Takesh Luckho : « Une augmentation des coûts d’importation en raison de l’écart croissant entre la roupie, le dollar et l’euro »

Politique monétaire

Bien que le gouvernement cherche à créer artificiellement un « feel good factor »  après un budget présenté en douceur, les Mauriciens, en particulier ceux de la classe moyenne et les plus démunis, ressentent de plus en plus les effets néfastes de la politique monétaire du gouvernement Jugnauth.

Les allocations de la ‘Mauritius Revenue Authority’ (MRA) ne suffisent pas à aider de nombreuses familles à joindre les deux bouts chaque fin de mois, malgré des mesures qui semblent être de simples annonces sans réelle efficacité. L’économiste Takesh Luckho mentionne une stratégie « wait & see » de la part du gouvernement et de la Banque de Maurice. Bien que le « Monetary Policy Committee » (MPC) ait décidé de ne pas augmenter le taux directeur, qui reste à 4,50 %, la Banque de Maurice a adopté un nouveau cadre de politique monétaire depuis janvier 2023, comprenant une cible d’inflation flexible.

Selon Takesh Luckho, « MPC inn zwe enn kart politik kan li pann augmente taux l’intérêt. Tou observateurs ti pe attan ki li augment Repo Rate akoz à l’internationale, beaucoup pays pe fer li. USA inn augment so taux l’intérêt 2 fois dans sa 2 dernier trimestre la… Nou servi l’intérêt pou control l’inflation. Mo pensé la Banque de Maurice pou bizin pli aktif lor marché, li bizin konn zwé ek fluctuation de bann dévices pour garde la roupie stable », explique-t-il.

Il estime que la stratégie adoptée par le gouvernement a un impact direct sur les consommateurs, en particulier sur les commerçants et les entreprises. L’économiste prévoit une augmentation des coûts d’importation en raison de l’écart croissant entre la roupie, le dollar et l’euro. Il anticipe donc un taux d’inflation compris entre 7 et 9 %. Selon lui, « lors de la prochaine réunion du MPC, la Banque de Maurice n’aura d’autre choix que de réviser à la hausse le taux d’intérêt », ce qui aura un impact sur les entreprises et les ménages ayant contracté des prêts. Il suggère que l’augmentation du taux d’intérêt ne soit pas trop élevée.

« Maurice importe 75 % de ses produits d’Asie en dollars américains, ce qui rendra les importations plus coûteuses. De plus, 30 % de nos produits proviennent d’Europe et avec la hausse de l’euro… Au final, nous pourrions nous retrouver avec un taux d’inflation entre 7 et 9 %, ce qui est très élevé pour un pays comme Maurice », ajoute l’économiste.

Takesh Luckho aborde également les décisions macroéconomiques qui ont des répercussions microéconomiques sur les entreprises et les ménages. « Nous n’avons pas d’autre choix, car nous ne pouvons pas permettre à notre roupie de baisser davantage. Nous pouvons seulement jouer sur l’ampleur de l’augmentation : 0,5 %, 0,7 % ou 1 % ».

Il estime que les organismes internationaux tels que Moody’s et le FMI seront réticents à intervenir en cas d’erreur du gouvernement. Ces organismes n’interviendront que si le pays en fait la demande. « Nous sommes sortis de la liste noire. Les agences internationales ne seront pas indulgentes cette fois-ci. Moody’s a déjà abaissé la note de Maurice pour avoir utilisé ces fonds pour financer directement ou indirectement le gouvernement. Il y a eu une sorte de transfert d’argent de la Banque centrale au gouvernement, du moins à une entité gouvernementale », précise l’économiste.

Les consommateurs en détresse !

Malgré un budget qui semblait prometteur, les Mauriciens commencent à prendre conscience du fait que le ministre des Finances a bluffé. Les mesures “sociales” annoncées avec enthousiasme ont désormais un goût amer pour la population. Certaines initiatives visant à maintenir le pouvoir d’achat des ménages mauriciens ont été mises en place, telles que l’introduction, à partir du 1er juillet 2023, d’un “Revenu Minimum Garanti” pour s’assurer qu’aucun individu travaillant à temps plein ne gagne moins de 15 000 roupies. De plus, une provision de 4,7 milliards de roupies a été allouée pour maintenir les prix du gaz, de la farine et du riz. Le prix du gaz ménager a été réduit de 74,10 à 69 roupies par litre. L’allocation de revenu CSG de 1 000 roupies sera versée à tous ceux qui gagnent jusqu’à 50 000 roupies par mois, et ceux qui gagnent jusqu’à 25 000 roupies par mois verront cette allocation augmenter à 2 000 roupies au cours de l’exercice financier à venir.

Malgré ces mesures annoncées dans le budget 2023-2024, les gens ont du mal à survivre. C’est le cas de Rajiv, un marchand de légumes à Port-Louis. « Tou zafer inn vinn cher, mo ena loan, si mo madam pa travay, difisil pu vivre, mo ena 2 tifi ki al lekol… ena mois bizin al dir professeur pena cash pu paie lecon, zot konpran lerla… nou pa sorti pu al promner, nu pa ena le moyen. Situation bien difisil », lance ce père famille. L’habitant de Vacoas évoque aussi la crainte de voir le taux d’intérêt augmenter. « Sa pu augment mo loan, pas pu kav paye » martèle-t-il.

Sylvio, un maçon habitant à Grande Rivière, estime qu’un seul revenu dans un ménage ne suffit plus à subvenir aux besoins quotidiens. L’’homme de 45 ans dit qu’il peut compter sur sa femme, Francesca, couturière, pour arrondir les fins du mois.  « Travay maçon ena fois par plusieurs zours pena travay, kan ena lapli, sentier fermer ek zot pa gayn zot zournée, mo pren bann ti commande, mo coude linz bann madame ek pu bann zanfan. Mo pren command dans l’endroit ek en deor oci… ena bann clients ki fidele, zot vinn donn mwa travay preske tous les mois. Lerla zot rekomann mwa a bann lezot dimounn. Mo bizin soutenir mo mari, zis so travay tousel pas asse pou vivre… Nu gran garcon aussi fer bann ti travay, li aide so papa. Tou zafer inn monter, supermarché prix inn doublé ! », lance-t-il.