Singh is not King

Telecom Tower a perdu son Maharajah. Mais bien qu’il ne soit plus King, Singh a quand même eu droit à un départ royal. Avec, « cherry » sur le gâteau, une haie d’honneur pour lui faire des adieux. Cependant, il ne lui a pas fallu de tapis rouge pour qu’il se rende à la rue Labourdonnais où il a fait de graves allégations en direct. Contre celui qui a été son ami pendant 15 ans et qu’il a fait devenir Premier ministre alors qu’il était « faible ». Contre Lady Macbeth qui jadis posait joyeusement en sa compagnie, la main tendrement sur les épaules de Sherry. Contre Lakwizinn 2.0 dont il a énuméré les chefs, sous-chefs jusqu’aux poissonniers, en évitant soigneusement de mentionner qu’il était lui-même Top Chef dans Lakwizinn 1.0. Subitement, le Maharajah qui se défend d’être un chatwa veut créer un tsunami. Parce qu’il ne veut pas renoncer à ses « valeurs ». Parce qu’il veut le bien du pays. Parce qu’il réalise brusquement qu’il faut un nouveau gouvernement. Qu’il veut probablement diriger lui-même. D’autant qu’il se vante de n’avoir jamais « perdi ene élection depi 2005 ». 

Donc, après avoir fait partie intégrante du système accaparant et tentaculaire qui a contribué à mettre le pays à genoux, Sherry Singh se pose maintenant en grand sauveur. Tout comme les Bhadain et Bodha. Sauf que ce dernier a gardé un silence complice hormis le « pouvoir cadenassé » et « l’odeur de la mort » qu’il dénonce. C’est donc en émulant Bhadain que Sherry Singh a mis le feu aux poudres. En explosant cette Lakwizinn où il mijotait autrefois, non pas des petits plats, mais de grands plans, en sirotant un apéritif et où il n’était désormais plus admis. Mais Singh n’est pas King sur l’échiquier politique. Malgré les sérieuses allégations formulées contre le chef du gouvernement sur Radio Plus, vendredi. Malgré le formidable exercice de com auquel il s’est livré pendant le même entretien accordé à notre confrère Nawaz Noorbux sur Radio Plus. Malgré le tsunami qu’il veut créer. Singh is not King parce qu’il n’est pas le Mr Clean qu’il prétend être. Sherry Singh, en tant qu’ancien Senior Advisor de Pravind Jugnauth, a sa part de responsabilité dans la ruine du pays. Il a initialement été de toutes les décisions majeures ayant eu un impact désastreux sur le pays.

Sherry Singh a été parmi ceux qui ont accaparé les institutions de l’État depuis 2014. C’est sous son leadership que les profits de Mauritius Telecom ont piqué du nez, bien qu’il eût néanmoins été propulsé à la tête du ‘Transformation Steering Committee’ d’Air Mauritius qui a quand même fini sous administration volontaire. Sous sa gestion, Mauritius Telecom est devenu une vache à lait pour financer certains projets bénéfiques au gouvernement, mais aussi pour soutenir financièrement un nouveau groupe de presse proche du régime. Et qu’en est-il du Copper Gate ? Peut-on s’attendre à des développements subits maintenant que Sherry Singh ne fait plus partie du giron du pouvoir, surtout après la guerre qu’il a déclenchée avec les Jugnauths, Lady Macbeth y compris ? Le Premier ministre a été catégorique et n’a laissé place à aucun doute, hier. « Atan ou pou gueté », a-t-il lâché. Le PMO ne dort pas sur ses lauriers d’ailleurs. Il se penche d’ores et déjà sur les dossiers accumulés tout ce temps contre Sherry Singh. Ses richesses inexpliquées, parions-le, feront bientôt la Une de l’actualité. D’ailleurs, la réticence de Sherry Singh à expliquer son enrichissement soudain et la construction de son château à Au Bout du Monde, qui ne sont en aucun cas les fruits d’un héritage de sa lignée royale, est lourde de sens. Sherry is not King pour toutes ces raisons et bien plus encore. D’autant qu’il n’a pas dit tout ce qu’il sait ou tout ce qu’il a fait. Et qu’il n’a pas déballé tout ce qu’il a dans le ventre. Est-ce pour cette raison qu’il ne va pas à la police pour dénoncer Pravind Jugnauth ? Bref, ceux qui, au sein de l’opposition extra-parlementaire, veut accueillir le Maharajah avec les bras royalement ouverts sont prévenus.

Pauper Pravind

« Fair is foul and foul is fair ». Lady Macbeth doit en savoir quelque chose. Son époux, le Premier ministre, aussi. Pravind Jugnauth est tout. Sauf dupe. Le courant ne passait plus entre lui et Sherry Singh depuis plus d’un an déjà. Et Lakwizinn 2.0 avait déjà enclenché des manœuvres pour faire sauter le Maharajah du Telecom Tower. Et pour le tenir à l’écart de l’Hôtel du gouvernement. D’ailleurs, dans notre édito en date du 21 février 2021, nous écrivions ceci : « Dans les entrailles du pouvoir, plus précisément dans Lakwizinn, l’on s’active déjà à balancer celui qui était jadis connu comme le Top Chef. Frustré, ce dernier, apprenons-nous, préparerait sa riposte. Or, dans les deux cas, c’est le gouvernement de Pravind Jugnauth qui devrait accuser le coup ». Le coup pour le Premier ministre, il faut le dire, est brutal, sinon fatal, vu la gravité des allégations portées contre lui.

Que va faire Pravind Jugnauth maintenant ? Malgré tous les leviers du pouvoir dont il dispose, Sherry Singh l’a réduit à un « Pauper Pravind » en un tour de main. En le présentant comme un Premier ministre véreux et autocrate, capable de « go to any extent » pour s’agripper au pouvoir. Ce que nous avons d’ailleurs toujours maintenu. Et qui sont prouvés par les nombreuses mesures anti-démocratiques prises jusqu’ici. Pravind Jugnauth a compris qu’il ne pouvait pas prendre des mois avant de réagir cette fois-ci, comme il l’avait fait dans le cas d’Angus Road. Car il s’agit ici, non pas de biens personnels acquis de façon douteuse, mais de la sécurité et de l’intérêt national des Mauriciens. D’où sa réplique cinglante mais pas aussi convaincante, hier. « Si le croire dans sak mot ki li fine proféré, ki li alle la police ». Cette même police qu’il contrôle et qui se plie à ses ordres. Cette même police qui agira contre des opposants politiques mais pas contre des membres du gouvernement. Cette même police qui sortira bientôt, on peut en être sûr, des dossiers pour prouver toutes les allégations portées jusqu’ici contre Sherry Singh mais qui avaient été « kept under cover » parce que ce dernier était un nominé du gouvernement.

Pravind Jugnauth finira donc par révéler ce qui se tramait ou qui se trame toujours sous son leadership. Une balle qu’il se tirera dans les pieds, sachant qu’il n’a pas 36 solutions face aux allégations de « haute trahison » qui l’éclaboussent. Car Selon Singh, toutes les correspondances échangées entre citoyens, opposants, et peut-être même diplomates, pourront être interceptées par un ‘third party’ si jamais Pravind Jugnauth arrive à parvenir à ses fins. Avec le soutien complice d’un pays étranger, ami ou pas. Une tâche qui ne sera pas difficile à faire pour le Premier ministre s’il place un autre de ses pions à la tête de Mauritius Telecom. Ce qui enfoncera alors le clou dans le cercueil de notre démocratie. D’où l’urgence de botter Pravind Jugnauth hors du pouvoir. Et de l’enterrer politiquement. S’il faut descendre en masse dans la rue pour le faire, faisons-le. S’il faut alerter les instances internationales, alertons-les. Parce que notre pays a déjà trop souffert sous le joug de Jugnauth.