Shafick Osman, géopoliticien : « Les choses seront plus positives avec Pravind Jugnauth comme Premier ministre »

Le géopoliticien, Shaffick Osman, est d’avis que les choses seront plus positives avec Pravind Jugnauth comme Premier ministre même s’il aura des défis très importants à relever comme la préparation de son équipe pour 2019, la création continue d’emplois et la mise en place, de façon durable, d’un feel good factor.

Dans une interview, accordée au Sunday Times, l’observateur politique affirme que ceux qui, au MMM, croient encore qu’ils peuvent continuer business as usual, avec certains  changements cosmétiques, vont tout droit au suicide politique et ils ne le réalisent pas ! Steve Obeegadoo a toutes les qualités ou presque pour prendre la relève.

Sanjay BIJLOLL

 

Q : Pravind Jugnauth nommé Premier ministre sans passer par les urnes. Êtes-vous en faveur d’une telle démarche ?

Ce n’est pas une situation idéale, même pour Pravind Jugnauth, je suppose, mais que voulez-vous ? Si le Premier ministre sent qu’il doit partir et à son âge, on doit le comprendre, le leader du MSM, parti majoritaire à l’Assemblée nationale, doit prendre la relève, comme le prévoit la Constitution.

 

Q : D’aucuns sont d’avis que la nomination de Pravind Jugnauth comme Premier ministre créera une certaine frustration au sein d’une frange de l’électorat. Partagez-vous leur avis ?

R : De quelle frange parlez-vous ? Autant que je sache, Pravind Jugnauth est également un hindou, dit « hindi », et « vaish » de surcroît ! Alors, qui devrait être frustré ?

 

Q : Tout laisse croire qu’après plus de dix-huit mois au pouvoir, le gouvernement de l’Alliance Lepep est plus impopulaire que jamais. Pensez-vous que l’accession de Pravind Jugnauth au Primeministership suffira-t-elle pour renverser cette tendance ?

R : Tout d’abord rien, sur papier, n’indique cela. C’est un sentiment partagé par beaucoup, c’est vrai, mais pour mesurer la popularité d’un régime ou d’un gouvernement, il faut avoir des chiffres. Et cela par le biais de sondages ou enquêtes réalisés scientifiquement ou par voie des élections. Or, depuis avril dernier, on ne voit plus de sondage L’Express-DCDM Research et il n’y a pas d’élection ces jours-ci pour mesurer cela…
Cela dit, pour revenir à votre question, oui, je pense que les choses seront plus positives avec Pravind Jugnauth comme Premier ministre même s’il aura des défis très importants à relever comme la préparation de son équipe pour 2019, la création continue d’emplois et la mise en place, de façon durable, d’un feel good factor.

On a déjà vu qu’après le dernier budget, la perception s’est améliorée, mais le travail pour le leader du MSM est énorme.

 

Q : Est-ce normal, selon vous, qu’il y ait autant de tiraillements entre les membres du gouvernement ? (Vishnu-Bhadain/ Bhadain-Collendavelloo/ Abbas Mamode-Husnoo, etc)

R : Évidemment que non ! Mais ces problèmes internes – du jamais vu dans un gouvernement, je pense – sont le fruit aussi que Pravind Jugnauth, leader du parti majoritaire au sein du gouvernement, ait été hors de l’équipe gouvernementale pendant presque une année : de juin 2015 à mai 2016 ! Depuis qu’il est retourné au gouvernement, les choses se sont calmées, mais pas disparues encore.

  • « Ceux qui, au MMM, croient encore qu’ils peuvent continuer business as usual, vont tout droit au suicide politique »

 

Q : Pensez-vous qu’un deuxième miracle économique soit encore possible ?

R : Je n’ai jamais cru en ce slogan ! Car déjà, sous SAJ, au début des années 90, on parlait de deuxième « boom » économique, avec Sithanen notamment. Il fallait peut-être parler de troisième boom économique mais qu’importe…
La politique de tous les gouvernements de Maurice porte sur le libéralisme économique et rien ne change fondamentalement. Par contre, les projets changent mais malheureusement, le gouvernement Lepep a déjà perdu beaucoup de temps et il lui reste un peu plus de deux ans pour se prouver avant d’entrer en 2019, année électorale… Ce n’est pas beaucoup mais l’essentiel peut être fait si Pravind Jugnauth dirige convenablement.

 

Q : Paul Bérenger, un leader dépassé selon Zuberr Joomaye. Partagez-vous son avis ?

R : Je n’ai pas attendu Zuberr Joomye pour le dire ! Je le dis depuis des années déjà et plus particulièrement, après décembre 2014, et encore plus depuis juin 2015, quand le MMM a essuyé la plus sévère défaite, aux municipales, de son histoire, avec simplement zéro élu ! Aucun élu dans ses fiefs de Beau-Bassin, Rose-Hill, Port-Louis, etc.

Q : Avec la démission de Zuberr Joomye à la veille du 47ème anniversaire du MMM, ne pensez-vous pas que le MMM de Paul Bérenger se dirige de plus en plus vers le précipice ?

R : Ceux qui, au MMM, croient encore qu’ils peuvent continuer business as usual, avec certains  changements cosmétiques, vont tout droit au suicide politique et ils ne le réalisent pas ! Depuis la défaite de 2010, le MMM aurait dû se revoir de fond en comble, mais Paul Bérenger a la main trop haute sur le parti. Il écarte ceux qui lui sont réfractaires et je plains là un Steve Obeegadoo qui a toutes les qualités ou presque pour prendre la relève.
Le MMM est devenu, malheureusement, comme la propriété personnelle de Bérenger et c’est vraiment dommage pour ce parti qui a fait rêver des centaines de milliers de Mauriciens dans le passé…

  • « Steve Obeegadoo a toutes les qualités ou presque pour prendre la relève du MMM »

 

Q : Ne pensez-vous pas qu’il faut un renouvellement à la tête des différents partis politiques ?

R : Encore une fois, ce que vous dites n’est pas nouveau et beaucoup le disent depuis des années. Mais remarquez que même à Rodrigues et dans les « petits » partis, à l’île Maurice, c’est la même chose. Quel parti a changé de leadership ces dix ou quinze dernières années ? Aucun ! Une seule nuance cependant pour le PMSD où Xavier-Luc Duval a pris le leadership de Maurice Allet il y a quelques années de cela…

 

Q : Une autre charge contre Navin Ramgoolam a été rayée en Cour intermédiaire, vendredi. Un retour de l’ancien Premier ministre, surtout après le succès du rassemblement du PTr tenu à Triolet dimanche dernier, est-il possible ?

R : Comme le disait malheureusement Sir Satcam Boolell, « tout est possible en politique ». Oui, c’est possible, même si je ne crois pas à cela, surtout si le PTr compte aller seul aux élections. Je ne crois pas que les Mauriciens, dans leur ensemble, voteront pour que Navin Ramgoolam retourne aux affaires de sitôt, mais sait-on jamais… La rationalité n’est pas une chose tangible en politique, cela se joue plutôt sur l’émotion, les sentiments, l’influence de la communication, et… l’argent ainsi que les bénéfices matériels !

 

Q : Que répondriez-vous à ceux qui continuent à critiquer la MBC ?

R : La MBC est une grosse structure qui prendra du temps à changer, mais les choses ont commencé à changer, en interne. Et le public a déjà pu voir des améliorations au niveau du JT de 19h30 et quelques nouvelles émissions se mettent en place.

Le président Mekraj Baldowa tient beaucoup à la remise en ordre dans les finances et dans l’administration, mais il communiquera, lui-même, un premier bilan d’ici quelques semaines.