Habib Mosaheb

La voix incontournable du paysage radiophonique mauricien

Nul besoin de l’introduire, son nom suffit pour que sa voix raisonne dans nos têtes. Lui, c’est le seul et unique Bhai Habib, qui a pu conquérir la population mauricienne grâce à son atout : sa précieuse voix. Derrière cette voix très connue se cache une histoire peu connue, celle  d’un vétéran du journalisme. Rencontre.

Irfaan Khodabocus

Issu d’une fratrie de sept enfants, Habib Mosaheb a vu le jour le 30 novembre 1946 dans un petit village au pied de la montagne Pieter Both. C’est là où il a passé une partie de son enfance, à jouer dans les canaux  entourant ce paysage paradisiaque. D’ailleurs, les souvenirs foisonnent pour ce septuagénaire, aujourd’hui grand-père de deux petites filles, mais qui a été un enfant plutôt turbulent.

Habib a passé deux années à l’école du gouvernement de Crève-Cœur et a achevé le reste de sa scolarité celle de Notre-Dame RCA, quand ses parents décident de s’installer dans ce village. Il a ensuite entamé ses études secondaires au Long Mountain College (connu de nos jours comme le Soondur Munrakhan College). Il devait par la suite compléter sa scolarité au Bradley College, toujours à Montagne-Longue.

Enfant, Bhai Habib accumulait des frasques. Il se remémore encore d’un épisode, où il avait participé à une ‘grève’ contre son établissement, qui voulait débuter les examens plus tard que prévu, réduisant ainsi le nombre de jours des vacances. « Mon ami Ben et moi avions protesté contre cette décision en boycottant les classes. Nous faisions l’école buissonnière pour se cacher sous un pont tout près de l’école. Le personnel de l’école n’a toutefois pas tardé à nous mettre la main au collet. Ne voulant pas retourner à l’école, car je savais que des punitions nous attendaient, je me suis jeté par terre en faisant semblant d’être inconscient, » rigole Bhai Habib. Il a cependant complété sa scolarité jusqu’à la Form V, car le HSC n’était pas donné à tout le monde à l’époque, et d’autant plus que la scolarité était payante. À un moment donné, Il a même dû arrêter l’école pour une courte durée, alors qu’’il était en Form III, par manque de fonds, jusqu’à ce que sa grand-mère prenne en charge les frais de sa scolarité.

Pour ne pas rester au chômage après les études, Bhai Habib était tantôt laboureur et tantôt jardinier ‘pou bat bater’. Il aidait aussi son oncle, qui était exportateur de gingembre, à classifier les destinataires du gingembre.

Très connu dans son entourage, Bhai Habib est approché par des militants un beau jour, suite à la création du Mouvement militant mauricien (MMM) en 1969. Avec l’ouverture d’une branche de ce parti à Notre-Dame, Bhai Habib devint militant au sein du MMM. Il était aussi le président de l’aile jeune du parti à cette époque. Pour faire circuler les informations sur l’évolution du MMM, il lançait des tracts, des morceaux de papier ronéotypés, dans les cours des personnes.

 

Journaliste durant les années de braise

En 1974, Bhai Habib prend de l’emploi à la General Workers Federation (GWF). La même année, malgré la censure de la presse, l’hebdomadaire ‘Le Militant’, l’organe du MMM est mis sur pied. Bhai Habib a alors 29 ans quand il se lance dans le journalisme au sein du Militant, en août 1975. Il avait été recommandé pour siéger sur le comité de rédaction, avec son engouement dans ce domaine. Le Militant se composait alors de quatre pages et sortait en noir et blanc. Il fut ainsi le premier journal où Bhai Habib va faire ses premières armes dans le journalisme. Ce journal devint par la suite un quotidien.

Toujours en 1975, Habib épouse Amrita, avec qui il aura deux fils. Il continue dans le domaine du journalisme jusqu’à ce qu’Amrita décroche un emploi aux Seychelles. Saisissant cette occasion, Bhai Habib et sa dulcinée foulent le sol seychéllois en 1980 après avoir quitté le MMM, à cause de son incapacité de continuer à faire de la politique tout en restant intègre.

Mais aux Seychelles, le journalisme ne lâche pas Bhai Habib.  Il se voit offrir un emploi comme journaliste dans le quotidien trilingue ‘The Seychelles Nation.’ Il gravit les échelons pour devenir Sub-Editor, Senior Editor, Information Officer et Senior Information Officer dans ce journal à la fois en anglais, en français et en créole seychéllois. C’est aussi aux Seychelles qu’il fait ses premiers pas comme animateur radio.

Après huit ans passés aux Seychelles, il retourne au bercail et intègre l’équipe de ‘Le Mauricien’,  toujours comme journaliste en 1988, jusqu’en 1991 quand le MMM et le MSM remportent la victoire aux législatives. Bhai Habib est nommé attaché de presse du ministre du Travail d’alors, Dharam Fokeer. Quand ce dernier devint ministre de la Sécurité sociale suite à un remaniement ministériel, Habib Mosaheb devint alors l’attaché de presse de ce ministère, jusqu’en 1995.

Cassure de l’alliance gouvernementale oblige, ‘Le Militant’ est relancé, avec comme journaliste Bhai Habib encore, où il a eu l’honneur de former plusieurs autres journalistes très connus aujourd’hui. En 2000, il est devenu attaché de presse au ministère du Tourisme. Lors des Jeux des Iles de l’Océan Indien de 2003, Bhai Habib était au ministère de la Jeunesse et des Sports, comme responsable de communication, jusqu’en 2005. Ce n’est qu’après les législatives de 2005 qu’il débute à la radio à Maurice en intégrant Top FM. De là, il devient aussi un responsable de la rédaction.

À un moment donné, fin 2005 ou début 2006, il commence à animer ‘Hard Talk’,  puis ‘Koze Do Mo Pep’. En 2009, il accepte l’offre de Radio One et part animer ‘Face à Face’, ‘Le Grand Débat’, ‘Nou La Voix Nou Radio’, entre autres. Au même moment, il collaborait également avec le site web de l’Express, express.mu, qui se trouvait dans le même immeuble que Radio One et il a ainsi pu se familiariser avec le web media. On est en septembre 2016 lorsque Bhai Habib retourne chez Top FM pour animer ‘Zoom Extra’, ‘Hard Talk’ et ‘L’Interview Grand Format’.

Ce vétéran dit aimer profondément son métier, car « Je ne fais que poser beaucoup de questions, depuis toujours ! » Ce fan inconditionnel de Manchester United nous relate qu’il était toujours attentif. Petit, il écoutait les conversations de ses oncles et avait toujours des questions à poser. « Vin journaliste ta ! », lançait à son encontre ceux qui le côtoyaient. Il se dit tout aussi fier que les gens le reconnaissent par sa voix. « Souvent les passants me reconnaissent par ma voix et viennent me saluer. J’ai chaud au cœur que la population apprécie mon travail », nous lance-t-il avec un brin d’humilité.