Me Sanjeev Teeluckdharry : « Nous avons pu déjouer un complot ourdi en haut lieu »

Charge provisoire contre Akil Bissessur rayée

Akil Bissessur et sa compagne Doomila Moheeputh avaient été arrêtés le 19 août 2022 suite à une perquisition hautement médiatisée de la ‘Special Striking Team’ (SST) au domicile de cette dernière à Palma, et la saisie de 53 grammes de drogue synthétique, comme alléguée par la police. Une accusation provisoire de trafic de drogue avait été retenue contre eux. Mais cette charge a été rayée par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath siégeant en cour de Bambous le 28 mars dernier, après une motion en ce sens logée par la défense, par Me Sanjeev Teeluckdharry.

Quels seront les retombées de cette affaire ? Pour Me Teeluckdharry, « nous avons pu démasquer des policiers voyous et démasquer un complot qui se tramait au plus haut niveau, impliquant le gouvernement, la force policière et la ‘Special Striking Team’ ». Selon lui, il n’y a jamais eu de preuves qu’Akil Bissessur était impliqué dans le trafic de drogue. La police n’avait aucune « reasonable suspicion » qui justifiait la perquisition au domicile de Doomila Moheeputh et l’arrestation du couple. La police n’a ainsi pu étayer (« substantiate ») l’accusation suivant la complétion de l’enquête. « Il n’y a pas eu de ‘main case’ (logée sous une charge formelle) car il n’y avait rien qui justifiait son arrestation et l’accusation logée contre lui après que l’enquête ait été complétée », explique-t-il.

L’homme de loi affirme que la police a failli dans tous les sens du terme. « La police n’a pas fait son travail comme il le faut. Les policiers n’ont pas suivi les procédures et les ‘Judges’ Rules’ », déplore-t-il. « Valeur du jour, nous avons une police qui se croit tout permis. Les policiers, notamment les membres de la ‘Special Striking Team’ (SST), ont agi comme des voyous. C’est dangereux et inadmissible que la police puisse agir ainsi dans une démocratie et dans un État de droit », dénonce-t-il. « Avec eux, on peut s’attendre à ce qu’il ait du ‘planting’ de drogue dans d’autres affaires et concernant d’autres suspects », prévient-il. Il lance un appel au Commissaire de police de faire son travail comme il le faut et espère que ce dernier prendra des sanctions contre ces policiers qui ont agi de manière « inacceptable » dans cette affaire.

« Le radar a-t-il mal fonctionné ? » se demande-t-il d’ailleurs. « Les gens doivent garder en tête qu’un Premier ministre, qui est à la tête du gouvernement, avait affirmé qu’Akil Bissessur était sur ‘nou radar’ depuis quelques temps. Mais là, il a subi un cinglant désaveu du judiciaire », condamne-t-il. Il ajoute : « Je trouve cela aberrant qu’un Premier ministre s’ingère dans les opérations policières, ce qui n’augure rien de bon pour notre démocratie ».

L’avocat se dit soulagé que le judiciaire a agi comme un rempart contre les dérives de l’exécutif.  « Fort heureusement, il y a eu le ‘checks and balances’ du judiciaire, qui a fait son travail comme il le faut », souligne-t-il. Il ajoute aussi que ce jugement est très important sur le plan des droits humains.

Il avertit aussi que de nos jours, le gouvernement est en train d’utiliser la drogue comme prétexte pour marquer un score politique et comme une arme contre les opposants du régime. « Le gouvernement va dramatiser les affaires de drogue pour avoir plus de popularité. Cela deviendra de plus en plus difficile pour les prévenus de prouver qu’ils ne sont pas impliqués dans le trafic de drogue », met-il en garde.