[L.E]Comprendre l’économie nationale

La relation entre budget, inflation, produit Intérieur brut (PIB), balance des paiements, réserves nationales, taux de change et taux d’intérêts…

Mubarak Sooltangos

Le public non-initié se perd, surtout en ce moment au milieu des discours savants des économistes dans les médias. Au fait, on se demande si les économistes eux-mêmes ne s’y perdent pas, en raisonnant de manière « piece-meal » et sectorielle alors que l’économie nationale est un cocktail où l’absence d’un ingrédient ou le surdosage d’un autre affecte l’ensemble.

Le peuple se doit d’être informé, puisqu’en fin de compte, quelque soient les décisions prises par les économistes et les autorités monétaires, c’est lui qui subit les effets de la fiscalité (taxes), la dépréciation de la monnaie nationale, l’augmentation du coût de la vie et les effets des taux d’intérêts élevés. Cet article est destiné à exprimer en langage simple ce que les citoyens non-initiés ont des difficultés à comprendre.

LE BUDGET

Comme un ménage, l’État aussi a des recettes, représentées par les taxes diverses (income tax, impôts sur les bénéfices des compagnies, TVA, permis d’opérations, droits d’enregistrement et dividendes sur ses investissements). Il doit faire face en contrepartie, à des dépenses de fonctionnement, des investissements infrastructurels, au financement des prestations gratuites qui forment partie du « welfare state », notamment la santé, l’éducation, les exemptions de taxes sur des articles de première nécessité et finalement le service de la dette nationale.

Un déficit apparait lorsque les dépenses de l’État ne sont pas entièrement couvertes par les recettes. Ce déficit s’exprime généralement en pourcentage du PIB et il est financé par des emprunts auprès des acteurs financiers (banques, compagnies d’assurance et fonds d’investissement). La chose à retenir est que le déficit budgétaire s’exprime en roupies, son financement par emprunts à court terme sur le marché local se fait assez facilement et le « credit rating » du pays n’entre pas en jeu. En revanche, les dépenses d’investissements liées à des gros projets se financent généralement par des emprunts à long terme en devises étrangères auprès des institutions financières d’outremer.

L’INFLATION

L’inflation est causée par divers facteurs : (1) Le fait d’emprunter auprès des banques pour financer le déficit budgétaire, puisque ceci met sur le marché des masses de monnaie « créées » et non pas de l’épargne préexistante (2) la dépréciation de la  monnaie nationale (3) les augmentations de prix des importations (matières premières et produits de consommation) dans les pays d’origine, et l’augmentation substantielle de la consommation des ménages sur le marché national, que le secteur productif n’arrive pas à satisfaire. Cet excédent de demande par rapport à l’offre fait augmenter les prix sur le marché, comme c’est le cas pour les prix des légumes en période cyclonique.

Notre inflation élevée est principalement causée par la dépréciation de notre roupie et l’augmentation du prix de nos importations dans les pays d’origine, et cette situation se trouve aggravée par la guerre en Ukraine. En période d’incertitude, les prix des matières premières essentielles ont tendance à monter, pas nécessairement par une réduction de l’offre, mais par des achats massifs spéculatifs par des intervenants qui n’ont, en temps normal, rien à faire avec le marché en question.

LE PIB (produit intérieur brut)

En langage économique, il se définit comme « la somme de la valeur ajoutée produite par un pays pour une période donnée ». En langage simple, c’est un indicateur économique qui permet de mesurer la richesse économique produite par un pays, grâce aux agents économiques (particuliers, compagnies, institutions paraétatiques) domiciliés dans le pays concerné. Il s’agit donc d’un indicateur qui reflète l’activité économique interne d’une nation est sa variation positive d’une année sur l’autre mesure le taux de croissance du pays. Un pourcentage négatif désigne une contraction (ou décroissance) de l’activité. Le monde entier était en décroissance au cœur de la pandémie Covid-19, par baisse de l’activité (production et consommation).

Le « PIB per capita » est la richesse produite par le pays par habitant et Maurice, avec un PIB de USD 8, 800 par tête d’habitant peut être considéré comme un pays à revenu élevé. Il ne faut pas s’attendre à ce que chaque Mauricien ait de tels revenus par an, mais la différence entre ce chiffre de USD 8, 800. (Rs 400, 000) et le revenu moyen des salariés par famille donne une idée de la répartition inégale de la richesse produite, entre les producteurs et les salariés, et la richesse qui est détruite par des activités non rentables. A titre de comparaison, le PIB par tête d’habitant est d’une moyenne de USD 50, 000 pour l’Europe, USD 30, 000 pour les pays Arabes producteurs de pétrole et USD 12, 000 pour la Chine et la Russie.

LA BALANCE DES PAIEMENTS

L’exercice budgétaire se fait en monnaie locale, et un déficit n’est pas une question de vie ou de mort, dans la mesure où un gouvernement trouvera toujours de l’argent, en empruntant dans sa monnaie nationale, pour le financer.  Cependant, des déficits chroniques liés à un manque de revenus ou à des dépenses exagérées (souvent dans un but politique pour préserver un « feel good factor » parmi la population, surtout à la veille des élections) est synonyme de mauvaise gestion et finit par créer une raréfaction des sources de financement, des coûts d’emprunt plus élevés et une inflation grandissante et chronique.

Au cœur des finances nationales se trouve la balance des paiements. C’est le solde, positif ou négatif, des revenus en devises générés par diverses activités et des sorties de devises nécessaires pour payer les importations. La différence entre les exportations et les importations de biens concrets est appelée « balance commerciale ». A Maurice, nous avons une balance commerciale hautement déficitaire parce que nous importons un volume d’articles de consommation que nos exportations ne peuvent pas couvrir. Ce déficit est compensé par l’excédent que le pays génère dans l’exportation des « services ». Le tourisme et le secteur financier produit des services que nous exportons pour recevoir des devises. En fin de compte, apparait une « balance des paiements », exprimée en devises qui doit être positif, ou financée par des emprunts en devises si elle est négative. Dans l’absence de sources d’emprunt, le déficit doit être prélevé des réserves nationales. En raison de la diminution drastique de nos exportations durant le confinement, et la disparition totale de nos recettes touristiques, nous avons eu recours à l’endettement extérieur et au prélèvement sur nos réserves à la fois.

Les investissements directs étrangers (FDI), les transferts de capitaux vers Maurice et le rapatriement d’une partie des salaires des Mauriciens qui travaillent à l’étranger sont aussi des sources des devises qui viennent conforter notre balance des paiements. C’est un excédent de notre balance des paiements, d’année en année qui fait grossir nos réserves internationales, qui sont pour la plupart en devises et en un faible pourcentage en or. Une balance des paiements en difficulté chronique finit par déprécier la monnaie nationale puisque la demande de devises sur le marché, pour le paiement des importations excède l’offre disponible (générée par les exportations) et les prix de ces devises prennent l’ascenseur, en dépréciant de fait la monnaie locale.

LE TAUX D’INTÉRÊT

Les économistes du monde entier font des hypothèses savantes pour déterminer le taux d’intérêt optima pour une économie sans vraiment se rendre compte de la nature complexe de cet élément que l’on qualifie « d’outil économique ». Un rehaussement des taux d’intérêt pour soi-disant contrôler l’inflation (ce qui n’est nullement prouvé) a des effets catastrophiques pour les ménages et les compagnies déjà endettés et sur la croissance. Il ne faut pas croire, non plus, que les taux d’intérêts bas sont les bienvenus puisque c’est ce même taux d’intérêt bas qui est à la base de ce fléau qui s’appelle « l’économie de la dette » où tout développement se fait par l’emprunt. On ne sortira de cet imbroglio que lorsqu’on réfléchira sur le fait que le monde se porterait mieux si les banques finançaient les capitaux propres « equity capital » des compagnies plutôt que de leur prêter des fonds, sujets à remboursement sur des années, ce qui met de la pression pour toujours produire plus pour permettre le remboursement des dettes, en capital et intérêts. Dans ce cas, les détenteurs de l’épargne seraient rémunérés par le profit des banques et non par de l’intérêt dont le taux est fixé à l’avance.

Mais ceci est un paradigme nouveau qui fait peur et qui demande trop de réflexion pour que le monde l’adopte dans un avenir proche. En revanche, la banque sans intérêts, pour ceux qui savent réfléchir, est le créneau bancaire avec le plus fort taux de croissance depuis plusieurs années, mais elle ne fait pas école dans les cerveaux occidentaux.

NOTE : Les points de vue exprimés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement ceux de la rédaction et n’engagent que les auteurs eux-mêmes.