Du jamais-vu dans la fonction publique. Le ‘UN Public Service Day’ sera célébré en grande pompe au SVICC à Pailles aujourd’hui, dimanche 26 juin 2024. D’ailleurs, c’est la première fois qu’il sera de cette envergure. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth sera présent. Selon certaines indications, il y fera une annonce importante liée probablement au réajustement salarial qui se fait attendre depuis plusieurs mois, dans une tentative de faire les yeux doux aux fonctionnaires. Sauf que la façon dont le service civil s’y est pris pour inviter ces derniers est vivement condamnée. Car elle serait perçue comme une convocation forcée.

Un fonctionnaire témoigne : « Un supérieur nous a dit qu’il a eu des directives provenant du ministre Ramdhany à l’effet que nous devrions être présents au SVICC dimanche. Nou fine mem tendé ki pou prend sanctions contre nou et kapave mem suspane nou si nou pas allé », confie-t-il. Un MSO nouvellement recruté ajoute, pour sa part, qu’il se sent intimidé dans ses nouvelles fonctions. « Nou senti nou à risque parski nou appointment letter sorti depi ministère Fonction publique. Après c’est le même ministère ki pou confirme nou. Donc, nou pe senti nou obligé abide et rempli form tention zot pas confirme nou après », avoue-t-il.
D’ailleurs, dans un formulaire envoyé aux fonctionnaires pour inscrire leurs noms au cas où ils y participeront, il est clairement écrit que « kindly note that in case your officers are not attending/ participating in the United Nations Public Service Day 2024 event, the Head of Department/ Section should imperatively attend ».
Intrusion de la politique dans le service civil
Narendranath Gopee, négociateur de la FCSOU, confirme que des fonctionnaires auraient reçu des menaces et subi du harcèlement pour confirmer leur présence à l’événement de dimanche. « Je trouve aberrant que des fonctionnaires soient invités, mais après on leur demande de soumettre leurs noms à travers un formulaire, y compris par voie électronique. Mo tane dire pou vérifier attendance là-bas. En d’autres mots, il se pourrait qu’il y ait des sanctions contre ceux qui ne s’y rendent pas », dénonce-t-il, en soutenant que de nombreux employés du service civil ayant des engagements familiaux et sociaux devront tout mettre de côté afin de pouvoir se rendre au SVICC.
Le syndicaliste pointe du doigt Anjiv Ramdhany, ministre de la Fonction publique. « Je déplore la façon dont le service public opère. Pe met pressions pou alle dans fête volontaire. Je condamne l’attitude du SPS du Service civil qui aide à l’intrusion de la politique dans les affaires des ministères et des départements publics », conclut Narendranath Gopee.
Peur des représailles
Radakrishna Sadien, président de la ‘Government Services Employees Association’ (GSEA), trouve la circulaire injustifiable. Bien qu’il se dise d’accord pour qu’il y ait une célébration pour marquer cette occasion, il estime néanmoins que la façon de faire n’est pas appropriée. « Si c’était un jour de semaine, il n’y aurait pas eu de problème si on demandait qui allait venir ou pas puisqu’il aurait fallu s’organiser afin de ne pas pénaliser les différents services. Mais il s’agit dans ce cas-ci d’un dimanche. Pourquoi alors leur demander de donner leurs noms ? Normalement ti bizin invite bane seki envi vini, vini. Mais pas dire donne noms pou kumsa fini koné ki sanla pas pe vini. Évidemment zot pou per parski zot pas pou oulé ki demain ena bane représailles sous différentes formes contre zot », estime le syndicaliste.
Il cite aussi le cas des nouvelles recrues de la fonction publique. « Il est normal qu’ils aient peur de ne pas être confirmés au cas où ils n’y vont pas », affirme Radakrishna Sadien. « Les employés doivent en principe y aller de bonne foi. Mais à quoi cela sert-il s’ils y vont par force ? Il se peut qu’il y ait un certain nombre de personnes qui y soient présents, mais ce serait contre leur gré. D’autant que c’est dimanche et que chacun a ses occupations personnelles », martèle-t-il.
Réajustement salarial : long overdue
Quant à la question de réajustement salarial, Radakrishna Sadien est d’avis qu’il est long overdue. Ce qui suscite un mécontentement généralisé, que ce soit dans le service public ou privé, dit-il. Il rappelle que le dernier rapport du PRB remonte à 2021 alors que le salaire minimum a été revu à au moins deux reprises depuis 2022, notamment à Rs 11 075 en 2022 et à Rs 15 000 en janvier 2024. De plus, le revenu minimum garanti a aussi augmenté, passant de Rs 17 000 à Rs 20 000 actuellement. Mais les autres salaires pour les employés du public et du privé sont restés les mêmes, en l’absence d’une politique de relativité salariale et en attendant les prochains rapports du PRB et du NRB.

Le syndicaliste souligne que le ‘National Consultative Wage Council’ a déjà soumis un rapport sur la relativité salariale au ministre de la Fonction publique, Anjiv Ramdhany, depuis mars 2024. Mais jusqu’ici, les employés du public et du privé sont restés sur leur faim, aucune annonce ou mesure en ce sens n’ayant encore été faite. « Zordi ene kiken sans qualification ki pe rentre travail pe gagne Rs 20 000. Ene kiken ki déjà pe travail, avec so l’expérience et so qualification pe osi gagne Rs 20 000. Et ene jeune gradué qualifié ki rentre travail li osi li gagne Rs 20 000 », lâche Radakrishna Sadien. Et d’ajouter : « Selon le rapport du PRB, il y a actuellement beaucoup d’emplois qui sont rémunérés en-dessous du revenu minimum garanti de Rs 20 000 ». Ce qui provoque, selon lui, une frustration grandissante et contribue à l’exode de nos jeunes professionnels.
Tentative de soudoiement ?
Après les pressions, intimidations et menaces exercées sur les fonctionnaires, il semble qu’une tentative de les soudoyer était également en cours, hier. On évoquait ainsi la distribution de ‘goodie packs’, incluant des cadeaux surprises, ainsi qu’un jour off pour tous ceux qui répondraient présents à l’événement.