Rois menteurs

« Zamais nou ine fer cover-up et zamais mo pou fer cover-up ». Hormis la bande de ‘chatwas’ qui s’agrippe toujours à la jupe des gouvernants du jour, qui croira aux paroles d’un Premier ministre qui n’a cessé de mentir à la population sur plusieurs dossiers ? Dans le ‘maha scandale’ concernant l’achat des tablettes de Molnupiravir, Pravind Jugnauth et son ministre de la Santé Kailesh Jagutpal nous font encore une fois l’étalage de leur habileté inestimable pour nous embobiner. Ils tiennent, dans le nouveau feuilleton auquel la population assiste, médusée, depuis la semaine dernière, les rôles principaux de ‘villains’. Dommage qu’Alan Govinden n’est plus là pour voir leur prestation…

Pravind Jugnauth ne peut pas s’en sortir indemne. Il est pris au piège, qu’il fût au courant de cette affaire ou pas. Car dans les deux cas, sa crédibilité est sérieusement engagée et entamée. S’il était au parfum concernant cette méga-fraude de l’ordre de Rs 70 millions, cela indiquerait qu’il était complice, n’y ayant pas mis son veto. Et si cette transaction a effectivement été faite dans son dos, sans qu’il n’en connaisse le moindre détail, cela confirme sa médiocrité, son incompétence et son incapacité à diriger le pays. En tant que président du ‘High Level Committee’, il était de son devoir de prêter une attention particulière à tout ce qui touche de près ou de loin au dossier Covid-19.

La prétendue ignorance du Premier ministre sur cette affaire sous-entend qu’il a volontairement fermé les yeux sur une décision majeure qui touche au traitement de cette maladie, sachant que le médicament en question est nouveau, que son importation est contrôlée et que le gouvernement en faisait l’acquisition pour la première fois. N’avait-il pas pourtant révélé lui-même l’achat d’un million de Molnupiravir lors de son message télévisé le jeudi 9 décembre ? S’était-il contenté de faire une telle annonce pour faire croire que son gouvernement travaille alors qu’il ne connaissait même pas les dessous de cette acquisition ?

Si cela s’avère, Pravind Jugnauth ne prouve-t-il pas qu’il gère le pays au petit bonheur, qu’il n’a rien appris des précédents scandales liés à l’« emergency procurement » l’année dernière, que les dépenses de l’État ne l’intéressent pas, qu’il s’e fout de la lutte contre la corruption quoiqu’il dise, et qu’il tolère la dilapidation des fonds publics ? Rs 70 millions auraient été jetées par la fenêtre, en atterrissant probablement dans les poches de certains proches du pouvoir, si le leader de l’Opposition n’avait pas révélé cette affaire, contraignant ainsi le ministère des Finances à geler le paiement à « CPN Distributors Ltd ». Pravind Jugnauth osera-t-il encore demandé « kot mone fauté ? »

Venons-en à Kailesh Jagutpal qui est également pris dans les filets du mensonge. Le ministre de la Santé a honteusement menti au Parlement le 10 décembre quand il a prétexté que c’est le 7 décembre que « CPN Distributors Ltd » avait envoyé un « pro forma invoice » au ministère de la Santé pour la fourniture de 999 000 gélules de Molnupiravir, dont la version générique est commercialisée sous le nom de Molcovir, au prix de Rs 79.92/ l’unité. En vérité, son ministère était déjà au courant que cette firme disposait d’un important stock de ce médicament bien avant cette date.

Primo, parce que c’est ce même ministère qui avait donné l’autorisation, les 18 et 26 novembre, à « CPN Distributors Ltd » d’importer 200 000 et 800 000 de Molnupiravir. Secundo, parce que le directeur du fabriquant indien ‘Optimus Pharma Private Ltd’, Prashanth Reddy Palakonda avait informé le ministère de la Santé, à travers une correspondance datée du 1er décembre, que son représentant local exclusif était déjà en possession d’un million de ces médicaments. Et tertio, parce que « CPN Distributors Ltd » avait déjà livré 5 000 gélules de Molnupiravir à l’hôpital ENT le 3 décembre. Kailesh Jagutpal ne pouvait pas ignorer ce qui se tramait au sein de son ministère. À moins qu’il ne soit un simple vase à fleur au sein de son propre ministère ainsi que le ‘High Level Committee’ ?

On a vu comment, à chaque fois que le ministre de la Santé est pointé du doigt pour son incompétence et sa mauvaise gestion au Parlement, il se cachait derrière le dos des fonctionnaires, en feignant que l’opposition s’attaque à ces derniers. Kailesh Jagutpal a encore utilisé des hauts fonctionnaires (pas tous puisque Dalida Allagapen, sœur du ministre Alan Ganoo s’en est, elle, sortie indemne) comme un paravent pour se réfugier dans le présent cas en envoyant, cette fois-ci, le blâme sur eux pendant qu’il s’agrippe à son fauteuil ministériel. Quelle hypocrisie, n’est-ce pas ?

Pravind Jugnauth et Kailesh Jagutpal sont tous les deux piégés dans leur tissu de mensonges. Ce qui explique peut-être pourquoi le Premier ministre prend fait et cause pour son ministre de la Santé. Reste à voir jusqu’à quand le chef du gouvernement pourra continuer à défendre Jagutpal avant qu’il ne se débarrasse de ce dernier, comme il a été contraint de le faire dans le cas de plusieurs de ses anciens ministres auparavant afin de pouvoir sauver sa propre peau.

500ème édition : Un grand merci

500 éditions. Le chemin a été long et périlleux. Certes, la présente direction n’a pris le flambeau qu’à la 204ème édition, à la fin d’octobre 2015, mais elle a quand même fait bien plus que la moitié de ce parcours pour arriver là où nous en sommes aujourd’hui. Pour nous, cela équivaut à un ‘milestone’, franchi après beaucoup de patience et de persévérance. Au cours de ces six dernières années durant lesquelles nous avons assumé les responsabilités rédactionnelles, nous avons rencontré toutes sortes d’obstacles et surmonté plusieurs épreuves. Le travail n’a pas été de tout repos, la tâche étant même souvent très ingrate.

Entre les tracasseries administratives, les ‘deadlines’ de la rédaction, les convocations policières et les intimidations de part et d’autre, nous nous sommes constamment pliées en quatre pour pouvoir être à la hauteur de vos attentes. Nous avons materné le journal en passant de longues nuits blanches, sacrifiant au passage notre vie familiale, notre quiétude et nous privant même de congés pour que votre hebdomadaire puisse apparaître dans les kiosques chaque dimanche. Nos sacrifices, nous l’espérons, n’auront pas été vains.

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