Insultes et enjeux – Par Zahirah RADHA

EDITO

Par Zahirah RADHA

Rs 1500. C’est la modique somme que perçoivent quelque 300 mères de famille mensuellement. Un salaire incroyablement indigne de ces braves femmes qui travaillent à la sueur de leurs fronts dans des écoles pour faire bouillir la marmite familiale. Pour elles, la fête du Travail, qui sera célébrée demain, sera synonyme de lutte. Elles revendiqueront, encore une fois, aux côtés d’autres travailleurs tout aussi dépités, leur droit à un salaire décent. Elles manifesteront légitimement contre ce salaire de misère, qui ne représente même pas à un dixième de ce que touchent nos élus comme allocations de transport, en espérant que leurs doléances parviendront jusqu’aux puissants du jour qui, eux, empochent des centaines de milliers de roupies mensuellement. Si aux yeux de l’épouse du ministre des TICs, Wenda Sawmynaden, révéler les salaires astronomiques d’un proche du pouvoir équivaut à une insulte envers les femmes, comment devrait-on qualifier le traitement inhumain de ces travailleuses courageuses qui ne demandent qu’un rééquilibrage de leurs piètres salaires ?

Nos dirigeants, d’habitude si prompts à réagir quand il s’agit des « attaques » contre les femmes proches du gouvernement, interviendront-ils en faveur de ces employées qui triment quotidiennement sous un soleil de plomb afin de joindre les deux bouts? Ce dossier ne devrait-il pas les intéresser, ayant promis avant les législatives de 2014 de « gouverner pour le peuple avec le peuple » ? Y aura-t-il, de Vacoas, un signal fort qui sera envoyé à la classe des travailleurs ? Franchement, on en doute. À en juger par la posture que nos élus ont adopté ces derniers temps, on parie qu’ils utiliseront la plateforme du 1er Mai pour vociférer des insultes à l’égard de leurs opposants. S’ils ne se font pas prier pour insulter leurs adversaires politiques à l’intérieur de l’auguste Assemblée nationale, imaginez maintenant de quoi ils seront capables sur une caisse de savon ! Pravind Jugnauth en profitera probablement pour régler ses comptes à Roshi Bhadain, champion en « licking hands and other parts ». Ivan Collendavelloo, lui, enfilera sans doute sa robe d’avocat pour défendre les intérêts de Sobrinho, Gurib-Fakim, Sumputh et consorts. Que peut-on s’attendre de sir Anerood Jugnauth ? Il vaudra peut-être mieux de ne pas lui donner le micro, au cas où l’envie de pisser lui prend. Quoi qu’il en soit, les dérapages verbaux ne manqueront pas.

Le 1er Mai ne devrait plus être utilisé à des fins politiques partisanes. Il doit au contraire servir de moyen pour faire avancer la cause des travailleurs. Au lieu de se lancer dans des sempiternelles attaques qui ne font que ridiculiser davantage nos dirigeants aux yeux de la population, n’aurait-il pas été plus approprié d’inviter les représentants des travailleurs à une table ronde pour discuter de l’introduction du salaire minimum, par exemple ? Cela aurait pu projeter l’image d’un gouvernement qui ‘means business’, d’autant qu’il a jusqu’ici donné l’impression de n’avoir pas vraiment compris les véritables enjeux sociaux et économiques du pays alors qu’il est déjà à mi-mandat. Nos élus doivent enfin comprendre qu’ils ont été votés pour travailler dans l’intérêt du pays, et non pas pour mener une politique de vengeance à l’égard de leurs opposants. Le temps de la récréation est terminé. Que le gouvernement se mette au travail une fois pour toutes. S’il ne peut pas réaliser le deuxième miracle économique promis, qu’il jette au moins les bases pour un avenir meilleur. C’est le moins que l’on puisse attendre de lui.