Takesh Luckho, économiste, constate une véritable rupture par rapport aux exercices budgétaires précédents. Selon lui, ce budget s’inscrit dans une logique de transformation structurelle, avec un modèle économique enfin cohérent, stratégique et orienté vers l’avenir. Pour la première fois depuis plusieurs années, le pays semble bénéficier d’une vision budgétaire à long terme.
« Les anciens budgets étaient décousus, sans vision, fondés sur la consommation et l’inflation. On annonçait des concepts comme l’économie bleue, verte ou argentée, mais sans suite ni stratégie cohérente », affirme Takesh Luckho. En contraste, « ce budget met en place un modèle de croissance structuré, avec des vecteurs clairs comme l’innovation, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. Ce sont ces secteurs qui mènent l’économie mondiale, et Maurice doit suivre cette trajectoire », explique-t-il. Il salue la cohérence d’ensemble : « Ce budget n’est que la première étape d’un plan étalé sur trois ans. Il s’inscrit dans une stratégie gouvernementale à long terme qui vise la cohérence et la continuité ».
L’économiste rappelle que le pays est sous pression de la part du FMI et de Moody’s : « Les chiffres étaient préoccupants, la dette réelle explosait. L’économie était sous surveillance internationale, il devenait urgent d’engager une consolidation fiscale ». Cependant, selon lui, le gouvernement a su faire preuve d’équilibre : « Il y a eu un vrai effort pour concilier rigueur budgétaire et protection sociale. Le Premier ministre a choisi de maintenir certaines allocations, pourtant appelées à disparaître, sur une base humanitaire ». Cette approche prouve que même sous contrainte, il est possible d’adopter une logique budgétaire responsable tout en tenant compte des difficultés sociales et économiques de la population.
Concernant la pension vieillesse, Takesh Luckho dénonce une anomalie persistante : « Il y a un déséquilibre quand une personne perçoit un salaire, la pension vieillesse et en plus tous les avantages liés au statut de senior citizen. C’est une incohérence qu’il faut corriger ». Il précise : « L’objectif n’est pas uniquement d’augmenter l’âge de la pension, mais de revoir entièrement le système. Un comité va être mis en place pour réformer la CSG et le NPF, afin de rendre le dispositif plus efficace et soutenable, au bénéfice de la population dans son ensemble ». Cette réforme, hautement sensible, sera introduite de manière progressive : « Ce changement ne se fera pas du jour au lendemain, il faut rassurer les citoyens : leur bien-être est une priorité pour le gouvernement », insiste-t-il.
Takesh Luckho estime que les travailleurs sortent gagnants de ce budget : « La réforme fiscale élargit le seuil d’imposition à Rs 500 000. Désormais, près de 80 % de la population active ne paiera pas d’income tax ». Il ajoute : « Les mesures pour le pouvoir d’achat sont concrètes : suppression de taxes sur les produits essentiels, création d’un fonds de stabilisation de Rs 2 milliards, nouveau rôle de la STC. Ce sont des leviers significatifs pour soulager le quotidien des familles ». Pour les PME, il insiste sur la modernisation comme condition de survie : « Plusieurs dispositifs existent pour accompagner les entreprises dans leur digitalisation, leur accès à l’exportation, et leur intégration dans l’économie de demain. C’est essentiel ».
L’économiste souligne la pertinence du virage vers les nouvelles technologies : « L’IA, la recherche, l’ICT, ce sont les nouveaux moteurs économiques. Maurice doit rattraper son retard. Des pays comme le Ghana ou le Botswana nous devancent déjà ». Il voit aussi dans l’économie bleue un axe de diversification stratégique pour l’avenir : « Nous avons ignoré ce secteur trop longtemps. Il est temps de le structurer, d’y investir, et d’en faire un pilier de croissance ».
En guise de conclusion, Takesh Luckho prévient : « Le principal défi sera de tenir les engagements sociaux tout en respectant nos obligations internationales. Il faudra réussir sur les deux fronts, sans compromis ». Pour lui, « ce budget est responsable, humain, et porteur d’une vision à long terme ». Un budget de réforme, oui, mais aussi un budget d’espoir et de redressement