Showkutally Soodhun : « J’ai sauvé le pays d’une grande catastrophe »

Il est fier et il ne le cache pas. Showkutally Soodhun estime avoir « sauvé le pays d’une grande catastrophe ». De retour à Maurice, le député du no 15 nous relate, au cours d’un entretien téléphonique vendredi matin, les circonstances qui l’ont amené à négocier avec l’Arabie Saoudite pour l’approvisionnement de carburants à Maurice afin d’éviter toute pénurie. Il nous révèle, dans la même foulée, qu’il est toujours responsable de l’organisation du hadj à Maurice…

Zahirah RADHA

 

Q : Vous étiez partis en Arabie Saoudite pour négocier pour le hadj ou pour les carburants ?

R : En fait, j’étais parti pour accomplir l’Umrah (mini pèlerinage). Je devais, par la même occasion, rencontrer le Prince Mohammed bin Salman pour évoquer les problèmes liés à l’entrée en vigueur d’une nouvelle mesure saoudienne exigeant les données biométriques de tous les pèlerins se rendant à la Mecque. Le Premier ministre m’avait également chargé de soulever la question du paiement de 2000 Riyals pour ceux ayant accompli l’Umrah pour plus d’une fois. Il voulait que j’intervienne auprès du Prince Salman pour obtenir une dérogation pour les Mauriciens.

Q : Le Premier ministre vous avait-il aussi mandaté pour négocier pour les carburants ? 

R : Pravind Jugnauth m’a appelé lundi matin pour me dire que la Haute cour de Karnataka a bloqué un pétrolier en Inde et que cela pourrait entraîner de graves problèmes puisqu’on n’avait pas beaucoup de réserves de carburants. Il m’a appelé plus tard pour me dire que l’affaire a été renvoyée pour le 11 décembre et il m’a alors demandé de voir si le Prince Salman pourrait nous venir en aide. Étant donné que j’avais déjà rencontré ce dernier la veille, soit dimanche, je me suis d’abord tourné vers le ministre du Pétrole, Khalid Al-Falih, mais il m’a dit qu’il ne pourrait rien faire puisqu’il n’y avait pas de pétrolier disponible et qu’il fallait une intervention en haut lieu. C’est à ce moment que j’ai appelé le Prince Salman pour solliciter une rencontre en toute urgence…

Q : Quand vous a-t-il reçu pour cette deuxième rencontre ?

R : Il m’a dit de venir le même soir. J’ai dû quitter Jeddah en toute vitesse pour aller à sa rencontre à Riyadh où il se trouvait. La réunion s’est déroulée en la présence des ministres saoudiens des Finances, du Pétrole et celui des Affaires étrangères. Je lui ai expliqué qu’une pénurie de carburants impliquerait que le pays serait à genoux. Le Prince Salman a alors ordonné qu’un pétrolier qui se trouvait dans les parages de la Mer Rouge et qui se dirigeait vers l’Égypte soit rapatrié tout de suite en vue de dépanner Maurice.

  • « J’agirai comme facilitateur entre le CCI et l’Arabie Saoudite » 

Q : De telles négociations peuvent-elles se faire sans de formalités administratives ?

R : Bien sûr que non ! J’étais constamment en communication avec le Premier ministre. D’ailleurs, ce sont les Chief Executive Officers (CEOs) d’Aramco et de la STC qui ont finalisé les modalités et les démarches administratives par voie électronique. Moi, je n’ai fait que signer la garantie au nom du gouvernement mauricien et cela après avoir eu l’aval du Premier ministre.

Q : Qu’en est-il des coûts ?

R : Le Prince Salman a été très clair là-dessus. Ene sou profit line dire li pas oulé lor la. Nous devrons payer uniquement les coûts opérationnels et ceux des carburants. Qu’est-ce qu’on n’a pas dit sur le Prince Salman et l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui ce sont eux-mêmes qui sont venus en aide à Maurice. J’ai aussi rencontré le ministre de l’Intérieur d’Abu Dhabi, le Prince bin Zayed Al Nahyan, mercredi, et il s’est également dit prêt de nous approvisionner en carburants si le besoin se fait sentir.

Q : Les discussions concernant les données biométriques avec le Prince Salman ont-elles aussi abouti ?

R : Oui. Les Mauriciens bénéficieront d’une dérogation.

Q : Ces données biométriques ne sont-elles pas généralement prises une fois en Arabie Saoudite ?

R : Selon la nouvelle mesure qui est entrée en vigueur le 4 décembre, tous les pèlerins doivent obligatoirement soumettre leurs données biologiques au moment d’obtenir leurs visas. Étant donné que nous n’avons pas de consul saoudien à Maurice, cela impliquait que les éventuels hadjis devaient se rendre en Afrique du sud pour les formalités d’usage. Ce qui leur aurait causé pas mal d’inconvénients. Mais les pèlerins mauriciens n’ont plus de soucis à se faire à ce sujet car cette mesure ne s’appliquera pas à Maurice. Je dois aussi souligner que le Prince Salman est d’accord pour nous donner 300 visas additionnels pour le prochain hadj.

Q : Cela veut-il dire que vous êtes toujours responsable du dossier hadj ?

R : Oui. Le Premier ministre m’a dit de continuer à m’occuper de ce dossier. J’agirai comme un facilitateur entre le Centre Culturel Islamique (CCI) et l’Arabie Saoudite. Je travaillerai de concert avec le ministre des Arts et de la culture, Prithviraj Roopun, et je serai bien sûr ‘answerable’ au chef du gouvernement.

Q : Vous êtes passé de statut de vice-Premier ministre et ministre du Logement et des terres à celui de simple député. Comment vivez-vous cela ?

R : Ma famille et moi, nous avons passé un très mauvais moment. J’étais été affecté moralement et cela a eu des répercussions sur ma santé. Je maintiens toujours que je suis innocent. Le destin a d’ailleurs voulu que je sauve le pays d’une grande catastrophe. Croyez-vous que je l’aurais fait si j’étais communal ? Ma religion m’a appris de respecter toutes les autres religions. J’ai beaucoup de défauts mais j’ai aussi des qualités. Et je viens de le prouver. Je tiens à remercier le Premier ministre et tous ceux qui m’ont soutenu durant ces moments difficiles.