[VIDÉO] Atteinte de myélite transverse: La lutte courageuse de Pallavi Jagessur

Atteinte d’une maladie neurologique rare, la   myélite transverse, qui est une inflammation de la moelle épinière, Pallavi Jugessur, une jeune femme de 28 ans, nous a raconté comment sa vie a basculé depuis qu’elle a eu cette maladie, le calvaire qu’elle a subi dans les hôpitaux, les préjugés auxquels elle a dû faire face, et comment elle a pu retrouver confiance en elle-même.

 

Nous l’avons rencontrée au domicile de ses parents où elle habite, à Eau-Coulée. Elle se sent mieux maintenant, nous confie-t-elle. Assise sur le divan, elle nous raconte son histoire, et voudrait inspirer d’autres personnes atteintes de la même maladie. « Elles doivent prendre leur courage à deux mains », nous dit-elle. Aujourd’hui, Pallavi travaille chez The Furniture People (TFP) dans les ressources humaines. « Je considère le fait d’avoir pu surmonter toutes les épreuves et les difficultés que cette maladie m’a donnée comme une bénédiction », lâche-t-elle.

La myélite transverse est une maladie très rare. Elle affecterait 1,3 personne sur un million. Pallavi Jugessur serait la troisième victime atteinte de cette maladie à Maurice, selon elle.

 

Pallavi Jugessur était une jeune fille courageuse qui aimait la vie. En pleine forme et pleine de motivation, son monde va basculer dans l’horreur d’une maladie débilitante. Comment, en se réveillant en ce matin du 6 mars 2018 pour se rendre au travail, pouvait-elle douter que la tragédie l’attendait au tournant ?

Pallavi travaillait aux ressources humaines dans un hôtel dans le nord de l’île. Le jour fatidique, elle officiait dans un séminaire qui avait lieu à l’hôtel. À un certain moment, alors qu’elle était seule dans une salle de conférence, elle ne sentait plus ses pieds. Après une quinzaine de minutes, Pallavi ne sentait plus la moitié de son corps. Elle réalisa que quelque chose de grave lui arrivait, même si elle ne s’était pas rendu compte qu’elle était paralysée.

Elle a dû ramper pour se rendre jusqu’au restaurant du l’hôtel. Finalement, le manager de l’hôtel arrive et s’enquiert de la situation. Il fait appel à l’équipe médicale de l’hôtel, et Pallavi Jugessur sera convoyée par ambulance à l’hôpital SSRN, où elle sera hospitalisée.

Va alors débuter pour elle un martyre à l’hôpital, entre les mains de certains médecins. À son arrivée à l’hôpital, l’un des médecins va lancer « Mettre patient la dans ICU ». Là-bas, elle sera simplement mise sous perfusion. Elle est ainsi laissée pendant au moins deux heures sans aucune assistance médicale. Un neurochirurgien va finalement l’ausculter, et devait lui expliquer qu’elle est atteinte d’une maladie rare, la myélite transverse.

En écoutant le médecin lui expliquer la gravité de cette maladie, et les séquelles qu’elle laissera, elle ne voulait pas en croire ses oreilles. Autour d’elle, son monde s’écroule. Elle va alors effectuer plusieurs recherches sur le net pour comprendre ce qui lui arrive. Des recherches où elle apprend la cruelle vérité sur la maladie et sur ce qui l’attend. Psychologiquement bouleversée, elle devait perdre son travail quelque temps après. Elle devra aussi faire face à l’incompréhension de ses amis et des ses proches. Certains parmi ces derniers commençaient à lancer des calomnies à l’effet qu’elle avait le cancer, et vont jusqu’à aller lui dire qu’ils ne voulaient plus s’approcher d’elle. Elle va ainsi perdre ses amis, et la confiance qu’elle avait en soi.

Il est alors impératif que Pallavi subisse toute une batterie de tests, notamment les scans cérébraux et l’imagerie à résonance magnétique (IRM). Toutefois, son calvaire continue. L’hôpital du Nord n’effectue pas les scans IRM depuis deux ans, car l’appareil n’est pas opérationnel. Le médecin de l’hôpital du Nord va tout mettre en œuvre pour la faire transférer à l’hôpital Dr. Jeetoo pour les scans IRM. L’hôpital Dr. Jeetoo refuse toutefois de la faire admettre sous prétexte qu’elle habite à Eau-Coulée. En dépit de cela, le médecin de l’hôpital du Nord a commencé le traitement. Des jours difficiles pour Pallavi, avec environ 15 injections à base de cortisone par jour.

Pallavi Jugessur et ses parents finissent par prendre la décision de la faire admettre à la clinique Darné, où le médecin devait confirmer le diagnostic et continuer le même traitement. Mais le pire restait à venir. Un jour, subitement, elle est informée par le médecin qu’elle doit subir en urgence une chirurgie de la moelle épinière. Elle n’a même pas eu le temps d’informer ses parents qu’elle est transportée en urgence en salle d’opération. L’opération se passe bien mais d’atroces douleurs font leur apparition par la suite. Elle pouvait à peine se tenir debout, et peinait à manger. Le traitement va s’avérer long, difficile et coûteux.

Pallavi éprouve une reconnaissance éternelle envers ses parents, qui n’ont pas regardé à la dépense. « Mes parents ne m’ont jamais tourné le dos », lâche-t-elle en pleurant. Avec le soutien et l’encouragement de ses parents, elle a pu apprendre à faire face petit à petit. Elle éprouve aussi une grande reconnaissance envers le Dr. Anjali Bungeeleea, un de ses médecins traitants, qui a toujours su faire preuve d’humanité et de compassion.

Elle s’accroche à un espoir fragile

De retour à la maison, Pallavi va sombrer dans une mélancolie profonde, a tel point qu’elle ne voulait même pas se regarder dans un miroir. Elle avait des crises d’angoisse, et à un moment, elle en avait tellement marre de ses souffrances physiques et morales qu’elle songeait à mettre fin à ses jours : « Je voulais prendre un couteau et me sectionner les poignets ou qu’une voiture me renverse dans la rue. » Mais au fond d’elle-même, nous confie-t-elle, elle ne voulait pas vraiment mettre fin à sa vie, mais que ses souffrances s’apaisent. Au fur et à mesure, elle devait puiser le courage de commencer à croire en elle-même.

Pour Pallavi, la société mauricienne est la première à juger quelqu’un dans un cas de suicide, et cela sans connaître vraiment la souffrance de cette personne. Dans des cas similaires, « Cela ne devrait pas être une honte à aller consulter un psychiatre ou un psychologue », nous dit Pallavi. Beaucoup l’ont même jugée pour sa maladie, selon elle. « C’est vraiment dur, mais je ne peux pas changer la mentalité des gens », nous explique Pallavi. Mais elle n’a jamais baissé les bras.

Cinq mois passés après son retour à la maison, Pallavi commence à ressentir des sensations au niveau de son pied droit et regagne peu à peu l’usage de ce membre. Elle s’accroche à cet espoir comme à un fétu de paille. Elle déploie des efforts surhumains pour pouvoir marcher. Un an plus tard, elle regagne l’usage de ses deux pieds. Elle se souvient très bien de ce jour béni, comme si c’était hier. Pallavi ne voulait pas y croire, et que le rêve allait se briser. Elle a pris du temps pour réaliser qu’elle peut maintenant marcher et fonctionner comme tout le monde.

Pour Pallavi, « J’ai compris que tout cela forme partie de la vie, et que j’ai dû passer par cette étape pour grandir et devenir plus mature. »

 Sarah Khodadin

ÉDITION : 09.02.2020/421