrat. On ne peut pas combattre la drogue si les trafiquants ne sont pas traduits devant une cour de justice pour être condamnés.

Q : Il y a néanmoins eu une série de transferts au sein de l’ADSU récemment alors que la ‘Special Striking Team’ (SST) a un nouveau chef…

Comment se fait-il qu’il y a deux départements au sein de la force policière pour lutter contre le trafic de drogue ? L’ADSU est dirigée par un DCP tandis que la SST, elle, ne rend des comptes qu’au Commissaire de police directement. Ce n’est pas normal. Le CP ne fait-il pas confiance à l’ADSU, d’où la création de la SST ? Y a-t-il une coopération entre les deux unités ? Nous savons tous que la lutte contre la drogue dépend essentiellement sur des informateurs qui doivent être payés. Le CP est-il satisfait que cet argent est effectivement remis aux informateurs ? Le Premier ministre a parlé d’une mafia. S’agit-il d’une mafia au sein de la force policière ?

Q : Cela sonne comme un blâme contre le Premier ministre lui-même !

Le PM pa kapave tape so l’estomac kan ena saisies héroïne et cocaïne par milliards roupies, mais kan pena auken arrestation, lerla li pas prend auken blâme. L’affaire Franklin est la preuve de l’échec du gouvernement dans le combat contre la drogue. Notez que le PM n’a rien dit jusqu’ici sur Franklin. Que s’est-il passé concernant la demande d’extradition de Franklin ? Qu’est-ce que les institutions mauriciennes, sous le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth, ont fait pour qu’il puisse purger sa peine ? Les autorités mauriciennes n’avaient-elles pas l’obligation, après la démarche des autorités réunionnaises, de référer cette affaire à l’ICAC et la FIU pour une enquête sur le blanchiment d’argent ? Aster ki pe alle fer lenket

Q : Est-ce que ce sont les autorités qui ont failli ou y a-t-il eu de cover-up quelque part ?

Nous avons tout un arsenal de dispositions légales pour les ‘law enforcement agencies’. Si nous nous sommes retrouvés sur la liste grise de la FATF et la liste noire de l’UE en premier lieu, c’est parce que nous avions un problème au niveau de la lutte contre le blanchiment d’argent à Maurice. L’affaire Franklin démontre à quel point, malgré toutes nos lois et les centaines de millions de roupies dépensées sur l’ICAC et sur son directeur général qui touche, semble-t-il, plus que le Premier ministre lui-même, la commission anti-corruption a failli dans sa tâche. L’ICAC n’a pu déceler le réseau Franklin pendant toutes ces années. Ce dernier a opéré au vu et au su de tout le monde. Ene lot DG à l’ICAC ti pou fini démissionné. Ene lot CP ti pou fini démissionné. Ene lot PM ti pou fini démissionné. Sont-ils aussi incompétents ou ferment-ils les yeux tout simplement ?

Q : Croyez-vous que l’ICAC aurait pu faire autrement ?

Nous avons toujours dit que l’ICAC n’est pas la solution, mais bien le problème. L’enquête dans l’affaire Molnupiravir a été stoppée parce qu’une des personnes arrêtées avait soutenu qu’un proche de Lakwizinn était au courant. Qui avait autorisé cet achat ? Qui avait signé le contrat ? Cela ne pouvait pas être ceux qui avaient été arrêtés. Sa bane ti poissons sa. Il y a seulement une catégorie de hauts fonctionnaires qui peuvent autoriser ce genre de transactions. Or, jusqu’à maintenant, ces hauts fonctionnaires n’ont pas été arrêtés. Ce qui démontre à quel point l’ICAC est pourri.

Q : Puisqu’on parle d’enquêtes, il y a beaucoup d’appréhensions concernant la Silver Bank, où le gouvernement a des placements de plusieurs milliards de roupies, après l’enquête initiée contre Prateek Gupta. Pensez-vous que le gouvernement aurait dû y retirer la totalité de ses placements ?

Il y a beaucoup de zones d’ombres concernant la Silver Bank. Il faut d’abord se demander comment l’actionnaire majoritaire a eu cette licence. Est-ce que cette personne a un ‘banking knowledge’ et un ‘track record’, comme requis par la ‘Banking Act’ ? Est-ce qu’elle ne détient que 20% des actions, comme requis par les règlements ? La banque centrale a-t-elle eu des rapports négatifs lorsqu’elle a fait son exercice de ‘due diligence’ ? Je note que la banque centrale a maintenu le silence sur toute cette affaire. Or, il ne s’agit pas ici d’un secret bancaire. En tant qu’instance régulatrice, elle aurait dû venir de l’avant pour éclaircir la situation, même si elle ne veut pas dévoiler l’identité des actionnaires.

Q : Y a-t-il une raison pourquoi la BoM ne devrait pas révéler l’identité des actionnaires ?

Bien sûr ! La société Trafigura a allégué qu’il y a eu détournement de fonds. Ces fonds se sont-ils retrouvés dans l’actionnariat de cette banque (ndlr : Silver Bank) ou pas ? C’est important de connaître l’identité de cet actionnaire majoritaire ainsi que sa source de financement, surtout s’il est établi qu’il s’agit de prête-noms ou d’autres proches de M. Gupta. Pour obtenir une licence bancaire, il faut que la personne soit « fit and proper », qu’elle a une connaissance dans le domaine bancaire et qu’elle ne peut pas avoir plus de 20% d’actions. Expliquez-moi comment quelqu’un qui est accusé de détournement de fonds peut-il être une « fit and proper person » ?

Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a maintenu ses placements dans cette banque même après que la « Banyan Tree Bank » avait été placée sous « conservatorship » et que les dépôts avaient été gelés pendant plus d’un an. J’aimerais aussi savoir si le ministère des Finances avait émis un communiqué pour dire que les fonds du gouvernement doivent être investis dans des bons du Trésor ? Si tel est le cas, pourquoi le ‘Covid-19 Projects Development Fund’, qui a été crée par le ministère des Finances lui-même et dont le comité est présidé par nul autre que le secrétaire financier, a-t-il fait fi des directives de ce même ministère des Finances ? Le ministre des Finances ne sait-il pas que si le gouvernement fait des placements dans des banques privées, il y aura un excès de liquidités sur le marché et que cela forcera la Banque de Maurice à prendre des mesures pour les ‘mop up’ parce que ce n’est pas dans l’intérêt de l’économie ?

Q : Vous pensez que cela a été fait de façon délibérée ?

Bien sûr ! C’est pour cela qu’on attend les explications du ministre des Finances. On ne parle là que d’une seule réserve de Rs 2 milliards. On ne sait pas s’il y en a d’autres et si oui, de quels montants il s’agit.

Q : Tout cet argent est-il donc à risque dans cette banque ?

Ça, je ne peux pas le dire, car je ne connais pas la capacité financière de cette banque. Pour de grandes banques comme la SBM ou la MCB qui jonglent avec des centaines de milliards de roupies, un dépôt de deux milliards ne représente pas grande chose. Mais autant que je sache, le capital minimum des actionnaires de la Silver Bank n’est que de l’ordre de Rs 400 millions. La « Banyan Tree Bank » n’avait pas la capacité de rembourser le dépôt du gouvernement. Ce dernier pense-t-il que la Silver Bank peut, elle, le rembourser ? J’espère seulement qu’il a fait tous ses ‘due diligence’.

Q : Le ministre Padayachy a récemment soutenu que le gouvernement est en train d’accélérer les projets alors qu’on sait que le budget ne sera présenté que dans quelques mois. Vous avez vous-même affirmé plus tôt que ‘labous dou’ implique des élections générales. Sommes-nous en campagne électorale sans le savoir ?

Il a plus de Rs 25 milliards dans le ‘Covid-19 Projects Development Fund’. Ce fonds devait être utilisé pour financer des projets, dont les fameux 12 000 logements sociaux qui n’ont toujours pas vu le jour, ainsi que des drains, entre autres.

Q : Petite parenthèse : il parait que plusieurs millions de roupies ont déjà été englouties dans ce projet de logements sociaux bien qu’aucune construction n’ait été faite jusqu’ici ?

Tout à fait. On y reviendra à la charge à la rentrée parlementaire. Le ministre Obeegadoo a créé une nouvelle compagnie qui est dirigée par un CEO dont le salaire est mirobolant. Des millions de roupies ont été englouties dans les salaires, y compris ceux des consultants. Pourtant, aucun contrat n’a encore été alloué alors que le gouvernement est déjà à la quatrième année de son mandat. Cela résume l’incompétence de ce gouvernement.

Q : L’accélération des projets dont on parle au gouvernement a-t-il un lien avec des élections générales anticipées, qui pourrait être provoquées par la pétition électorale de Suren Dayal qui sera entendue au Privy Council en juillet prochain ?

Le seul gros projet que le gouvernement avait annoncé concerne les drains. Or, je vois plus d’inondations qu’auparavant dans le pays. Soit les drains n’ont pas été faits, soit ils ont été mal faits. Dans le deuxième cas, cela sous-entend qu’il y a eu gaspillage de fonds publics. Hormis le Metro Express qui sortira de Réduit pour aller dans les champs de canne à Côte d’Or, juste pour satisfaire l’égo du Premier ministre, je ne vois aucun autre gros projet.

Quant aux élections générales anticipées, il y a plusieurs facteurs qui l’indiquent, selon moi. D’abord, la situation économique se dégrade et rien n’indique qu’elle va s’améliorer dans l’immédiat. La seule paternité dont ce gouvernement peut revendiquer, c’est la faillite économique. Deuxièmement, la pétition électorale au Privy Council est suspendue comme une épée de Damoclès sur la tête du Premier ministre.

Les deux parties semblent optimistes. Ce qui fait que le Premier ministre a 50% de chances de gagner et 50% de chances de perdre. Prendra-t-il donc le pari d’attendre un jugement du Privy Council ou dissoudra-t-il le Parlement pour donner des élections générales anticipées ? Je pense que tout dépendra des ‘feedbacks’ qu’il aura de la part de ses hommes de loi britanniques lorsque l’affaire sera prise sur le fond.

Le troisième facteur concerne, selon moi, la pension de vieillesse qui sera augmentée dans le prochain budget. Plusieurs milliards de roupies ont déjà été accumulés à travers la Contribution Sociale Généralisée (CSG). Cette hausse a déjà été budgétée pour l’année en cours. Kuma zot donne sa hausse là, zot pou envi donne élections assez vite pour gayn la sympathie des troisièmes âges.

Et finalement, il y a le facteur politique. Le MSM a la frousse d’une alliance PTr-MMM-PMSD. Il sait que la seule raison qui l’a fait remporter les élections en 2019, hormis le nombre de personnes qui n’ont pu voter et la présence des computer rooms, c’était la division de l’Opposition. Si les forces parlementaires et extra-parlementaires se réunissent autour d’un programme commun, il lui sera alors très difficile de combattre une telle alliance. Il voudra probablement surprendre une telle alliance en donnant des ‘snap elections’.

Q : L’Opposition se laissera-t-elle surprendre ?

Elle a déjà parcouru un bon bout de chemin. Il y a une volonté des activistes de tous les trois partis de travailler ensemble. Cette volonté est palpable sur le terrain, contrairement à 2014. Aujourd’hui, ce ne sont pas les leaders qui tentent d’imposer une alliance sur le peuple. C’est le peuple qui leur demande de mettre de côté leurs différends et leurs agendas pour trouver un accord commun afin de sortir le pays là où il se trouve et pour donner de l’espoir à toute la population.

Q : Où en est-on avec les discussions ?

Toute alliance doit se faire autour de deux éléments : un programme électoral et une équipe qui pourra l’implémenter. Je crois comprendre qu’actuellement, les trois leaders discutent beaucoup plus de programme et des mesures phares qui seront appliquées. Forcément dans une alliance à trois, chaque parti devra consentir à des sacrifices. Mais j’espère qu’on arrive à un consensus parce qu’il nous faudra les compétences de tout un chacun. Il nous faut penser au-delà du gouvernement, des députés et des ministres. Il y a un énorme travail à faire, que ce soit au niveau de la BoM, la FSC, la SIC, la SBM, l’ICAC, la MBC, Air Mauritius, Mauritius Telecom, ainsi que toutes ces institutions qui sont gangrenées par la politique partisane de ce gouvernement. Il nous faudra donc des personnes compétentes et des patriotes pour redynamiser ces institutions.

Q : Le MSM semble disposer d’un trésor de guerre conséquent, sans compter les mesures « labous dou » qui seront annoncées, alors que l’opposition n’aura, comme seule arme, que son programme électoral. Comment allez-vous convaincre l’électorat de voter pour vous ?

Depuis plusieurs années déjà, le MMM dénonce le « money politics ». Il a été pratiqué à outrance en 2019. Nous ne faisons pas d’illusion à l’effet que ce sera pire aux prochaines élections. Le gouvernement tentera d’acheter la conscience des électeurs. Mais moi, j’ai beaucoup d’espoir dans la population mauricienne, dont les jeunes qui iront voter pour la première fois et les professionnels qui connaissent la valeur du travail. Je garde espoir que, malgré tout, la grande majorité de l’électorat ne se laissera pas tenter par les fausses promesses et les « short term gains » en termes d’argent ou autres qui seront offerts par le gouvernement.