La culture de la variété d’oignon connue comme ‘oignon toupie’, qui est cultivé dans plusieurs régions du pays, pourrait être appelée à disparaitre dans les années à venir si des mesures urgentes ne sont pas prises pour la préserver. D’un côté, il y a les agriculteurs qui sont au bout du rouleau, tandis que de l’autre, le gouvernement continue de faire la sourde oreille.
Le ‘zwayon toupi’ est cultivé dans les régions de Belle-Mare, de Trou D’Eau Douce, de Grand-Sable et de Petit-Sable, entre autres. Il est très prisé par les Mauriciens, et a les faveurs des agriculteurs, vu qu’il peut être stocké pendant longtemps. Toutefois, « nous sommes en train de mener une lutter pour préserver cette culture locale », nous explique Kreepalloo Sunghoon, le porte-parole de la ‘Small Planters Associations’ (SPA).
Ainsi, quelques années à peine de cela, on produisait 18 000 tonnes d’oignons par année, où le ‘zwayon toupi’ avait la part belle, mais avec le temps, cette quantité a baissé, et de nos jours, on produit seulement 10 000 tonnes d’oignons chaque année. Et c’est malheureusement là une tendance qui se poursuit, et demain, on se retrouvera avec un niveau de production encore plus bas, si rien n’est fait pour renverser la vapeur.
Kreepalloo Sunghoon énumère les problèmes qui ont impact sur la production des oignons, y compris sur la variété dite ‘toupie’. Selon lui, un brin nostalgique, il fut un temps où plusieurs étendues de terres étaient dédiées à la culture d’oignons mais aujourd’hui, ces terres ont rétréci comme une peau de chagrin, vu qu’on les a aménagées pour la construction d’hôtels ou d’autres bâtiments. Il nous explique aussi que dans le passé, on cultivait plusieurs variétés d’oignons, tels que la ‘Toupie’, la ‘Bella Rose’ et le ‘Francia’ entre autres, mais qu’aujourd’hui, on ne retrouve plus cette même diversité. « Le gouvernement a opté pour le développement infrastructurel tous azimuts, mais nous avons perdu, ou perdront, ce que nous avons de plus cher », regrette-t-il, en parlant de notre patrimoine agricole.
De plus, le changement climatique a grandement impacté sur la culture locale des légumes ces dernières années, y compris sur les ‘oignons toupies’, dont la production a drastiquement chuté. En outre, le problème d’irrigation est un problème qui perdure depuis quelques temps déjà. Kreepalloo Sunghoon nous indique que la construction d’un réservoir dédié à l’irrigation avait été annoncée en 1994 mais que rien n’a été fait depuis. Et durant ce laps de temps, le développement industriel, commercial et résidentiel a considérablement augmenté, nécessitant une consommation toujours plus importante d’eau tandis que la fourniture d’eau pour l’irrigation a drastiquement diminué.
Qui plus est, le coût de production des oignons est très élevé, et de ce fait, les planteurs ne peuvent les revendre à un prix bas. Parmi les facteurs qui ont conduit à ce coût de production élevé, il y a le prix des fertilisants ainsi que celui des semences, qui ont aussi connu une hausse, nous explique Kreepalloo Sunghoon. « Ce problème est toujours là et dans les jours à venir, il pourrait s’aggraver si le gouvernement ne prend pas en considération les doléances de petits planteurs, notamment ceux qui sont toujours en train de cultiver les oignons », nous explique-t-il.
Encadrer le secteur agricole pour le redynamiser
Kreepalloo Sunghoon propose une série de mesures afin de maintenir la production agricole, y compris celle des oignons ‘toupies’. « Il est probable qu’il y a des problèmes que nous n’avons pas pu anticiper au départ mais il y a encore du temps pour reprendre ce que nous avons délaissé », dit-il. « Il faudrait tout d’abord encadrer tout le secteur agricole pour lui redonner vie. Il faut entamer la discussion autour d’une table avec toutes les parties prenantes afin de dégager les bonnes stratégies. »
Selon lui, parmi ces stratégies, il faudrait d’abordencourager de plus en plus des jeunes, voire les moins jeunes, à se tourner vers l’agriculture. « C’est un atout que nous avons et il faut d’avantage encourager les jeunes à embrasser une carrière d’agriculteur, en leur offrant une vision économique à l’effet que le secteur agricole est valable, cela pour que demain, si nous avons un problème alimentaire, nous savons que nous avons des personnes qui pourront relever tout défi dans ce secteur », dit-il.
En ce qui concerne les oignons ‘toupies’, il préconise qu’il faudrait investir dans cette culture et l’encourager. « Si le gouvernement encourage les petits planteurs, y compris les jeunes, vers la plantation de ces oignons, cela pourrait booster notre production locale, et pourrait même déboucher vers l’exportation vers d’autres pays », envisage-t-il.
« Il y tant de problèmes dans tout le secteur agricole qui méritent un gros effort. Mais dans l’immédiat, il faut essayer de protéger la culture d’oignons ‘toupies’ avant qu’elle ne soit morte », conclut Kreepalloo Sunghoon.
Hors-texte
Les planteurs : « Le gouvernement continue de faire la sourde oreille »
Nous avons sillonné quelques régions où l’on continue avec la plantation des oignons ‘toupie’. À Trou D’Eau Douce, les planteurs qui sont dans cette culture depuis plusieurs années nous expliquent qu’ils avaient l’habitude de cultiver en grande quantité cette variété d’oignons mais qu’aujourd’hui, par manque de main d’œuvre et de soutien de la part du gouvernement, ils envisagent d’abandonner. « Nous sommes conscients qu’il y a une grande demande pour ce type d’oignons mais nous ne pouvons pas produire plus que cela avec le manque de main d’œuvre. Nous devons dépenser encore plus d’argent de notre poche. Qui plus est, il n’y a plus le moindre soutien de la part du gouvernement », disent-ils.
Une femme planteur nous confie que « je cultive seulement une certaine quantité d’oignons, que je vends avec des personnes de mon entourage et le reste, je le garde pour ma consommation personnelle ».
Par ailleurs, les planteurs affirment que les gouvernements précédents affichaient une présence sur le terrain pour venir en aide aux petits planteurs. Il y avait plusieurs plans d’aide pour les motiver à planter. « Mais il n’y a plus ce genre de motivation. Le gouvernement, au lieu d’entendre les doléances des planteurs, fait la sourde oreille », dénoncent les planteurs.
D’autre part, auparavant, les coopératives et l’Agricultural Marketing Board (AMB) avaient l’habitude d’acheter aux planteurs les produits agricoles mais ce n’est plus le cas. Les planteurs doivent les revendre eux-mêmes, ce qui conduit au prix élevé des oignons. « Alors que l’AMB devrait encourager les planteurs, c’est tout le contraire que nous voyons », fustigent les planteurs.
Sur ce point, Kreepalloo Sunghoon nous confirme que si un planteur se rend une ou deux fois dans les locaux du ministère de l’Agroalimentaire, il sera découragé d’aller demander de l’aide encore une fois s’il n’y a pas eu de réaction de la part du gouvernement.