Il dit être avocat. Sans doute l’est-il, qu’il ait exercé au barreau ou pas, puisqu’il a fait des études en droit en Angleterre et a prêté serment comme tel. Mais cela donne-t-il à Pravind Jugnauth le droit d’insulter une magistrate ou le DPP ? Un grand NON ! Au contraire, les études qu’il a faites, la profession qu’il a choisie et le poste premierministériel qu’il occupe auraient dû lui donner un certain degré de maturité, de sagesse et de bon sens pour qu’il sache au moins comment mesurer ses propos, surtout lorsqu’il est devant une audience, sélecte ou pas. Mais la retenue n’est décidément pas le fort de l’héritier de Sir Anerood Jugnauth. Ce dernier n’avait pas non plus sa langue dans sa poche, quitte à blesser et à insulter autrui. Mais le fils a fait pire. Il est le seul Premier ministre à s’être mis à dos la profession légale. Pas une fois. Pas deux non plus. Mais à trois reprises !
N’oublions pas ce funèbre vendredi 13 mai lorsque les membres du barreau avaient descendu dans la rue pour la toute première fois. Une manif qui avait pour but de dénoncer la violence physique et verbale de la police envers le président d’alors du Bar Council, Yatin Varma, dans l’affaire de déportation du Slovaque Peter Uricek. C’était la première motion de blâme contre Pravind Jugnauth, et ce pour deux raisons spécifiques. Primo, parce que la déportation avait été autorisée par son bureau, malgré un ordre de la cour. À ce propos d’ailleurs, le DPP avait intenté un procès contre le ‘Passport & Immigration Office’ (PIO) et l’Aviation civile, deux départements tombant sous la tutelle du PMO. Et secundo, parce que Pravind Jugnauth n’avait pas rappelé à l’ordre la police qui fait pourtant partie de son portfolio premierministériel.
La deuxième fois que Pravind Jugnauth a perdu l’estime de ses confrères du barreau c’est quand il a fait des attaques à peine voilées contre le DPP, allant jusqu’à faire référence à une « mafia » à la tête de certaines institutions. Il donnait ainsi voix à sa désapprobation à l’effet que le bureau du DPP n’ait pas objecté à la remise en liberté provisoire de Bruneau Laurette. En ce faisant, l’autocrate qu’il est a occulté – volontairement – le fait que Maurice est un État de droit. Effarant de la part de l’avocat qu’il dit être ! On doit, dans cette même logique, se demander si la démarche du Commissaire de police de prendre à contre-pied le DPP ne résulte pas d’une manœuvre obscure. D’autant que le choix des hommes de loi, en l’occurrence Shamila Sonah-Ori et Ravi Yerrigadoo, retenus par le CP, laisse songeur, s’il ne met pas simplement tout en évidence.
La troisième condamnation de la profession légale, cette fois-ci plus directe et de façon unanime, contre le Premier ministre fait suite aux récents propos qui lui sont attribués (et confirmés par des personnes présentes à la réunion à Surinam) sur le « jugement bancal » de la magistrate Jade Ngan Chai King et le comportement du DPP. En fait, l’ignominie de Pravind Jugnauth n’étonne même plus, bien que ses propos soient délictueux et qu’ils fassent royalement fi du principe de séparation des pouvoirs. Il nous en a maintenant habitués. Trop même. On dirait presque un récidiviste, la différence étant qu’il n’a pas été sanctionné jusqu’ici. C’est pour cela qu’il est d’importance capitale d’y mettre un frein. Car il n’est pas au-dessus de la loi. L’Histoire nous a montré comment un ancien ministre de la Sécurité sociale, en la personne de Lutchmeeparsad Badry, avait été condamné à six semaines de prison pour outrage à magistrature. Avant lui, d’autres députés l’avaient été eux aussi. Pourquoi pas Pravind Jugnauth ?
La cheffe-juge, Rehana Mungly-Gulbul, et le Président de la République, Prithviraj Roopun, en tant que garant de la Constitution, ont le devoir d’agir. Mais le feront-ils ? That’s the million-dollar question… Dans certains cas, les connexions politiques sont bien plus tenaces que les lois suprêmes du pays.