Sudesh Rughoobur : « J’élève ma voix quand il le faut et je continuerai à le faire ! »

Bien qu’il soit un élu du MSM, ce député de la circonscription no 6 n’hésite pas à dire haut et fort ce qu’il pense tout bas. Ce qui lui vaut bien quelques tracasseries, comme il l’avoue lui-même. Mais cela ne l’empêchera pas de jouer pleinement son rôle de backbencher. « Je ne reculerai pas ! » prévient Sudesh Rughoobur…

 Q : Sudesh Rughoobur, vous êtes l’un des éléments perturbateurs de la majorité. Cela ne vous met-il pas dans une position embarrassante au sein du MSM et du gouvernement ?

Je pense que le mot perturbateur est un peu trop fort. Je n’ai fait que jouer pleinementmon rôle de backbencher. Je ne crois pas qu’un backbencher soit là pour perturber la bonne marche des travaux de l’Assemblée nationale ou ceux du gouvernement. Mais cela dépend aussi de la compréhension de vos collègues du parti. La perception veut que certains d’entre eux ne m’ont pas compris et que nous avons eu pas mal de problèmes. C’est une perception. Je peux vous dire que durant ces quatre dernières années, j’ai eu une certaine liberté d’actions. Je suis donc satisfait de mon rôle de backbencher et pas de perturbateur.

 Q :Perception ou pas, le comportement de certains élus envers vous ne vous dérange-t-il pas ?

Me déranger, non. Tant que je fais mon travail dans l’intérêt du pays et de celui de mes mandants, rien ne me dérange. Cependant, en tant qu’être humain, je suis quelque fois sujet à des faiblesses. Et cela engendre le stress. Mais jusqu’à présent, j’ai eu l’énergie qu’il faut pour que je puisse surmonter ces difficultés, surtout quand vous prenez des positions qui vont des fois à l’encontre de celles du gouvernement.

 Q : Êtes-vous à l’aise au sein du gouvernement ?

Pour l’instant, oui.

Q : Pour l’instant, dites-vous ?

Pour l’instant, oui. Je peux vous dire que j’ai le soutien du Premier ministre. Je me sens très à l’aise avec Pravind comme leader. Si j’ai des difficultés ou des problèmes, je peux endiscuter avec lui et jusqu’ici, il m’a toujours compris. Je n’ai pas de doute qu’il continuera à me comprendre.

 Q :Toujours est-il que vous avez déjà songé à démissionner du gouvernement…

Oui et je ne l’ai pas caché. Comme je vous ai dit, je suis un humain avant tout et je suis sujet à des faiblesses. C’est vrai que j’ai songé à démissionner, mais je ne l’ai pas fait. Je suis un fighter. Et pas le seul. Il y a beaucoup d’autres parlementaires, du gouvernement ou de l’opposition, qui jouent leur rôle extrêmement bien au Parlement. Ils sont,eux aussi, des fighters. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur moi. Ce qui compte, pour moi, c’est l’intérêt du pays et de celui mes mandants.

 Q : Mais cela ne vous affecte-t-il pas quand vous êtes occulté dans votre propre circonscription par un Senior Advisor du PMO et par le conseil de district de Rivière de Rempart ?

Cela ne me dérange pas. J’ai déjà fait connaître ma position sur la question. Le plus important, c’est qu’en tant que député, ma conscience est claire. J’ai une responsabilité au niveau de ma circonscription. Si je reste tranquille quand je vois des choses qui ne sont pas correctes, cela voudra naturellement dire que je ne joue pas mon rôle comme il le faut. J’élève ma voix quand il le faut et je continuerai à le faire ! Je ne reculerai pas !

Q : Le fait d’élever votre voix a-t-il changé quoi que ce soit ?

Je peux vous dire que je ne m’attendais pas à ce que le changement se fasse du jour au lendemain. Mais je lutterai tant que le changement ne vienne pas.

 Q : Le conseil de district du nord est empêtré dans des affaires de corruption. En tant que député, avez-vous essayé de rechercher des explications auprès de ceux concernés ?

Il n’y a pas de fumée sans feu. À maintes reprises, des mandants sont venus me voir pour me dire que X, Y ou Z a réclamé Rs 100 000 à Rs 150 000 pour qu’ils puissent avoir leurs permis. Récemment, quelqu’un ayant un projet de construction à Calodynem’a confié qu’on lui a exigé Rs 600 000 pour qu’on puisse faire avancer son dossier au niveau du conseil de district. C’est inacceptable ! D’une part, il faut qu’il y ait une enquête approfondie etd’autre part, il faut prendre des actions concrètes pour venir à bout de ce problème.

Q : Si vous disposiez d’éléments susceptibles à faire avancer l’enquête, seriez-vous prêt à déposer devant l’ICAC ?

Absolument !D’ailleurs, j’ai demandé à ceux concernés de m’accompagner à l’ICAC pour dénoncer ces cas. S’ils avaient accepté, il y aurait déjà eu trois plaintes. Mais je peux comprendre ces personnes qui, par crainte ou par vulnérabilité, ne veulent pas le faire. D’après ce que j’ai entendu, je pense qu’il y a suffisamment d’éléments pour que la commission anti-corruption puisse démarrer une enquête.

À mon niveau, j’avais déjà demandé à la ministre des Administrations régionales d’amender la « Local GovernmentAct » concernant la composition du « Permits and Business Monitoring Committee » (PMBC) à l’Assemblée nationale. Actuellement, ce comité estcomposé majoritairement de conseillers.Si des techniciens donnent un avis contraire concernant l’octroi d’un permis, les élus peuvent passer au voter pour l’approuver. Raison pour laquelle je voulais qu’on amende la loi pour réviser la composition de ce comité. J’avais fait deux propositions : (i) que les techniciens y siègent majorité ou (ii) que le comité soit composé de quatre conseillers et de quatre techniciens et qu’il soit dirigé par un chairman indépendant. Je souhaite que la ministre les prenne en considération dans les plus brefs délais.

Q : Est-ce que vous en avez déjà discuté avec le Premier ministre ?

Je compte soulever la question avec lui très prochainement. J’évoqueraices cas de corruption, mais aussi la gestion du conseil de district de Rivière du Rempart. Cela est d’importance capitale, au vu de ce qui s’y passe actuellement.

Q :Le gouvernement entame la dernière année de son mandat. Etes-vous satisfait du travail qu’il a abattu jusqu’ici ?

Bien sûr. On a abattu un gros travail sur plusieurs plans, notamment au niveau des infrastructures. Dans ma circonscription par exemple, nous avons déjà réalisé 75% de nos projets prioritaires. Je suis d’ailleurs satisfait…

Q : … Ce qui ne vous a pas empêché de vous opposer à l’abattage des arbres à Anse la Raie pour un projet de bypass !

Je saisis l’occasion pour remercier le Premier ministre, aussi bien que les ministresBodha et Gungah. Ils ont compris que le développement doit se faire d’une façon durable. Suite aux discussions que nous avons entamées depuis quelques temp, le tracé a été révisé. Au lieu de 150 arbres, ce n’est qu’une dizaine qui sera finalement abattue. C’est un résultat très positif et nous sommes entièrement satisfaits.

 Q : Dans quel secteur le gouvernement a-t-il scoré plus de points, selon vous ?

D’abord, la démocratie parlementaire a été rétablie. C’est une très grande réalisation. Je pense aussi que les projets infrastructurels qu’on a démarrés ont contribué à la croissance et a quelque peu aidé à réduire le problème d’emploi. Cela a amené une certaine confiance parmi la population. Il y a, par ailleurs, un ‘feel good factor’ engendré par le nombre de développements qu’il y a eu à travers le pays. Le ‘purchasing power’ a aussi augmenté avec l’introduction du salaire minimal. Et puis, le gouvernement a également relevé un gros défi avec la concrétisation du ‘NineYearSchooling’. Tout n’est pas rose. Il y a certains problèmes, mais que je suis sûr qu’on pourra les surmonter.

Le plus grand challenge du gouvernement demeure cependant la création de richesse.Il y a aussi tout un débat sur les moyens de financer toutes ces dépenses.

Q : Parlons justement de ces défis. Comment le gouvernement s’acquittera-t-il de toutes ces dettes ?

C’est un grand défi. Dès le départ, j’avais dit qu’il nous faut faire très attention. Toutes ces dettes qu’on a contractées auprès de l’Inde et du SaudiFund, entre autres, il nous faut les rembourser. Il nous faut donc créer plus de richesses qui doit passer, selon moi, à travers la consolidation de nos secteurs traditionnels, fussent-ils les services financiers, l’informatique, leseafood, le tourisme ou l’agriculture.

Ceci dit, je crois que le Premier ministre est pleinement conscient de ce défi.Il est d’ailleurs entouré d’une équipe qui travaille sur un plan pour les dix prochaines années en vue d’apporter des résultats. Mais pour le réaliser, il faut que les personnes qui sont à la tête des institutions ‘perform’ comme il se doit. Je ne suis pas là pour évaluer les ministres. Je sais que le Premier ministre le fait extrêmement bien. Moije m’attends simplement à ce que les ministres assumentleurs responsabilités et qu’ils apportent des résultats. Sinon, c’est clair que nous allons ‘collapse’ en cours de route. Cela ne s’applique pas uniquement pour ce gouvernement, mais aussi à ceux qui viendront par la suite.

Q : Vous évoquez un plan pour les dix prochaines années alors qu’il n’en reste qu’une dernière du mandat de ce gouvernement…

Je n’ai qu’un seul souhait : que les grands enjeux soient ‘above party politics’. Il faut qu’il y ait une continuité dans ce que font les gouvernements successifs. Sinon, on n’avancera point. C’est important de ne pas mélanger la politique et l’avenir de notre pays.

Q : Pensez-vous que ce gouvernement reviendra au pouvoir aux prochaines élections ?

Je laisse ce choix à l’électorat. Il est suprême et je lui fais confiance. Il n’a pas fait d’erreur en 2014 en votant pour ce gouvernement. Mais nous devons poursuivre notre travail. Si nous perdons, c’est parce que l’électorat aura décidé que nous n’avons pas travaillé comme il le fallait. La décision finale lui appartiendra.

 Q : Dans deux jours, l’affaire Medpoint sera entendueau Privy Council. Que souhaitez-vous à votre leader ?

Je l’ai vu travailler et je peux dire qu’il a fait beaucoup d’efforts. J’ai beaucoup de respect pour le judiciaire et la séparation de pouvoir. C’est cela qui fait la force de notre démocratie. Je ne commenterai donc pas l’affaire. Je souhaite simplement que PravindJugnauthpuisse continuer son travail comme Premier ministre et qu’il puisse traduire sa vision qu’il a pour le pays en réalité et dans l’intérêt de tout le monde.