L’économiste Vinaye Ancharaz livre une analyse du rapport sur l’état de l’économie rendu public la semaine dernière. Il critique sévèrement la manipulation des données économiques et les choix de gestion du régime précédent, tout en proposant des pistes pour restaurer la stabilité économique.
Selon lui, les révélations du rapport ne sont qu’une confirmation des pratiques qu’il dénonçait depuis longtemps. « On parlait de manipulations des données, des statistiques économiques depuis longtemps » déclare-t-il, rappelant qu’il avait souvent exprimé ses doutes sur les chiffres officiels de Statistics Mauritius.
Il pointe en particulier les taux de croissance artificiellement gonflés. Par exemple, la croissance annoncée de 6,5 % a été révisée à 5,1 %, un chiffre plus proche des prévisions du FMI (4,9 %). De même, il évoque des écarts similaires dans les données sur les déficits budgétaires, initialement estimés à 3,7 % mais finalement corrigés à 6,5 %. Pour lui, ces pratiques avaient pour objectif de donner une fausse impression de stabilité économique, notamment à des fins politiques. « C’est de la malhonnêteté. Ce n’est pas une question d’incompétence, mais d’un effort délibéré pour manipuler l’opinion publique » affirme-t-il.
L’économiste remet également en question les données sur l’inflation, qu’il juge bien en-deçà de la réalité ressentie par les citoyens. Alors que les chiffres officiels parlent d’une inflation de 3,7 % en 2024, il souligne l’écart entre ces données et le ressenti des ménages, particulièrement touchés par la hausse des prix des produits de base. Entre 2019 et 2024, le coût des aliments essentiels comme le riz, l’huile ou le poulet a bondi de 30 à 70 %. « Ces augmentations dépassent largement les chiffres officiels d’inflation. Les ménages les plus modestes en subissent directement les conséquences » déplore-t-il.
Vinaye Ancharaz critique durement la gestion budgétaire des cinq dernières années. Selon lui, l’ancien régime a abusé des largesses financières, augmentant les pensions et les salaires minimaux sans tenir compte de la viabilité économique. « Ce comportement irresponsable a poussé le pays au bord du précipice » affirme-t-il. Il note également que la dette publique a été maintenue à un niveau critique, dépassant constamment 80 % du PIB depuis 2019, malgré les déclarations contraires. Cette accumulation de dettes reflète, selon lui, une absence totale de discipline fiscale.
La MIC : une gestion opaque et douteuse
L’économiste émet également des critiques sévères concernant la Mauritius Investment Corporation (MIC). Il qualifie les opérations de cette institution de « simple exercice de comptabilité », alimenté par de la monnaie fictive créée par la Banque de Maurice.
Il dénonce l’absence de diligence dans les allocations de fonds, évoquant des milliards de roupies attribués sans garanties de rendement. « Il n’y avait aucun contrôle adéquat sur ces investissements. Des sommes colossales ont été allouées à des proches du pouvoir, parfois sans justification » affirme-t-il, citant les Rs 25 milliards pour Airport Holdings Ltd comme exemple flagrant.
Un espoir de reprise à long terme
Malgré ce tableau sombre, Vinaye Ancharaz entrevoit une reprise économique à partir de 2027-2028. Il salue le regain de confiance des investisseurs et des institutions internationales suite au changement de gouvernement, ce qui pourrait stimuler les investissements et relancer l’économie.
Pour y parvenir, il insiste sur la nécessité de réformes structurelles, notamment :
• Un contrôle rigoureux des dépenses publiques pour éviter le gaspillage
• Une mobilisation accrue des recettes fiscales grâce à une meilleure gestion des ressources
• Un climat de confiance entre le gouvernement et le secteur privé pour stimuler la croissance
« Ce ne sera pas facile et cela demandera du temps, mais avec une gestion prudente et transparente, Maurice peut espérer retrouver une stabilité économique durable » conclut-il.