Un Premier ministre en ôtage

Vivons-nous dans une République bananière ? La démocratie, sous ce présent gouvernement, ne semble être qu’un vain mot. Ceux censés donner le bon exemple, particulièrement nos dirigeants, ne respectent plus les règles du jeu alors que le Premier ministre, lui, ne semble plus avoir la main haute sur sa troupe. Pire, il est quasiment devenu l’ôtage de ses propres élus. Certains d’entre eux se croient même tout permis. Ils font comme bon leur semble sans qu’ils ne soient inquiétés le moindrement possible. Avez-vu comment Vishnu Lutchmeenaraidoo a démissionné du gouvernement sur la pointe des pieds pour se réfugier dans sa cave ? Vous savez que le pays est voué à l’échec quand un élu du peuple ne décide, après une séance de méditation, de démissionner tout bonnement de l’Assemblée nationale sans qu’il ne donne la moindre explication qui soit. Son « enough is enough » résonne toujours dans nos oreilles. Mais on n’en saura pas plus de quoi il s’agit. Car presque deux mois après cette démission surprenante, Vishnu Lutchmeenaraidoo ne montre aucun signe de vouloir sortir de sa cave pour éclairer la lanterne de la population.

Ce qu’a fait l’ancien ministre des Affaires étrangères est sans doute condamnable pour avoir envoyé balader la population et l’électorat qui lui avait fait confiance. La façon dont Vishnu Lutchmeenaraidoo a envoyé Pravind Jugnauth au diable nous aurait fait rire si nous n’étions pas inquiets de son foupamalisme. Mais où est donc passée la notion de responsabilité morale ? L’Assemblée nationale est-elle réduite à une « laboutique sinois » où on entre et sort comme ça lui plait ? Et quand un Premier ministre n’arrive pas à faire respecter le décorum de ce qui est censé être le temple de la démocratie, mérite-t-il toujours sa place à l’hôtel du gouvernement ? La saga Raj Dayal ne fait qu’accentuer cette perception que Pravind Jugnauth ne tient plus les rênes de son gouvernement. Un élu de la majorité qui jure un affidavit contre un « Senior Minister », de surcroît l’ancien Premier ministre, alors que celui-ci n’a agi que dans l’intérêt du pays – et de son parti – et qui n’est pas sanctionné ? Avez-vous déjà vu ça ailleurs ? Non, parce que cela ne se passe qu’à Maurice.

Si on croyait à un moment donné que Pravind Jugnauth allait enfin se montrer ferme en bottant son ancien ministre de l’Environnement hors du parti, l’on a vite déchanté. Convoqué devant le bureau politique du MSM vendredi après-midi, Raj Dayal a présenté ses excuses, que le Premier ministre a acceptées, pour son absence au meeting du 1er mai. Mais il a néanmoins été réprimandé pour indiscipline grave. Hallucine-t-on ? Qu’en est-il de l’affidavit qu’il a juré contre le Mentor alors qu’il est toujours au gouvernement et qui n’est vraisemblablement être qu’un chantage pour récupérer son fauteuil ministériel à quelques mois de la dissolution automatique du Parlement ? N’est-ce pas plus grave qu’un simple acte d’indiscipline pour une absence à un meeting peu importe son envergure ? Et Dayal qui avait promis de parler en temps et lieu ? Son « cinéma sans payer » auquel on a eu droit ces dernières semaines s’est-il soldé par ses excuses vendredi ou aura-t-on droit à un autre épisode après le deuil qu’il dit observer pendant 40 jours ?

On ne le répètera pas assez. Si les élus de la majorité gouvernementale agissent de la sorte, c’est parce que le Premier ministre n’est pas assez ferme avec eux. Il donne l’image d’un chef vulnérable pris au piège par les caprices de ses propres lieutenants. Peut-être parce qu’il n’a pas la légitimité et l’étoffe qu’il lui faut pour avoir une mainmise sur sa troupe. Entretemps, c’est le pays qui souffre. Et c’est la démocratie qui en prend un rude coup.