Waqf : gardons-nous de trahir la volonté du waqif

Laisser des terrains légués sous le waqf à l’abandon est une trahison envers le concept du waqf, et envers le waqif (donateur). Tels sont les propos du Dr Hisham Dafterdar, praticien australien du waqf, membre du conseil consultatif de l’International Institute of Islamic Waqf, qui présidait le American Waqf Seminar la semaine dernière. Ces propos qui peuvent choquer doivent nous inciter, ainsi que les Mutawallis qui ont des terrains waqf  sous leur responsabilité, à réfléchir sur notre responsabilité  à tous de l’état d’abandon de nombreux terrains waqf à Maurice.

La crise alimentaire mondiale qui s’annonce force de nombreux pays  à explorer de nouvelles stratégies pour satisfaire leur demande en alimentation. Face aux menaces à l’environnement, menaces accentuées dans les îles, ces nouvelles stratégies devront être en ligne avec les principes du développement et de la consommation durables.  La sécurité alimentaire est ainsi devenue le point de mire des observateurs économiques et politiques. C’est dans cette optique qu’une utilisation optimale des terrains agricoles waqf devait être considérée.

D’autre part, il faut reconnaitre aussi l’état d’abandon chronique de nombreux bâtiments et autres emplacements commerciaux légués sous le waqf. 

Il faut savoir que cet état des choses est la conséquence de nombreux facteurs, dont le principal demeure le manque de compréhension, au sein de la communauté, du concept même du waqf. Parmi les autres facteurs, on peut relever le manque de connaissance, chez certains Mutawallis, des principes de base de l’investissement et du management, le manque cruel de moyens financiers, ainsi que la léthargie ou l’indifférence des Musulmans sur le waqf.

L’impossibilité de recourir à des emprunts bancaires, sous garantie hypothécaire, contribue à la problématique du financement des projets sur des terrains waqf. La raison principale est la crainte de la perte de la propriété ainsi hypothéquée, conséquence de l’incapacité de remboursement de la dette. 

Il est important de rappeler que le concept du waqf est un des piliers de l’économie islamique, qui peut, comme le reconnait la Banque Mondiale, contribuer, en cette période de crise économique majeure, à l’économie d’un pays, à l’allègement de la pauvreté et à l’élimination des inégalités sociales. L’Organisation des Nations Unies reconnait, pour sa part, que le waqf peut contribuer  à un pays d’atteindre deux des objectifs du développement pour le millénaire, soit l’allégement de la pauvreté et l’élimination de l’inégalité entre nations.

A travers l’histoire, les initiatives fondées sur le principe de la charité en vue d’acquérir le ‘Sawab e Jariah’, (la récompense éternelle), a contribué à l’allègement de la pauvreté, la création d’emploi, le renforcement des capacités, par conséquent au développement socio-économique de nombreux pays.

En plus de permettre à l’initiateur d’un projet waqf de bénéficier du ‘Sawab e Jariyah’, le waqf est aussi défini comme l’investissement d’un bien, d’une propriété ou de l’argent, dans le but de l’utilisation des revenus ainsi générés à des projets philanthropiques, l’allègement de la pauvreté ou le renforcement des capacités. Il existe, en d’autres pays, d’autres exemples où un projet waqf  contribue au développement économique du pays.

Pour revenir aux terrains agricoles laissés à l’abandon, il est temps que les membres des congrégations respectives se rallient derrière leurs Mutawallis en vue de dégager des stratégies pour développer ces terrains et ainsi permettre à la communauté de contribuer à la sécurité alimentaire du pays et la création d’emplois.

C’est là que les initiatives telles que le cash waqf ou encore le crowdfunding peuvent apporter une nouvelle impulsion au waqf, et, en même temps, au développement de projets agricoles durables.

Dans un autre ordre d’idées, le développement immobilier devait être une des priorités de la communauté par rapport aux emplacements et autres bâtiments commerciaux laissés à l’abandon ou en ruines. 

À cette fin, la Banque Islamique du Développement est parvenue à redynamiser le concept des awqaf (dotations caritatives islamiques), profondément ancré dans l’histoire des pays membres, en vue d’élargir le champ d’action des partenaires locaux de développement. Pour ce faire, elle a créé un fonds d’investissement à impact innovant qui s’appuie sur un modèle de développement unique et vise avant tout la viabilité financière des organismes financés : le Fonds d’investissement des biens awqaf (FIBA).

Le modèle du FIBA a pour but de privilégier les solutions intergénérationnelles à long terme plutôt que les palliatifs à court terme pour résoudre les problèmes majeurs liés au développement.

De plus, dans d’autres pays, tels que la Malaisie, l’industrie de la construction est appelée à jouer un rôle important dans la construction de logements sociaux sur des terrains dédiés au waqf.

L’inclusion financière par le waqf devrait être une des priorités de la communauté musulmane. Il s’agit aussi de conscientiser les leaders d’opinion et autres responsables de mosquées sur la possibilité pour les Musulmans d’apporter leur contribution  à la sécurité alimentaire du pays.

L’inclusion financière passe aussi par l’engagement des promoteurs immobiliers à investir sur des terrains dédiés au waqf en vue de développer des projets de logement ou commerciaux, pour contribuer, principalement, à l’allégement  de la pauvreté.

Mosadeq

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