Il est fort possible que notre île traverse bientôt une période de sécheresse, vu le taux actuel de remplissage des réservoirs, avec une moyenne de 81,8 % (voir tableau). On a aussi noté que les communiqués de la Central Water Authority (CWA) se multiplient ces derniers temps, faisant état que la fourniture d’eau sera irrégulière dans telle ou telle localité du pays. Dans les ‘water stressed areas’, plus particulièrement St. Joseph, Vallée-des-Prêtres, Tranquebar, Mont-Roches, Nouvelle-France, Union Park et L’Escalier, l’eau est fournie pour moins de 8 heures de temps par jour.  Dans ce contexte, la promesse électorale du gouvernement à l’effet que la distribution d’eau se fera sur une base 24/7 dans toutes les régions du pays, ne fait plus rire personne.

Harry Kissoon Booluck, ancien directeur-général de la CWA, souligne que la situation actuelle de nos réservoirs est loin d’être bonne. « Si sa kontinier, nu pou koumans trouve zéclair sa kout la », avertit Harry Booluck. Il nous explique qu’il y une saison spécifique pour la sècheresse et une autre pour les grosses pluies. Le peu de pluie que le pays reçoit en hiver n’est pas suffisant pour remplir les nappes phréatiques et les réservoirs. Mais en début d’année, il y a de fortes averses, qui provoquent même des inondations. « C’est un phénomène naturel qui revient chaque année », nous dit l’ancien directeur-général. « Personne ne peut rien faire contre la Nature. »

Toutefois,il pense que le gouvernement aurait dû considérer la fourniture d’eau comme une priorité, et cela, dès le départ. « Le gouvernement aurait dû se rendre compte que même la construction du Midlands Dam ou du Bagatelle Dam n’a pas soulagé la population ou résolu le problème de fourniture d’eau. Il aurait alors dû prendre les mesures qui s’imposaient », note-t-il. Il demande dorénavant à ce que le gouvernement envisage sérieusement l’introduction du dessalement d’eau de mer à Maurice comme alternative, comme cela a été le cas à Rodrigues.

Harry Booluck ajoute que ce sont les planteurs qui subiront le plus grand impact. Car si les réservoirs sont à sec, le gouvernement limitera l’eau utilisée pour l’irrigation, vu qu’il devra donner la priorité aux consommateurs. Il serait alors futile d’envisager une quelconque autosuffisance alimentaire. Selon lui, la seule chose qu’il nous reste à faire est d’économiser le peu d’eau qu’il nous reste, et il lance ainsi un appel au public mauricien de consommer moins d’eau. « La collaboration de tout un chacun est nécessaire », dit-il.

« Bizin pez nenez bwar dilwil »

Cap sur deux villages où la fourniture d’eau est problématique, notamment Grand-Gaube et Triolet. « Bizin pez nenez bwar dilwil », nous lance le président du village de Grand-Gaube, David Louis Pariche, d’un air résigné. Il nous explique que la fourniture d’eau est erratique, ce qui nuit considérablement aux habitants du village. Selon lui, il y a un seul conduit d’eau qui raccorde Goodlands et Grand-Gaube. Les habitants de Gaube-Gaube ne reçoivent de l’eau que vers 3h du matin et non dans la journée.

Ajouté à cela, plusieurs maisons additionnelles ont été construites dans le village, ce qui fait que la consommation d’eau augmente de jour en jour. Il ne peut rien faire face à cette situation et demande aux habitants de Grand-Gaube de s’armer de patience. Selon lui, il faudrait arrêter de dévier l’eau vers Goodlands pour que les habitants de Grand-Gaube puissent avoir de l’eau sur une base 24/7.

Rajab Auleear, le président du village de Triolet, nous dit que le problème de fourniture d’eau existe depuis fort longtemps. Selon lui, il y a certains endroits dans le village où l’eau ne coule pas pendant des jours. Il ajoute que la situation est tellement déplorable qu’il doit demander régulièrement aux camions citernes de la CWA d’effectuer la distribution d’eau à travers le village. « Et avec les fêtes religieuses qui approchent à grand pas pour certaines communautés, il est triste que les gens doivent faire face à plusieurs difficultés en ce qui concerne la fourniture d’eau », souligne-t-il.