[VIDÉO] Drogue synthétique : Plus de six morts entre le 1er et le 15 janvier, selon Ally Lazer

La semaine écoulée, un adolescent de 16 ans a connu une fin atroce après avoir consommé de la drogue synthétique. Il avait été admis à l’unité des soins intensifs de l’hôpital Victoria depuis le 1er février, mais devait mourir d’une nécrose du cerveau, selon le rapport d’autopsie. Or, combien de jeunes meurent-ils de la drogue synthétique ? Nous faisons le point sur la situation avec le travailleur social Ally Lazer, qui milite depuis plus de 40 ans contre le fléau de la drogue.

« La situation est extrêmement grave », constate d’emblée Ally Lazer. Il a déjà tiré la sonnette d’alarme sur le fait qu’entre le 1er et le 15 janvier 2020, six jeunes de moins de 25 ans ont trouvé la mort avec de la drogue synthétique. Le plus jeune est âgé de 16 ans, dont nous avons fait mention plus haut. « Je me suis époumoné à dénoncer cette situation. J’ai crié dans les oreilles de ceux qui prétendent être sourds. Or, aucune réaction à ce jour ! », lâche-t-il. Il nous confie qu’il a « une peur terrible pour notre société, notre jeunesse et le pays en entier, avec l’ampleur que prend le trafic de drogue. »

Il explique que Maurice ne fait pas de test toxicologique pour déterminer la cause de la mort et ainsi, après une mort par overdose, la cause du décès est notée dans les rapports comme un œdème pulmonaire, ce qui dissimule bien des morts dus à la drogue synthétique.

Le rapport Lam Shang Leen relégué aux oubliettes ?

Commentant le rapport Lam Shang Leen, il confie qu’il a un sentiment de révolte. Il avait déposé devant cette commission d’enquête présidée par Lam Shang Leen. Il avait fourni le nom de 136 marchands de la mort à la commission, or rien n’a été fait.

« La commission a siégé pendant trois ans. Elle nous a coûté plusieurs millions de roupies, provenant des fonds publics, et quand finalement le rapport est rendu public, il y a eu un comité interministériel, et puis quoi encore ? », se demande le travailleur social avec un sentiment de lassitude. « Rappelez-vous, un ministre avait noté que les drogues ne font pas de mort ! », poursuit-il.

Ally Lazer avait déposé une deuxième fois, cette fois-ci devant la ‘Task Force’ mise sur pied pour implémenter le rapport Lam Shang Leen. Or, ses contacts juridiques lui ont confirmé que cela n’aboutira à rien. « En attendant, les jeunes ‘pe grainer kuma jambalac’, et la drogue se vend 24/7 à travers toute l’île », déplore-il.

Il n’a plus confiance dans les autorités, nous fait-il comprendre. Ally Lazer fait ressortir que le plus grand obstacle dans le combat contre le trafic de drogue demeure la corruption. « J’’affirme cela depuis 40 ans, et ce n’est maintenant que le Premier ministre vient dire qu’il y a une infiltration des complices des marchands de la mort dans les institutions », explique Ally Lazer.

Aucun endroit à Maurice n’est à l’abri du fléau de drogue

D’après lui, l’introduction de l’heroïne à Maurice vers la fin des années 70 et le début des années 80 visait des quartiers spécifiques, dont les faubourgs de Port-Louis. Maintenant, aucun endroit n’est à l’abri du fléau de drogue. « La drogue provient de Madagascar, de la Réunion et d’autres pays d’Afrique », avance-t-il, en ajoutant que Maurice « n’a jamais connu de pénurie de drogue. À l’occasion de la Journée mondiale contre le trafic de la drogue célébré  le 26 juin, Maurice devrait recevoir une médaille d’or pour la consommation d’heroïne », lâche-t-il, ironique. « Comment explique-t-on que 95 kg de cocaïne entre à Maurice dans le même bateau que le Metro Express, en contournant le contrôle douanier ? », se demande le travailleur social.

Il demande aux parents de bien communiquer avec leurs enfants. Récemment, il a parlé avec des élèves de l’université de Maurice. Il leur a demandé à quels problèmes ils faisaient face, et 24 sur 25 élèves ont fait état du manque de communication avec leurs parents. Un autre problème est la ‘peer pressure’ des amis, à laquelle les jeunes doivent faire face.

Le travailleur social préconise des campagnes de prévention nationales permanentes, qui commenceraient dès l’école primaire, tout en se poursuivant durant le cycle secondaire, voire tertiaire. « Il faudrait que la prévention contre la drogue soit intégrée au cursus scolaire », maintient-t-il. Pour étayer ses dires, il mentionne deux écoles primaires dans les faubourgs de Port-Louis, où des élèves de Grade 5 ou 6 de ont été retrouvés avec des doses de drogue. Ally Lazer a été appelé à leur parler. « Il suffit qu’il y ait une volonté réelle de la part du ministère de l’Education. Le danger est omniprésent 24 heures sur 24. Il faut faire quelque chose avant que la situation ne s’aggrave », conclut-il.