Une poule aux œufs d’or pour les protégés du pouvoir

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Central Medical Procurement Authority’ (CMPA)

Rs 2 milliards. C’est le budget annuel dont dispose le ministère de la Santé pour l’achat des médicaments et des équipements médicaux. Sur un mandat de cinq ans donc, la Santé gère une enveloppe de Rs 10 milliards pour ces acquisitions. Un montant faramineux qui nécessite un contrôle rigoureux, d’autant qu’il s’agit de fonds publics. Et c’est la raison pour laquelle les procédures se faisaient jusqu’ici à travers le ‘Central Procurement Board’ (CPB), qui est régie par la ‘Public Procurement Act’. N’empêche que des failles existaient, comme on en a vu avec l’affaire des ‘emergency procurements’ durant le confinement. D’où la nécessité de revoir ce mécanisme, comme l’ont déjà souligné le rapport de l’Audit et celui du ‘Public Accounts Committee’ (PAC). Imaginez maintenant que ces achats s’élevant à Rs 2 milliards par an ne passent plus par un organisme public, mais un organisme indépendant avec, à sa tête, des nominés politiques. C’est là qu’entrent en jeu des possibilités de favoritisme et de corruption…

C’est quoi la CMPA ?

Un organisme « indépendant » à la solde du GM

La ‘Central Medical Procurement Authority’ (CMPA) est censée être un organisme indépendant qui sera régi par la ‘Central Medical Procurement Act’, une fois celle-ci promulguée. Outre les achats du ministère de la Santé, elle sera aussi impliquée dans le processus d’appel d’offres. Qui plus est, elle sera également appelée à « oversee the management of the contract and evaluate and rate the performance of suppliers, which is not currently done by the CPB », selon les explications du ministre Kailesh Jagutpal au Parlement le 20 juin dernier, lors de la présentation du projet de loi. Encore plus interpellant, elle sera dirigée principalement par des nominés politiques, choisis par le Premier ministre.

Constitution du board

Des nominés politiques tirés par des ficelles

Le conseil sera composé d’un chairman, de deux vice-présidents et de quatre membres. Un seul de ces quatre membres devra être un employé du ministère de la Santé. Les sept personnes seront toutes nommées par le Premier ministre. Sur papier, ce sera après consultation avec le leader de l’Opposition. Mais en réalité, ce ne sera que pour la galerie, puisque ce sera le chef du gouvernement qui décidera. Ce sera donc un board essentiellement composé de nominés politiques, soit six au total, excluant le représentant de la Santé qui devrait être un fonctionnaire.

En d’autres mots, le board sera soumis au diktat du gouvernement. Ce qui ne résout absolument pas le problème lié aux instructions ministérielles dont avait fait état le rapport du PAC en ce qu’il s’agit des “emergency procurements”. Celui-ci avait fait état du témoignage d’un fonctionnaire qui avait soutenu que « when the Minister comes from the Committee [the said High Level Committee], the Minister received instructions and we execute as executors of decisions, of policy decision ». Le problème d’ingérence politique, au lieu d’être minimisé, serait ainsi amplifié, avec des risques accrus de favoritisme.

Pourquoi cette législation interpelle ?

La part belle au favoritisme

Primo, avec la création de la CMPA, le risque que des contrats taillés sur mesure soient alloués aux proches du régime s’aggravera. Puisque cette autorité, dirigée par des nominés politiques, préparera elle-même les appels d’offre et allouera elle-même les contrats. Les quincailleries et autres bijouteries pourraient de nouveau se voir privilégiés pour la fourniture des masques médicaux. Ou sinon, Hyperpharm ou CPN Distributors Ltd pourraient, une nouvelle fois, être appelé à fournir des médicaments à des prix exorbitants, comme dans le cas de l’affaire Metformin et celle de Molnupiravir. Ou verra-t-on probablement un autre épisode d’« unsollicited bid », comme dans le cas Pack & Blister, par l’entremise de conseillers au PMO ?

Secundo, pour la transparence, il faudra repasser. Même si l’organisme sera appelé à soumettre ses comptes au Directeur de l’Audit, il pourra s’en passer, sans grand problème. Car, selon le député Reza Uteem, 40% des organismes statutaires n’y soumettent pas leurs rapports financiers. D’ailleurs, la CMPA ne sera pas redevable envers le PAC. C’est l’opacité qui va prévaloir.

Tertio, cette législation est synonyme d’une motion de blâme contre les fonctionnaires, pourtant acclamés par le gouvernement durant la pandémie. Puisque ces derniers seront carrément exclus du board. D’ailleurs, le seul représentant du ministère qui y siègerait pourrait être sanctionné par le Premier ministre, suivant un rapport défavorable du ministre de la Santé alors que généralement, c’est la ‘Public Service Commission’ (PSC) qui est habilité à sanctionner un fonctionnaire. Impossible aussi de faire appel au ‘Public Bodies Appeal Tribunal’ (PBAT).

On se souviendra d’ailleurs que c’est un fonctionnaire, en l’occurrence un ‘Principal Pharmacist’ qui avait été inquiété dans l’affaire Molnupiravir, alors qu’il était clair qu’il n’avait fait que suivre des instructions venant de ses supérieurs. Heureusement que la Cour a finalement tranché en sa faveur.

Ils ont dit

« The most scandalous bill »

Dr Arvin Boolell, chef de file du PTr au Parlement : « Contract will be tailor-made and selective pre-qualified bidders will laugh all the way to the bank […] The contracts will be juicy and alternative methods of procurement open a floodgate for fraudulent and corrupt practices ».

Reza Uteem, député du MMM : « You’re taking public funds away from civil servants who are appointed by PSC. You are giving it to an Authority whose members will be hand-picked by the hon. Prime Minister, whose Director General will be hand-picked by the hon. Prime Minister, whose salaries will be determined by the hon. Prime Minister just like the Director of ICAC. And this is okay? »

Eshan Juman, député travailliste : « Sommes-nous à travers cette section 24, 5 (a) et (b) en train de légaliser ce qui s’est passé dans le cas de Pack & Blister ? Est-ce qu’on est en train de légaliser ce qui s’est passé dans le cas de Molnupiravir ? ».

Nando Bodha : « Maintenant, laissez-moi voir la question de nomination. ‘The Authority shall be administered by a Chairperson. The Chairperson will have wide experience in procurement, administration, financial, legal, engineering or medical field’. Ben, je me demande si le Premier ministre a un oiseau rare et quand je vois le pattern de nomination du MSM, on sait toute suite ce qui va se passer. We know that it is not going to be the right person in the right place ».