Narendranath Gopee, président de la FSSC et NTUC : « Une certaine stagnation au sein de la fonction publique »

Le président de la Fédération des Syndicats du Service Civil (FSSC) et de la National Trade Unions Confederation  (NTUC), Narendranath Gopee, affirme que certains syndicalistes font la disgrâce à la communauté syndicale car ils ont placé leur égoïsme à l’avant plan. Dans une interview accordée au Sunday Times, le syndicaliste soutient que le gouvernement doit mettre le National Remuneration Board  (NRB) sur le même pied que le Pay Research Bureau (PRB).

Sanjay BIJLOLL

 

Q : Souvent on constate que certains dirigeants syndicaux ne sont pas sur la même longueur d’onde. Pourquoi ?

R : Cela est un bon signe quand il y a des divergences d’opinions  sur un sujet d’importance. Cela est souhaitable et nous permet  de faire un débat d’idées qui nous permet de trouver des solutions.

Les nouveaux mouvements syndicaux n’existent que dans la forme, mais pas dans le fond.  Quand il s’agit des problèmes nationaux, seuls les syndicalistes sérieux qui élèvent la voix et prennent position pour défendre leurs membres. Les autres nouveaux préfèrent garder leur silence innocent, car les problèmes au niveau national ne concernent pas leur intérêt personnel.

Il n’y aura aucun progrès syndical si tous les syndicalistes ont la même idée. Les divergences d’opinion  démontrent bel et bien que la démocratie est vivante à Maurice.  La diversité d’opinions nourrit des solutions fermes et certaines.

Or, l’heure est venue pour que le PRB s’attache avec la philosophie de ‘‘smart working’’.

Au fait, il faut revoir le fonctionnement du NRB, qui, selon moi, doit le mettre sur un même pied d’égalité avec le PRB s’agissant des ‘‘terms of reference’’.

 

Q : Parlez-nous dans les grandes lignes ce que vous avez fait  pour défendre l’intérêt des fonctionnaires depuis que vous êtes à la tête de la FSSC ?

R : J’ai adhéré au mouvement syndical en 1987 en tant que trésorier du « Education Officers’ Union ». Peu après, j’ai gravi les échelons pour devenir président de la FSSC en 2012.

Dans le contexte actuel, la bataille syndicale est devenue difficile et je dirais qu’il y a un manque de dialogue entre l’exécutif du gouvernement et les syndicalistes à l’exception de quelques-uns.

Nous avons un gouvernement fort et notre travail n’est devenu facile. La liberté syndicale n’est pas suffisante. Il est primordial de trouver des  solutions nécessaires pour régler les problèmes syndicaux.

J’ajouterais que je n’épargne aucun effort pour entamer des négociations, concernant les conditions de services des fonctionnaires et participe régulièrement aux réunions, organisées par des ministères. De plus, je plaide en faveur des fonctionnaires concernant le rapport du PRB  et exprime mes points de vue lorsque je constate qu’il y a un abus de pouvoir administratif. En outre, je participe aux ‘conciliation  services’, dont la Commission de la Conciliation et de Médiation ainsi qu’au niveau d’Employment Relations Tribunal en cas des disputes. Bref, je dirais que j’aime œuvrer en faveur des membres de ma fédération.

 

Q : Pourquoi une bonne partie des travailleurs des secteurs public et privé ainsi que la population ne font plus confiance aux syndicalistes ?

R : J’admets que certains syndicalistes font la disgrâce à la communauté syndicale car ils ont placé leur égoïsme à l’avant plan. Il n’y a aucune raison d’être que certains syndicalistes ont quitté notre fédération pour créer un autre syndicat ou une fédération. Ils le font pour leur intérêt personnel.

Nous prônons la démocratie au sein de la FSSC et la NTUC. Notre présidence est dynamique, car elle a un mandat bien défini. C’est un peu cet abus de la démocratie de la part de certains syndicalistes qui permettent aux autres de n’avoir plus confiance en nous. Les nouveaux mouvements syndicaux n’existent que dans la forme, mais pas dans le fond.  Quand il s’agit des problèmes nationaux, seuls les syndicalistes sérieux qui élèvent la voix et prennent position pour défendre leurs membres. Les autres nouveaux préfèrent garder leur silence innocent car les problèmes au niveau national ne concernent pas leur intérêt personnel.

 

Q : Que diriez-vous si je vous dis que de nos jours, il n’existe plus  des syndicalistes de la trempe d’Anquetil, de Ramnarain, Bhageerutty et Jugdambi ?

R : Chaque temps a produit son propre syndicaliste, qui a sa propre caractéristique exigée par les travailleurs. Les syndicalistes que vous avez mentionnés ont eux-mêmes manifesté  quand l’économie se trouvait au stade primaire.

À l’époque, la demande des travailleurs était très aiguë vu les circonstances dans lesquelles ces derniers travaillaient. Quelques années après, Maurice s’est ‘shifté’ vers l’économie tertiaire. Ainsi, au fil des années, on a noté un changement dans la demande des travailleurs.

Je dois dire que les syndicalistes sérieux ont emboîté le pas aux anciens, qui ont marqué de  leurs empreintes l’histoire  de notre pays. Nous prenons position lorsqu’il y a des décisions en dissonance avec les attentes de la population et quand nous constatons qu’il y a des décisions gouvernementales au détriment de la classe des travailleurs.

Il faut saluer l’effort des syndicalistes du secteur privé. Nous, au sein du secteur public, avons un « Central Whitley Council » et des « Departmental Whitley Committees » qui sont en opération. Ces organismes nous permettent de résoudre des problèmes.

 

Q : Souvent on constate que certains dirigeants syndicalistes ne sont pas sur la même longueur d’onde. Pourquoi ?

R : Cela est un bon signe quand il y a des divergences d’opinions  sur un sujet d’importance. Cela est souhaitable et nous permet  de faire un débat d’idées qui nous permet de trouver des solutions.

Il n’y aura aucun progrès syndical si tous les syndicalistes ont la même idée. Les divergences d’opinions  démontrent bel et bien que la démocratie est vivante à Maurice.  La diversité d’opinions nourrissent des solutions fermes et certains.

Or, tous les syndicalistes accordent leur violon lorsqu’il s’agit des  questions nationales. Nous nous nous sommes élevés contre la privatisation d’eau et maintenant le Trade in Services Agreement (TISA).  C’est dommage que Maurice  signerait cet accord le 6 décembre avec 50 États américains et européens.

 

Q : Pour certains, des syndicalistes ‘vendeurs’ continuent de ternir l’image du monde syndical. Êtes-vous d’accord ?

R : Oui. Ce genre des syndicalistes, nous les appelons les « Yellow Trade Unionists », car ils prônent le langage du patronat et moins celui des travailleurs.  Certains agissent de mauvaise foi parce qu’ils veulent être promus aussitôt que possible.

Ma philosophie du syndicaliste est simple : ceux qui veulent être des syndicalistes  doivent faire un choix entre leur inspiration et celle des travailleurs qui leur font confiance.

 

Q : Trouvez-vous juste que certains syndicalistes qui font partie de plusieurs boards prônent un double langage au préjudice de leurs membres ?

R : Il est clair que la loi a fait provision pour que des syndicalistes siègent au sein des boards. La stratégie gouvernementale a ‘shifté’ vers le tripartisme. Il est devenu impératif que les syndicalistes siègent au sein des boards des décisions. D’ailleurs, les ministères envoient des invitations officielles aux fédérations pour siéger dans des boards  en ligne avec l’exigence de la loi.

Concernant le double langage, je dirais que ce n’est pas juste de ce que vous avancez car nous n’entamons jamais des négociations lorsque nous siégeons sur des conseils.  Pour nous,  l’intérêt supérieur des institutions est primordial. Je laisse le soin aux « Yellow Trade Unionists » de se prononcer sur le double langage. Ce genre de syndicalistes qui existent dans plusieurs pays, causent beaucoup de préjudices aux membres des syndicats.

 

Q : Pourquoi les fonctionnaires se plaignent toujours des recommandations du Pay Research Bureau  (PRB) ?

R : Le PRB aurait dû être un corps dynamique. Il faut renouveler sa perception aux yeux de la fonction publique.  Il est malheureux qu’avec le temps, le PRB ne s’est pas réinventé et a gardé une grande passivité concernant ses recommandations.

Les fonctionnaires du PRB ne comprennent pas les rouages de la fonction publique. Le PRB fait ses recommandations en l’absence des données   sur le terrain. Il est rare que les officiers du PRB descendent sur le terrain et collectent des informations pour rendre un vrai et réel  rapport. À ce stade, le rapport est académique. Le PRB a toujours écrit que les différents secteurs  doivent être plus efficaces, efficients et productifs. Les fonctionnaires continuent à se plaindre « parce qui li pas listen mais li hear ». Les protestations ne concernent pas seulement le quantum des négociations  ou les salaires, mais aussi les recommandations irréfléchies. C’est la raison pour laquelle nous plaignons du PRB.

Or, l’heure est devenue pour que le PRB s’attache avec la philosophie de ‘‘smart working’’.

 

Q : Ne pensez-vous que ceux qui sont couverts par le National Remuneration Board (NRB) sont souvent pénalisés par rapport à ceux qui sont couverts par le PRB ?

R : Au fait, il faut revoir le fonctionnement du NRB qui, selon moi, doit être sur le même pied que le PRB et ce avec les  ‘terms of reference’ de ce dernier.

Les Remuneration Orders  (RO) demeurent toujours les prérogatives discrétionnaires du ministre du Travail. C’est une des raisons de la discrimination concernant les conditions des services publics et privés.

Le PRB n’obtient aucune directive de la fonction publique pour rendre son rapport. Par contre, en ce qui concerne le NRB c’est le ministre qui décide. Il est malheureux qu’il existe deux catégories de travailleurs  et que certains faisant partie du secteur privé sont pénalisés.

Or, nous avons proposé des amendements aux lois avec le ministère du Travail.

 

Q : D’aucuns estiment que certains syndicalistes ‘accapareurs’ ne veulent  pas donner l’occasion aux autres de s’épanouir et d’occuper le poste du président du mouvement syndical ?

R : Cela existe un peu par ego et un peu par intérêt personnel pour consolider leur position au sein des syndicats. La constitution de la FSSC ne prévoit que trois mandats pour un président contrairement aux autres fédérations où les mêmes présidents (après avoir occupé trois mandats) peuvent se présenter comme candidats. Cela est très mauvais pour l’épanouissement des syndicats  et empêche les jeunes de faire une percée dans le monde syndical à Maurice.

 

Q : Ne pensez-vous pas que la prolifération syndicale serait en train de freiner la bonne marche des syndicats ou fédérations / syndicales dans le pays ?

R : Quelques années de cela, le Bureau Internationale du Travail (BIT) avait fait une remarque à l’effet que certains syndicalistes mauriciens font un abus de la Convention 87  concernant la liberté d’association.  Cela arrive juste après les résultats des élections.  Lorsque les partis rivaux perdent les élections, ils forment de nouveaux syndicats. Or, au niveau de la loi, il n’existe aucune clause  pour empêcher la prolifération syndicale à Maurice, car cela ira à l’encontre de la loi du travail et du BIT.

Je dois aussi dire qu’il existe  une ‘multiplicate affiliation’ qui  permet à certains de gonfler son ‘membership strength’’ des syndicats.

La prolifération syndicale qui n’est nullement dans l’intérêt des travailleurs affaiblit le mouvement syndical.

L’employeur profite de la prolifération syndicale pour prôner une politique de division syndicale. De ce fait, le BIT a organisé un atelier de travail  pour demander aux syndicalistes de se regrouper sous un seul toit, mais en vain.

 

Q : Vous avez demandé au gouvernement de décréter le 3 janvier comme un ‘National Special Holiday’. Pourquoi ?

R : Oui,  je le lui ai demandé. Nous devons reconnaître que les travailleurs ne sont pas des robots  et qui, grâce à leur sueur, continuent à contribuer à l’économie mauricienne. Je laisse à certaines personnes qui ont une opinion différente des travailleurs avec leur conscience. En tout cas, chacun est libre de se faire une opinion. Nous, en tant que défenseurs des travailleurs, sommes au courant des problèmes auxquels les travailleurs font face tous les jours.

C’est légitime  pour exprimer l’intention des travailleurs.  Au gouvernement de donner un jour de repos.  Chaque pays a sa propre spécificité et Maurice la sienne.

 

Q : Est-ce que, selon vous, le gouvernement est en train de répondre aux aspirations des fonctionnaires dans leur ensemble ?

R : Il est trop tôt pour pouvoir commenter  votre question. Nous avons constaté une certaine stagnation au sein de la fonction publique et ce pendant les deux dernières années.  Or, nous attendons des changements au cours des prochains mois et des prochaines années. C’est une question de temps pour pouvoir commenter.

 

Q : Est-ce que vous êtes prêt à emboîter le pas à votre prédécesseur qui avait cherché/accepté un ticket pour briguer les suffrages ?

R : Personnellement, je pense que la façon de faire des politiciens n’est pas une ‘incentive’ pour entrer dans l’arène politique. Il est très rare qu’au sein de la population, certains Mauriciens parlent ou apprécient la performance de certains politiciens.  Leurs critiques ne font pas honneur au pays.

Je ne peux parler au  nom de mon prédécesseur. C’est un accident de parcours. Certains politiciens n’ont jamais pensé qu’un jour ils deviendront ministres. Pourtant, ils le sont bien. Cependant, il est malheureux de dire qu’ils ne sont pas à la hauteur.