[Vidéo] Roshi Bhadain :« Que Pravind Jugnauth step down comme PM avant d’aller au Privy Council ! »

Il était présenté par la défunte Alliance Lepep comme l’un des éléments les plus prometteurs lors de la dernière campagne électorale. Il a d’ailleurs été à l’avant-plan du gouvernement pendant les deux ans qu’il y était. Pourtant, depuis sa démission en janvier 2017, Roshi Bhadain est devenu le plus farouche opposant de Pravind Jugnauth et de son « gouvernement parallèle » qu’il a lui-même baptisé comme « lakuizinn ». Dans l’entretien qui suit, il dresse un bilan peu flatteur de l’équipe dirigeante, tout en se félicitant de ses propres réalisations alors qu’il était ministre. Il revient aussi sur l’affaire BAI et le projet de réforme électorale. Il tâcle aussi le Premier ministre dans l’affaire Medpoint…

 Zahirah RADHA

 Q : Quatre ans déjà depuis que le MSM-ML est au pouvoir. Vous aviez fait partie de cette équipe qui voulait initialement apporter un nouveau souffle dans le pays. Comment jugez-vous la performance du gouvernement alors qu’il entame sa dernière année au pouvoir ? 

La défunte Alliance Lepep avait deux priorités : d’abord nettoyer le pays et puis créer un deuxième miracle économique. Or, il est clair qu’elles n’ont pas été réalisées. Personnellement, j’ai travaillé très dur durant les deux ans et j’ai un bilan comprenant une soixantaine de réalisations, dont l’introduction du « unexplained wealth ». L’Alliance Lepep a éclaté en décembre 2016 quand le PMSD a quitté le gouvernement sur fond du « Prosecution Commission Bill ». Et en janvier 2017, j’ai choisi de ne pas être partie prenant du deal « papa-piti ». J’ai préféré claquer la porte et ne pas faire partie d’un système mafieux.

Lakwizinn opère un gouvernement parallèle et Pravind Jugnauth n’est qu’un « poupette doukia ». Au lieu du nettoyage promis, on a eu droit à une série de scandales, de passe-droits et du copinage. Le dernier scandale en date, à ce qu’il paraît, concernerait la turbine à gaz. Les institutions, fussent-elles le PMO, l’EDB (Economic Development Board), l’EBC (Electoral Boundaries Commission) ou Air Mauritius, sont dirigées par des membres de lakwizinn. Si bien que les ministres et députés, qui ont été élus démocratiquement par le peuple, sont relégués au second plan. D’ailleurs, lakwizinn a fait de sorte à ce Pravind Jugnauth devienne Premier ministre sur le dos de ce que le peuple avait voté.

 Q : En parlant de gouvernement parallèle, on disait la même chose de vous quand vous étiez au gouvernement…

Si un jour, je deviens Premier ministre, je ferais ce que je devrais en fonction de ma vision. Mais quand vous siégez dans un cabinet ministériel, vous devez suivre les instructions du PM et exécuter les décisions du conseil des ministres. J’ai toujours assumé les responsabilités qu’on m’avait confiées et je répondais au Premier ministre du jour. Mais par la suite, on a fait pressions sur lui pour qu’il parte et il a cédé. Aujourd’hui, il trouve que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Q : Contrairement à vous, bien entendu ! Mais où est-ce que le gouvernement a le plus échoué ?

Vous n’avez qu’à vous référer à son manifeste électoral. Il fait exactement le contraire de ce qu’il avait promis. Prenons le « Best Loser System » (BLS) par exemple. L’Alliance Lepep avait pris l’engagement de ne pas l’éliminer. Mais un projet de loi a été amené au Parlement pour justement l’abolir. Idem pour le Metro. Prenons le volet économique, en quatre ans, la dette publique est passée de Rs 225 milliards à Rs 325 milliards. Les exportations ont diminué drastiquement alors que les importations ne cessent d’augmenter. De l’autre côté, les revenus n’augmentent pas alors que les dépenses augmentent drastiquement. C’est une faillite totale du « public finance management ».

Malgré toutes les mesures que j’ai prises en ce qu’il s’agit des services financiers, qui est d’ailleurs un secteur porteur, aucun suivi n’a été fait. Les autres secteurs, que ce soit l’ICT, le manufacturier, la pêche, le tourisme, l’océanographie, ne fait que stagner. Si ces secteurs ne se développent pas, il n’y aura pas de création d’emplois et les revenus du pays vont stagner. Il n’y aura donc pas d’effet multiplicateur sur l’économie. Pire, on contracte des dettes pour améliorer les infrastructures. Celles-ci ne génèrent pas de revenus, mais ces dettes devront être payées avec des intérêts par la génération future. Ajouté à cela, on veut maintenant qu’il y ait plus de députés à l’Assemblée nationale. À ce rythme, le pays se dirige droit vers la banqueroute.

Q : Regrettez-vous d’avoir aidé à vendre à la population le projet de l’Alliance Lepep en 2014 qui n’est pas près de se matérialiser ?

Non, mo pane vane rêve moi ! J’ai sacrifié ma carrière afin de servir mon pays. J’ai bossé très dur au sein du gouvernement. Maurice a fait une avancée extraordinaire avec l’amendement constitutionnel sur la loi de « unexplained wealth ». Ce n’est que deux ans après que l’Angleterre nous a emboîté le pas. J’avais consulté le Bar Council et j’ai fait plusieurs consultations avant que le projet d’amendement constitutionnel ne soit présenté et voté au Parlement. Contrairement à l’amendement constitutionnel sur la réforme électorale la semaine dernière.

Je dois avouer que je suis très satisfait de l’expérience que j’ai eue et j’ai beaucoup appris. Cela a été un vrai « learning curve » pour moi. J’ai aussi suivi ma conscience quand j’ai réalisé que je ne pourrais pas prêter serment comme ministre dans le cabinet ministériel de Pravind Jugnauth dicté par lakuizinn. De l’autre côté en tant que leader du Reform Party, j’ai eu la chance d’être plus présent sur le terrain et de travailler aux côtés de la nouvelle génération.

Vous avez souvent critiqué la commission Britam, accusant un des assesseurs d’être juge et partie, pensez-vous qu’elle aurait dû donner à Dawood Rawat la chance de s’exprimer dans le sillage de cette affaire, comme il l’avait souhaité ?

Il faut d’abord que je vous dise que si j’étais toujours ministre au sein du gouvernement, il n’y aurait jamais eu de commission d’enquête sur Britam. Celle-ci n’est en fait qu’un show visant à dévier l’attention du public. Mais ils ont vite déchanté quand ils ont réalisé que c’était le ministère des Finances qui avait négocié avec son homologue kenyan. Sans oublier que Dev Manraj a avoué qu’il n’y avait qu’une seule offre.

Ceci dit, je pense qu’une commission d’enquête se doit d’écouter toutes les parties qui veulent donner leurs versions des faits. Si Dawood Rawat voulait verser de nouveaux éléments devant la commission, celle-ci aurait dû l’écouter. Comment le faire puisqu’il n’est pas à Maurice ? C’est à la commission de décider des paramètres. Et si quelqu’un va au-delà de ses « terms of reference », elle peut toujours le ramener « within them ». Mais il ne faut pas oublier qu’un cuisinier siège au sein de cette commission.

J’ai d’ailleurs écrit au Premier ministre et au Président de la République pour leur dire qu’il fallait plutôt instituer une commission d’enquête sur toute l’affaire BAI. À commencer par l’éclatement de la BAI. Et ce après que Vishnu Lutchmeenaraidoo ait révoqué la licence de la Bramer Bank. La BAI détenait 75 % des actions de cette banque. Dès la révocation de la licence de cette banque, la BAI a perdu Rs 3 milliards, d’où la nécessité légale de la FSC de nommer des « conservators » et ensuite d’un « special administrator ». Je n’étais même pas au courant de la décision de Lutchmeenaraidoo. Ce n’est qu’au conseil des ministres le lendemain que j’ai réalisé l’étendue de cette décision.

« I stand by what I said » concernant la BAI. D’ailleurs les auditeurs de Dawood Rawat ont dit la même chose. C’est là où se situe notre différence de vue. Mais je ne suis pas d’accord avec la façon dont Vishnu Lutchmeenaraidoo a agi. Il a occasionné une crise et c’est à moi qu’est revenue la tâche de travailler en vue de la désamorcer et de trouver des solutions.

Avec recul, pensez-vous avoir agi en votre âme et conscience ou avez-vous été, en quelque sorte, le dindon de la farce ?

Vous n’avez qu’à demander à ceux qui sont venus me voir pour savoir qui a vraiment travaillé pour régler les problèmes. Savez-vous comment les « policy holders » ont pu avoir leur argent ? J’ai dû amender l’« Insurance Amendment Act » afin que les détenteurs des polices d’assurances puissent être remboursés en premier. Ce qui avait même rendu les banquiers furax. C’est grâce à moi qu’ils ont été payés.

J’ai rencontré les victimes, aussi bien que travailler avec les syndicalistes. Est-ce qu’il y avait de grève quand j’étais ministre ? Non. D’ailleurs, n’avait-on pas déjà promis que les « policy holders » allaient obtenir 20% de la somme assurée sur une période de 5 ans ? Pourquoi Pravind Jugnauth est-il revenu sur cette décision en juin 2017.

Il faut aussi se demander pourquoi les « policy holders » ont retenu mes services en tant qu’avocat ? Maintenant même Dawood Rawat est venu dire que je n’étais pas « the real boss ». Pourquoi persiste-t-on de m’accuser quand les détenteurs des polices d’assurances et le propriétaire de BAI lui-même soutiennent le contraire ?

 Q : Cet aveu de Dawood Rawat vous réconforte-t-il ?

Il dit ce qu’il pense vraiment. Je n’ai jamais eu de motif pour nuire ou détruire la BAI. Je dois préciser que la licence de la BAI n’a jamais été révoquée. C’est celle de la Bramer Bank qui avait été révoquée et qui a entraîné la chute de la BAI le lendemain. Et cette décision avait été prise par Vishnu Lutchmeenaraidoo et le gouverneur de la Banque de Maurice. Il faut demander à Lutchmeenaraidoo quel problème il avait avec Dawood Rawat.

Q : Changeons de registre. Comment qualifierez-vous la réforme électorale préconisée par Pravind Jugnauth ?

Je trouve très drôle la façon de Pravind Jugnauth de procéder. Il sait pertinemment bien qu’il n’a que 45 députés et qu’il lui fallait pêcher 7 votes dans le bassin de l’opposition pour avoir les trois-quarts requis. Mais quand j’ai vu les débats parlementaires, je ne pense pas que le gouvernement avait la volonté de venir avec une réforme. Pravind Jugnauth a simplement voulu présenter un projet de loi pour la galerie. Il n’a fait aucun effort pour l’expliquer et pour rechercher de soutien. Mais il a choisi d’agir avec arrogance car c’était à lui d’aller vers les autres.

Cependant, si cette loi avait été votée, il y aurait eu beaucoup de contestations juridiques. Un leader politique ne peut pas choisir qui sera député ou non. Ou kapave prend ou lakuizinn mem ou mette là-bas ! Pire, un leader peut repêcher quelqu’un qui a été rejeté par l’électorat. Qu’en est-il de la démocratie alors ?  Attardons-nous sur le BLS. Comment cette formule sera-t-elle « subsume » si c’est le leader qui choisit. En ce qu’il s’agit de la loi régissant le BLS, il est précisé qu’il faut une « fair and adequate representation ». Mais cela n’est mentionné nulle part dans le projet de loi de Pravind Jugnauth. Et puis, en tant que leader du Reform Party, je ne vois absolument pas pourquoi il faut encore plus de députés. D’autant que certains n’auront pas de circonscriptions ou de mandants. Ce sera un système bancal !

Q : Le renvoi de l’exercice du vote n’ouvrira-t-il pas la porte à d’autres « koz kozé » pour que ce système « bancal », comme vous le dites, puisse être voté ?

Le renvoi du vote démontre le manque de courage de Pravind Jugnauth. Li amène la loi dans Parlement après li sauvé, pas voté ! Il garde la porte ouverte en même temps pour d’autres « koz kozé » avec le MMM. Un gouvernement fort ne supplie pas ainsi.

Q : Qu’auriez-vous fait à sa place ?

En ce qui concerne la réforme électorale, la solution idéale pour le Reform Party, c’est que deux députés par circonscription soient élus par First Past The Post (FPTP) et un par proportionnelle, tout en s’assurant qu’il y ait une « fair and adequate representation ». Le nombre de députés serait ainsi resté le même. Pourquoi l’augmenter quand vous avez déjà des députés inefficients qui engloutissent des millions de roupies annuellement.

Q : Le début de l’année prochaine s’annonce cruciale pour Pravind Jugnauth avec l’affaire Medpoint …

… Qu’il soit jugé coupable ou non-coupable, il aurait dû avoir la décence de « step down ». Il ne faut pas qu’il traîne le pays devant une cour britannique. Pour la première fois dans l’histoire, un Premier ministre sera jugé pour une affaire de corruption sur un territoire étranger. C’est le poste de Premier ministre qui sera entaché ! D’ailleurs, que se passera-t-il s’il est jugé coupable par les juges Britanniques ?