[Maldonnes sous le MSM : Enquêtes et arrestations en série] Le tip of the iceberg

  • D’autres développements mettront au jour l’étendue de la corruption sous l’ancien gouvernement

« Je n’ai aucune intention de faire une politique de vengeance, mais la loi suivra son cours. Bane seki ine abusé bizin vine répone ». C’est ce qu’avait dit le Premier ministre, Navin Ramgoolam, dès le jour de sa prestation de serment. Il l’a aussi réitéré à plusieurs reprises, en insistant toutefois sur le fait que son gouvernement n’a nullement l’intention de s’ingérer dans le travail de la police et du judiciaire. Un contraste remarquable avec l’ancien gouvernement MSM qui menait une politique de vengeance et d’oppression systématique contre ses opposants, dont Navin Ramgoolam lui-même, mais aussi d’autres membres du PTr, entre autres.

Les autorités travaillent d’arrache-pied depuis ces trois derniers mois pour faire la lumière sur des cas allégués de corruption sous l’ancien régime. Les arrestations se poursuivent d’ailleurs, sans tambour ni trompette. Le but, insistent les autorités concernées, n’est pas de plaire à la galerie, mais de rassembler autant d’éléments possibles pour que les enquêtes puissent aboutir et pour que les coupables puissent éventuellement être sanctionnés. Et ce, dans la discrétion et la sérénité, contrairement aux arrestations spectaculaires et indignes effectuées sous le règne de Pravind Jugnauth.

Affaire Pulse Analytics : Détournement de fonds et implications politiques

Les premières arrestations liées à l’ancien régime ont trait à l’affaire Pulse Analytics, un scandale financier où Rs 45 millions ont été alloués par la Mauritius Investment Corporation (MIC) à Menlo Park Ltd, société mère de Pulse Analytics. Ce financement controversé, approuvé juste avant les élections générales de novembre 2024, soulève des soupçons d’ingérence politique, Pulse Analytics ayant publié des sondages favorables à l’Alliance Lepep, dirigée par le MSM, pour influencer les électeurs et les élections.

Plusieurs personnalités ont été arrêtées ou interrogées dans le cadre de cette affaire.

  • Harvesh Seegolam, ex-gouverneur de la Banque de Maurice, arrêté le 13 décembre 2024 pour « conspiracy to defraud », accusé d’avoir influencé l’approbation des fonds.
  • Jitendra Bissessur, ex-DG de la MIC, arrêté le 22 janvier 2025, soupçonné d’avoir validé le décaissement malgré des irrégularités.
  • Queenie et Stéphane Adam, dirigeants de Pulse Analytics, interrogés le 7 janvier 2025, leurs domiciles perquisitionnés et des matériels saisis.

Un « Arrest on Departure » a également été émis contre Renganaden Padayachy, ex-ministre des Finances.

L’enquête continue pour établir les liens entre les anciens dirigeants de la Banque de Maurice, l’ancien gouvernement et Pulse Analytics, et l’utilisation des fonds publics dans un possible scandale politico-financier.

Pravind Jugnauth : Pas si saint qu’il le prétendait

Ironie du sort pour celui qui s’acharnait systématiquement contre Navin Ramgoolam au Parlement et ailleurs. Alors qu’il s’entêtait de se faire passer pour Monsieur Propre, l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, a lui-même été arrêté le 16 février 2025 dans le cadre d’une enquête pour blanchiment d’argent. Les autorités ont saisi plus de Rs 114 millions (environ 2,5 millions de dollars) lors d’une perquisition au domicile de Josian Deelawon.

Ce dernier a avoué que les deux valises et le sac retrouvés chez lui appartenaient à Pravind Jugnauth. Et bien que ce dernier ait nié le connaître, son beau-frère Sanjeev Ramdenee, également interpellé dans le cadre de cette affaire, a enfoncé le clou dans le cercueil de l’ancien Premier ministre en confirmant le lien entre Pravind Jugnauth et Josian Deelawon. L’enquête est loin d’être bouclée et il se peut qu’elle nous réserve d’autres surprises.

L’ancien Premier ministre se retrouve également au centre de plusieurs autres investigations. Les autorités examinent minutieusement son rôle dans diverses décisions gouvernementales controversées prises durant son mandat, ainsi que des allégations de mauvaise gestion des fonds publics. Les enquêtes portent également sur des accusations d’abus de pouvoir et de favoritisme dans l’attribution de contrats publics à des proches du parti au pouvoir.

Pravind Jugnauth n’en est pas à sa première affaire judiciaire, rappelons-le. En 2010, il avait été impliqué dans le scandale MedPoint, un dossier de conflit d’intérêts concernant l’acquisition d’une clinique familiale par l’État alors qu’il était ministre des Finances. Bien qu’il ait été acquitté en appel, des questions demeurent toujours.

L’affaire Molnupiravir relancée

Une autre affaire majeure concerne l’achat et la distribution des médicaments Molnupiravir pendant la pandémie de Covid-19. Des irrégularités, plus particulièrement une surfacturation indécente alors que le peuple souffrait, avaient été découvertes dans le processus d’approvisionnement par Emergency Procurement. Cela dans le but de favoriser des proches du pouvoir. Un bouc-émissaire avait été trouvé en la personne du ‘Principal Pharmacist’, Brijendrasing Naeck, alors que ce dernier avait clairement fait comprendre qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres venus d’en haut. Le hic, c’est que l’ancienne SCE du ministère de la Santé, Dalida Allagapen, sœur du Senior Minister Alan Ganoo, n’avait jamais été inquiétée par les autorités, ayant pu même prendre une retraite dorée, avec tous les privilèges qui vont avec.

Il a fallu un changement de gouvernement pour que celle-ci soit finalement interrogée « under warning » par la Financial Crimes Commission (FCC) le 19 février 2025. Confrontée aux déclarations de Brijendrasingh Naeck concernant l’acquisition du Molnupiravir, Dalida Allagapen a nié toute implication illégale, affirmant avoir suivi les procédures établies et agi selon les recommandations du comité composé de médecins et de spécialistes médicaux et présidé par l’ancien ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal. Elle a également évoqué des pressions exercées sur elle en novembre 2021. Après plus de cinq heures d’interrogatoire, Dalida Allagapen a été autorisée à rentrer chez elle, en attendant les prochaines étapes de l’enquête.

D’ailleurs, après les aveux de Dalida Allagapen, l’étau se resserre autour de l’ancien ministre de la Santé. Ce dernier sera, selon nos informations, très prochainement entendu par les enquêteurs de la FCC.

Ces affaires, dit-on dans le milieu gouvernemental, ne sont que le ‘tip of the iceberg’. Car d’autres développements révéleront l’ampleur de la corruption commise sous l’ancien gouvernement MSM.