Roukaya Kasenally: « Le langage hostile et dérogatoire utilisé contre les médias m’interpelle »

Chargée de cours à l’Université de Maurice (UOM), Roukaya Kasenally souhaite qu’une structure solicle et active soit mise sur pied afin de faire bouger les choses à l’UTM. Pour elle, la démocratie à Maurice se résume à la dynastie, aux leaders malades, la politiques ethnique, multiples déficits de la société. 

Roukaya Kasenally, un vent de révolte a récemment soufflé sur l’Université de Technologie, les étudiants frustrés étalant au grand jour sa mauvaise gestion. La directrice Mme Seetulsingh-Ghoorah est pointée du doigt. Est-il normal que le ministère la maintient à son poste ?

Le problème à Maurice est que nous sautons souvent sur des conclusions faciles sans avoir une idée  d’un reflet plus large de la situation. Sans doute, il semble qu’il y a  un certain nombre de problèmes à L’UTM dont nous avons pris connaissance à travers les medias. Il parait aussi de parties envenimées se sont servies la presse pour faire passer leur propre agenda. Ce dont nous avons besoin est une discussion ouverte, claire et franche des gros problèmes et mettre sur pied une structure active pour s’assurer que les choses bougent dans un délai raisonnable. En cas d’échec, des têtes devront tomber.

La ministre Dookun-Luchoomun parle de trouver une solution. Selon vous, à qui reviendrait la responsabilité de mettre un terme à cette situation malsaine ?

Trouver une solution ou des solutions à ce qui se passe à l’UTM doit se faire avec une approche collective responsable. Je crois que les différents partenaires concernés par cet état des choses devront être prêts à travailler ensemble pour restaurer la bonne réputation de l’UTM. Comme point de départ, la direction de l’UTM  devrait donner l’exemple.

Les décisions tardent à être prises. Ne pensez-vous pas que cela cause davantage de préjudice aux étudiants ?

Absolument ! En effet, c’est l’un des problèmes récurrents ici à                  Maurice. Les choses trainent pendant trop longtemps et les décisions, surtout celles qui sont audacieuses sont évitées.

La récente décision de l’UoM de majorer les frais d’inscriptions ne sera-t-elle pas un obstacle à l’accès des jeunes aux études universitaires ?

On ne devrait pas toujours réduire toute chose au niveau de l’argent. L’éducation, particulièrement, supérieure, demande beaucoup d’investissement, en termes du capital, de l’humain, du social, du culturel et de la technologie. Le monde entier discute sur comment assurer une éducation dirigée vers la qualité et équiper ceux avec les compétences nécessaires à travailler dans un environnement hautement compétitif. Pour moi, la question d’accès devrait être liée à la qualité de l’éducation qui est dispensée. Je voudrais aussi faire ressortir que nous devrions avoir recours à un means-test, càd, une enquête pour savoir si les revenus des parents justifient des allocations permettant aux étudiants d’avoir accès aux cours universitaires. Il faut nous rassurer que dans ce processus, les frais d’inscriptions ne poussent pas les meilleurs candidats vers la porte de sortie.

Valeur du jour, l’Université offre des cours émanant de cinq facultés. Ne pensez-vous pas que de nouvelles matières devraient être enseignées afin d’élargir l’espace emploi pour les jeunes ?

L’UoM est la première université du pays et dès le départ, était mandatée pour servir la nation. Selon moi, la connaissance est un processus dynamique et les universités qui veulent rester compétitives se doivent de refléter ce dynamisme. L’introduction de nouvelles matières doit pouvoir montrer que le besoin ou la demande sont justifiés.

Vous conviendrez que quelque part, certains secteurs sont saturés et que les gradués fraîchement émolus de l’UoM sont confrontés au problème du chômage ?

C’est une façon de voir les choses. Nos gradués se tournent vers un job à col blanc et les opportunités se font plus rares ou sont saturées. Nos jeunes universitaires pourraient très bien se tourner vers l’entreprenariat qui leur offre une panoplie d’opportunités de devenir des entrepreneurs a succès.

 Des experts étrangers ont émis des réserves sur le niveau d’enseignement supérieur dans nos universités. En tant que chargé de cours, partagez-vous cet avis ?

 Encore faut-il savoir qui sont ces experts. L’éducation supérieure à Maurice est traitée comme un produit de consommation. Des campus sont montés dans le seul bat de faire de l’argent. La diffusion de la connaissance jouit d’une dimension qui peut transformer la société. A Maurice nous produisons des gradué en grand nombre mais négligeons souvent la dimension qualité .

 Pour changer de registre, Roukaya Kasenally, les attaques à peine voilées à l’encontre de la presse par les politiciens ne vous choquent-elles pas ?

 Dans toutes les sociétés, les relations medias politiciens ont toujours été conflictuelles. Une presse libre est à la clé de toute démocratie vivante. Le langage hostile et dérogatoire utilisé contre les medias m’interpelle. Maurice a régresse, au fil des ans, concernant la liberté de la presse (REF RWF et Freedom House). C’est facile de stigmatiser la presse et l’étiqueter d’ennemi du peuple – c’est ce que fait Trump aux USA.

 Pensez-vous que la démocratie, dans le vrai sens du mot, vit ses jours heureux à l’heure actuelle dans le pays ?

Maurice est le modèle de démocratie à être émulé en Afrique. Les indicateurs démocratiques placent le pays au premier rang sur le continent noir. Pour moi, la démocratie devrait être évaluée sur la base qualitative. C’est quoi le modèle de démocratie mauricien ? La politique des dynasties, des leaders malades de la domination de l’argents, la politiques de l’ethnicité et un modèle électoral dépassé.

 Enfin quelles sont les perspectives d’espoir qui pourraient surgir dans les prochaines années ?

 L’année prochaine nous célébrons le 50e anniversaire de notre indépendance – un moment important qui demande à chaque citoyen de réfléchir à quel type de société il aspire et quel type de leadership il veut nous gouverner. Nous assistons à un réveil, quoique timide, de certains citoyens. Ce qui est visible sur le réseau social. Il y a environ deux mois, avec deux amies, Sheila Bunwaree et Manisha Dookhory, j’ai fondé le Mauritius Society Renewal (MSR), un groupe de réflexion national dont le but est de pourvoir les citoyens des compétences nécessaires et de connaissance capables d’effectuer des changements. Pour nous, le futur se trouve entre les mains d’un citoyen informé, engagé et responsable.