Un budget sans aucune direction

Un budget qui reste dans l’ordinaire. C’est l’impression qui se dégage de l’exercice budgétaire présenté par le ministre des Finances Renganaden Padayachy, vendredi. Ceux qui s’attendaient à ce qu’il annonce des mesures exceptionnelles pour donner un nouveau souffle à notre économie grandement affectée par la mauvaise gestion et les effets de la pandémie Covid-19 ont été grandement déçus, d’autant qu’il n’a fait qu’énumérer un chapelet de mesures réchauffées…

« Un budget de continuité sans de big bang ». C’est ce qu’estime l’économiste Kevin Teeroovengadum. Lui, pourtant, espérait voir un vrai budget de rupture qui aurait réellement relancé l’économie et la repositionner sur le plan international. Mais il a été, comme tant d’autres, déçu par le grand oral de Renganaden Padayachy. Cet exercice, dit-il, a été ponctué de plusieurs projets répétitifs, annoncés ad nauseam depuis plusieurs années. « Ce budget n’a été qu’une continuité des mesures réchauffées annoncées depuis l’année dernière, ou même avant », exclame-t-il, en citant l’exemple des 12 000 maisons sociales ou encore de l’aménagement des drains. « L’année dernière, il avait prévu que la construction serait au cœur de la relance de l’économie. C’est ce qu’il continue de faire. La première fois que j’avais entendu parler du dam de Rivière-des-Anguilles remonte à dix ans de cela. Ce projet revient sur le tapis chaque un ou deux ans », se désole l’économiste.

Kevin Teeroovengadum se réjouit qu’il n’y ait pas eu d’augmentation de taxation directe, mais il regrette néanmoins que rien n’a été fait pour repositionner Maurice sur le plan fiscal en baissant la taxe. Évoquant les nouveaux secteurs énoncés par le ministre des Finances, notamment la « Green Energy Industry », l’économiste estime que c’est dans la bonne direction, bien qu’il déplore le fait que le gouvernement soit resté dans la demi-mesure. « Conformément avec le projet green energy, le charbon ne sera plus utilisé à partir de 2030. Il faut le lier à l’annonce que la bagasse sera maintenant rémunérée. Il ne faut pas oublier que la bagasse deviendra éventuellement le substitut du charbon. D’ailleurs, la rémunération de la bagasse était attendue depuis longtemps, d’autant qu’un rapport de la Banque Mondiale la préconisait également », souligne-t-il.

Notre interlocuteur regrette que « ena ene tendance vine avec bane demi-mesures ».  « Il aurait pu annoncer, par exemple, que d’ici 2030, Maurice deviendrait la première économie totalement circulaire dans l’hémisphère sud. Ce qui aurait repositionné le pays au niveau international par rapport à l’énergie verte. Cela aurait sans doute eu un effet sur le tourisme, le silver economy ou l’investissement étranger, entre autres. Or, le ministre est resté dans les généralités », poursuit Kevin Teeroovengadum, en ajoutant que « pena auken big bang ki repositionne Maurice ».

L’économiste va plus loin. « Le ministre parle de relance, reprise et résilience, mais à quelle vitesse la relance sera-t-elle faite ? Relance il y aura de toute façon parce qu’on est déjà à genoux. Mais qu’est-ce qui a été fait au niveau du branding pour partager une nouvelle vision ? Moi, je ne le vois pas. Comment parler de résilience quand, d’ici 2025, la dette publique sera encore supérieure à 80% ? », s’interroge-t-il. Ce qui fait qu’il reste sur sa faim. « L’impression que j’ai, c’est qu’il y a une déconnexion entre sa philosophie et les mesures annoncées. Voyons par exemple au niveau de la formation. Il veut former quelque 6000 personnes dans les nouvelles technologies et autres. Pourquoi s’arrêter à 6000 alors qu’il y a plusieurs personnes qui ont perdu leur emploi et que 25% des jeunes attendent toujours d’être embauchés ? Il aurait pu s’assurer que la majorité de ces jeunes soient intégrés dans ces nouveaux secteurs », renchérit Kevin Teeroovengadum.

L’économiste dit également retrouver la demi-mesure dans les mesures préconisées pour les services financiers, car, selon lui, le gouvernement aurait dû mettre plus de ressources financières pour effectuer, d’une part, le nettoyage qu’il faut dans ce secteur et d’autre part, restructurer les institutions comme la FSC et la FIU, et pour attirer l’investissement étranger. L’« Economic Development Board » (EDB) en prend également pour son grade. « Cet organisme est censé attirer l’investissement à Maurice, mais il semble qu’il sera appelé à tout faire, incluant la formation et les services consultatifs. Finalement, il devient « Jack of all trades, master of none », fustige-t-il.

Mesures phares

  • La pension universelle est maintenue à Rs 9000
  • A partir du 15 juillet 2021, Maurice sera ouvert à tous les voyageurs vaccinés
  • Le Wage Assistant Scheme et le ‘Self-Employed Assistant Scheme’ seront étendus jusqu’au septembre 2021 pour les entreprises du secteur touristique
  • L’allocation mensuelle pour les familles se trouvant sur le registre social augmentera de Rs 9 520 à Rs 10 500 dès le 1er juillet
  • La pension d’un orphelin passe à Rs 8 000 pour les moins de 23 ans.
  • Une allocation de Rs 4,5 milliards allouée pour l’extension du projet de Metro Express de Rose-Hill à Réduit via Ébène.
  • Les serviettes hygiéniques seront gratuites pour les filles de Grade 6 à Grade 13 tombant sous le SRM.
  • Un budget sera voté pour la mise sur pied du rapport PRB.
  • Remboursement allant jusqu’à Rs 500 000 pour l’acquisition d’un terrain ou d’une maison

Des mesures réchauffées

Le budget 2021-2022 énonce une série de mesures ayant déjà figuré dans les précédents exercices budgétaires. Quelques exemples :

  • Rs 12 milliards pour la construction de 12 000 logements sociaux
  • Rs 9,4 milliards pour la construction du barrage de Rivière des Anguilles et de sa station d’épuration qui était environ Rs 7.5 billion dans le dernier Budget
  • Rs 5 millions pour l’acquisition de véhicules spécialisés pour l’Anti-Drug Smuggling Unit
  • Rs 2,2 milliards seront allouées au National Environment Fund (NEF) et qui était Rs 2 milliards dans le dernier Budget
  • Un budget sera voté pour construire des infrastructures de drainage dans les zones à haute risque d’inondation à travers Maurice et Rodrigues
  • La construction d’un Forensic Science Laboratory à Rs 500 millions au lieu de Rs 100 millions comme annoncé dans le dernier Budget
  • Des travaux de landslide stabilization dans différentes régions du pays
  • Acquisition de 60 véhicules de la police. Le dernier Budget avait prévu Rs 50 millions sous cet item