Rishtika Ombika, psychoclinicienne « Les perceptions des Mauriciens face aux maladies mentales ont certainement évolué »

Cela fait maintenant à peu près 8 ans que Rishtika Ombika, âgée de 33 ans et habitant le nord du pays, exerce le métier de psychologue clinicienne. Elle a reçu avec brio son diplôme en psychologie clinique en 2013 à l’Université de Bordeaux en France. Ce qui l’a emmenée à travailler en milieu psychiatrique et hospitalier, entre autres.

« En fait, j’ai atterri dans ce domaine un peu par hasard, alors que je pensais faire des études de droit. Au fil des années, je me suis dit qu’au final, rien n’est laissé au hasard », dit-elle. Elle pense ainsi qu’elle était destinée à faire ce métier. Elle nous explique ce que fait une psychologue clinicienne. « Dans le cadre de mon travail, j’effectue les évaluations psychométriques (comme les tests de l’intelligence) et les évaluations de la personnalité pour cerner la psychologie du patient et pour déceler les divers troubles qui peuvent l’affliger, comme l’autisme ou l’anxiété, entre autres. J’assure également une prise en charge thérapeutique, que ce soit en individuel, en couple ou en famille, par rapport à la demande du patient », nous explique notre interlocutrice.

Rishtika Ombika a débuté dans le domaine de la psychologie clinique en effectuant divers stages d’insertion professionnelle, à Maurice comme à l’étranger, dans divers services médicaux, où ses services étaient requis. Elle a tenu plusieurs séances de consultations, sous la supervision de psychologues d’expérience. Elle a ainsi travaillé au sein des services de psychiatrie, mais aussi au sein des services de cancérologie, des soins palliatifs et de diabétologie, entre autres, où les patients souffrent souvent d’anxiété et de dépression. Elle a évolué dans diverses institutions, que ce soit les hôpitaux psychiatriques ou même les centres de la Croix Rouge. Elle a aussi été ‘Part-Time Tutor’ à l’Université de Maurice, ainsi qu’à l’Open University of Mauritius.

Durant son parcours professionnel, elle a pu travailler avec différentes types de patients, de toutes les tranches d’âge et qui présentaient des problématiques différentes, que ce soit sur le plan mental, psychologique ou encore physique, par exemple des personnes souffrant de démence ou de la maladie l’Alzheimer.

La psy a ainsi travaillé avec les enfants turbulents, décrits comme des ‘Children Beyond Control’ au Youth Rehabilitation Centre (YRC). Elle a aussi offert ses services dans divers centres avec les enfants atteints de déficience intellectuelle ou présentant des troubles du spectre de l’autisme. Elle a aussi travaillé dans les maisons de retraite pour les personnes âgées dépendantes, et a effectué l’évaluation psychologique des athlètes mauriciens paralympiques.  

Son plus grand défi a été de travailler, à travers différent projets, sur la sensibilisation autour de la santé mentale à Maurice. « Les perceptions ont certainement évolué sur la façon dont les Mauriciens conçoivent les maladies mentales, et par rapport à la stigmatisation liée au psychologue. Mais le travail doit continuer et la contribution de tout un chacun est déterminant », dit-elle.

 « Ma plus grande motivation est de voir les progrès réalisés par les patients, leurs capacités à mieux gérer leurs problèmes, leurs peines et leurs souffrances, leurs triomphes, leurs sourires », dit-elle. « Au fil des années, je me rends compte que ce n’est pas chose facile que de se tirer d’un ‘dark place’ et c’est pour cela que je m’inspire beaucoup de mes patients, de vrais combattants. J’ai été surtout impressionnée par les capacités démontrées par les enfants en phase terminale de maladie. Puis, il y a aussi les sourires, la joie de vivre et la douce innocence de mes propres enfants, qui m’aident à rester forte dans ce métier où il faut savoir garder la tête sur les épaules. »

 « Je puise aussi beaucoup d’énergie positive à travers la pratique d’une bonne hygiène de vie. J’essaie de manger sainement, et je pratique une activité physique. Qui plus est, je ne néglige pas les moments de détente, à travers les pratiques spirituelles et religieuses. Cela m’aide à mieux m’introspecter, à mieux me ressourcer, à trouver une force intérieure et à soulager le mental aussi bien que le physique », nous confie Rishtika Ombika.

Quel regard jette-t-elle sur la société en général, et sur la société mauricienne en particulier ? « Il me semble que la société humaine va mal. Le mal-être individuel mène à un malaise collectif. Cela est le résultat, aussi bien que le créateur, du problème lui-même. Finalement, tout est relié, que ce soit les problèmes familiaux, les problèmes sociaux ou psychosociaux, en encore les problèmes financiers ou légaux », analyse-t-elle.

Comment vaincre ce mal être, ce malaise qui ronge notre société ? « Un modèle multidisciplinaire semble efficace. Cela implique beaucoup de choses. Il faut, par exemple, l’éducation des parents, l’accompagnement des enfants en difficulté, la sensibilisation des gens sur les divers troubles dans la société au lieu d’essayer de les cacher ou d’être dans le déni, le recentrage sur les valeurs fondamentales d’une société saine et bienveillante, la pratique d’une vie simple et être à l’écoute des autres au lieu de juger ou de critiquer, et l’entre-aide », préconise-t-elle.

Quels conseils donnerait-elle à une personne qui pense qu’elle est à bout ? « Pour vaincre le découragement et se remotiver, il est important de retrouver ses repères, de se rappeler de ses compétences, et de se rappeler des moments où l’on a réussi et survécu face à des situations où l’on croyait qu’on ne pourrait pas s’en sortir. Il faut essayer de gérer ses problèmes. Il faut prendre le tout petit à petit, par petites étapes, au lieu de vouloir tout faire en même temps. Il faut aussi en parler à un proche ou à un professionnel de santé mentale si on ne trouve pas moyen de faire face, malgré ses efforts personnels », conseille-t-elle.

Pour terminer, la psy souhaite remercier ses parents pour sa réussite professionnelle. « J’ai été grandement soutenue par mes parents lors de mon parcours et dans mes décisions en général. J’ai eu beaucoup de chance que mes parents m’ont élevé dans un cadre calme, stable et bien encadré. Ils ne m’ont pas vraiment conseillé sur la vie mais j’ai pu apprendre en les voyant gérer leurs conflits et leurs émotions. Ils m’ont surtout inculqué des valeurs telles que le ‘hard work’, un sens d’éthique, le respect vis-à-vis de soi-même et des autres, de penser le long terme plutôt que de voir les bénéfices à court terme. C’est avec plein de gratitude que j’en profite pour leur remercier pour avoir été toujours présents », souligne le psy.