[Éducation] Nouvelle philosophie à « visage humain »

À l’aube de l’année 2025, le système éducatif mauricien amorce une révolution. Le 9 décembre, l’auditorium Paul Octave Wiehé à Réduit a été le théâtre d’une annonce majeure : une transformation radicale du dispositif éducatif national. Sous l’impulsion de Mahend Gungapersad, le nouveau ministre de l’Éducation, qui est aussi un pédagogue passionné, un changement de paradigme se dessine, promettant de rompre avec des décennies de standardisation pour faire place à une éducation véritablement humaniste.

Devant un parterre composé des principaux acteurs des secteurs primaire et secondaire, le ministre a exposé sa vision d’un « modèle éducatif à visage humain ». Sa conviction est claire : il est temps de dépasser la simple transmission de connaissances pour bâtir un système qui place l’épanouissement individuel et collectif au cœur de ses priorités. Il a également souligné que ce chantier, bien qu’ambitieux, répond à une urgence : réconcilier le système éducatif avec les réalités sociales et économiques du pays.

Les défis sont nombreux et le ministre les aborde avec franchise. Taux d’échec élevés en fin de cycle primaire, Extended Programme aux résultats décevants, inégalités persistantes entre établissements publics et privés : le diagnostic est sans concession. Mais contrairement à ses prédécesseurs, il propose une approche résolument humaniste et pragmatique.

Plusieurs annonces concrètes illustrent cette nouvelle vision :

• L’abolition de l’Extended Programme, remplacé par un dispositif plus inclusif visant à soutenir tous les élèves, quels que soient leurs origines ou leurs parcours.

• Une révision du recrutement des enseignants, avec notamment une remise en question du Post Graduate Certificate in Education (PGCE), jusqu’alors obligatoire.

• L’introduction d’une politique stricte concernant les téléphones portables, symbolisant une volonté de recentrer l’attention des élèves sur leurs apprentissages.

• Le critère des trois crédits pour l’admission en Grade 12 et la poursuite du Higher School Certificate sera réintroduit, dans le but de rendre l’éducation postsecondaire plus inclusive.

Au-delà des mesures techniques, Mahend Gungapersad insuffle une philosophie nouvelle. « Éduquer le cœur », tel est son leitmotiv. Il appelle les enseignants à adopter une approche maternelle et paternelle, à cesser d’étiqueter les élèves comme des échecs, et à les accompagner avec bienveillance. Les enjeux dépassent la simple pédagogie. Le ministre met en exergue des problématiques sociétales : harcèlement, usage inapproprié des technologies, violence et indiscipline, et semble vouloir construire un modèle éducatif réellement démocratique, où chaque potentiel est détecté, valorisé et accompagné.

La réunion de Réduit marque ainsi probablement un tournant. Pour la première fois, un ministre de l’Éducation semble vouloir replacer l’humain au cœur du système, rompant avec une décennie d’approches technocratiques et standardisées. Le défi est immense. Mais l’ambition affichée par Mahend Gungapersad laisse entrevoir la possibilité d’une transformation en profondeur.

Arvind Bhojun : « Une véritable rupture avec le passé »

Arvind Bhojun, président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), exprime son soutien aux mesures annoncées par le ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad. Selon lui, ces réformes marquent une rupture positive dans le secteur éducatif, répondant à des revendications de longue date ignorées par les précédents gouvernements.

Il salue l’abolition de l’Extended Programme et la remise en question du Post Graduate Certificate in Education (PGCE) comme conditions obligatoires pour le recrutement des enseignants, et souligne que ces initiatives répondent à des défis critiques, tels que le manque d’enseignants, qui a contribué à la baisse du taux de réussite des examens cette année. « Avec le PGCE non obligatoire et la révision des paramètres de recrutement, le ministre rectifie les erreurs passées pour l’intérêt des élèves et du personnel éducatif », affirme-t-il.

Pour le président de l’UPSEE, la philosophie d’éducation “à visage humain” adoptée par le ministre reflète les aspirations des éducateurs. « Il est crucial de cesser de pousser les enfants hors du système scolaire et de trouver des moyens de les motiver, notamment en introduisant des matières adaptées à leurs capacités et aux besoins du pays », explique-t-il, évoquant une transformation qui intègre des filières techniques, artistiques et sportives.

Malgré son optimisme, Arvind Bhojun exprime des préoccupations persistantes, notamment en ce qui concerne la relativité salariale et le phénomène de ‘brain drain’. Il insiste sur l’urgence d’améliorer les conditions de travail et les salaires pour retenir les talents à Maurice. Par ailleurs, il appelle à la mise en place de programmes de développement professionnel pour les enseignants, critiquant le manque de structures efficaces en ce sens. Enfin, il rappelle que la réussite des réformes dépendra de leur mise en œuvre, exprimant des réserves quant à la capacité des fonctionnaires du ministère à suivre les directives ministérielles. « Le ministre a de bonnes intentions, mais il faut que l’exécution suive », avertit-il.

Pour le président de l’UPSEE, ces réformes constituent une véritable rupture avec le passé, offrant une chance de construire un système éducatif inclusif et de qualité, à condition de maintenir une vigilance collective dans leur application.