Un plan d’ensemble préconisé

Gratuité des écoles pré-primaires

L’éducation pré-primaire connaîtra un changement de taille à partir de l’année scolaire 2024. En effet, des écoles préprimaires gratuites seront mises sur pied à l’intention de tous les enfants mauriciens. C’est ce qui ressort d’une annonce faite par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, lors de son discours à la Nation à l’occasion de la 55e célébration de l’Indépendance le 12 mars dernier, annonce qui suscite de multiples questions chez les parties prenantes de ce secteur.

Dharam Fokeer, ancien ministre et actuel manager du collège Eden, nous explique qu’a priori, c’est une « décision louable » qu’il faillait considérer avant même que le Premier ministre n’annonçât la gratuité des études universitaires. Reste à savoir comment compte faire le gouvernement, dit-il.

Dans certaines écoles pré-primaires privées, les parents doivent débourser la bagatelle d’environ Rs 12 000 par mois, incluant parfois le petit déjeuner ainsi qu’un goûter. Un service de garderie est aussi offert dans cette fourchette. Se pose alors la question : quelle formule compte alors adopter le gouvernement pour ses écoles préprimaires gratuites ? Compte-t-il offrir le goûter et le déjeuner aux enfants ? Prenant Rs 6 000 en moyenne comme coût par enfant, l’État pourra se retrouver avec un investissement de Rs 3 milliards pour le financement et l’implémentation de ce genre de projet, maintient Dharam Fokeer.

Au-delà de l’aspect financier, Dharam Fokeer avance aussi qu’il y a un problème majeur en ce qui concerne la formation des enseignants du pré-primaire. Par exemple, est-ce qu’ils ont bénéficié d’une formation adéquate, notamment de la formation dite de Piaget ? Il se demande ainsi combien d’enseignants du préscolaire sont suffisamment responsables pour pouvoir s’occuper de jeunes enfants. « Je le dis haut et fort : il y a actuellement une grande nécessité de formation pour les enseignants du préscolaire », assène-t-il.

En prenant le système éducatif dans son ensemble, Dharam Fokeer devait faire ressortir qu’il y a une disparité extraordinaire entre les écoles à travers le pays en ce qui concerne la qualité de l’éducation qui y est dispensée. Le niveau de l’éducation a considérablement baissé dans les écoles et les collèges, tandis que le comportement des enfants a aussi complètement changé ces derniers temps.

« Si le gouvernement décide d’aller de l’avant avec cette mesure, il doit y aller jusqu’au bout, pour que nous ayons des écoles pré-primaires dignes de ce nom, et doit veiller à ce qu’il y ait une certaine égalité pour tous les élèves dans toutes les écoles préprimaires », conclut-il.

Qualité de l’éducation : La crainte d’un nivellement par le bas

Anisah Auleear, directrice d’une école pré-primaire, dit aussi accueillir cette mesure, qui correspond, selon elle, « à la vision du Père de la Nation, Sir Seewoosagur Ramgoolam ». Elle nous indique toutefois que chaque école préprimaire dans le privé a sa propre pédagogie et méthodologie. Elle soutient que son école travaille différemment des autres écoles, en organisant beaucoup d’activités pour les enfants, tels que des cours de natation, des activités physiques et la danse. En outre, les écoles préprimaires privées n’hésitent pas à investir dans du matériel scolaire coûteux pour que les jeunes enfants puissent apprendre.

Elle craint ainsi que si l’éducation pré-primaire devient gratuite, il y aura possiblement une standardisation des écoles pré-primaires, une sorte de nivellement par le bas, à laquelle les écoles préprimaires plus avancées devront s’y plier. « Il faudrait éviter tout impact sur la qualité de l’éducation offerte aux élèves », maintient-elle. Qui plus est, avec cette politique de gratuité, il deviendra plus difficile pour les écoles préprimaires privées d’embaucher des puéricultrices.

Anisah Auleear espère ainsi qu’avec cette politique, le gouvernement laissera néanmoins les écoles pré-primaires privées opérer selon leur propre pédagogie, et qu’elles pourront offrir les mêmes facilités aux parents. Dans l’ensemble, la directrice nous explique que pour l’heure, elle attend toujours des informations plus précises concernant cette politique. « Le plus important est que les mesures prises sont dans l’intérêt supérieur des enfants », souligne-t-elle.