Le gouvernement veut-il asphyxier Sunday Times en le privant de publicités? 

C'est la dernière publicité gouvernementale reçue par Sunday Times le 4 juin 2017

Liberté de la presse 

  • Le Premier ministre a fait la sourde oreille à notre requête pour y remédier

Le gouvernement de Pravind Jugnauth veut-il museler la presse en la privant de publicités gouvernementales? Cela semble définitivement être le cas pour Sunday Times. Cet hebdomadaire n’a pas obtenu la moindre publicité des Government Information Services (GIS), département tombant sous la tutelle du Prime Minister’s Office (PMO) et qui se charge de la répartition des annonces gouvernementales, depuis maintenant neuf mois! Idem pour les institutions para-étatiques. Depuis que le journal est passé sous la direction d’Assabah News Ltd en novembre 2015, Sunday Times recevait tant bien que mal quelques milliers de roupies mensuellement en termes de publicités gouvernementales alors que d’autres en reçoivent par des centaines de milliers de roupies par mois! Mais le gouvernement a fermé complètement le robinet depuis le 5 juin 2017, soit après la parution d’un article concernant Showkutally Soodhun.

Soulignons d’abord que l’État, à travers les GIS, a l’obligation légale d’attribuer et de répartir les publicités gouvernementales à tous les titres de presse en fonction de leur tirage et audience. S’étant imposé sur le marché médiatique mauricien depuis quelques années déjà, Sunday Times peut légitimement s’attendre à recevoir son dû en termes de recettes publicitaires. Il est cependant regrettable que le gouvernement ait choisi de nous boycotter de façon systématique. L’ordre viendrait d’en haut, nous a-t-on fait comprendre. Pourtant, le Premier ministre, avec lequel nous avons abordé cette question lors d’une rencontre avec la presse en août dernier, dément avoir donné de telles instructions. Qui est donc ce calife à la place du calife qui a ordonné le boycott publicitaire de notre journal ? Au GIS, c’est motus et bouche cousue. Nos correspondances au Directeur de l’Information et à l’ancien Directeur de Communication du Premier ministre sont restées lettres mortes bien que ce dernier ait promis d’y remédier.

Asphyxie financière pour certaines…

L’objectif de ce boycott est clair comme l’eau de roche : nous affaiblir, voire nous asphyxier financièrement, afin que nous courbions l’échine et assouplir notre position vis-à-vis du gouvernement. En d’autres mots, comme vous l’aurez sans doute compris, le pouvoir actuel essaie de nous museler. Ce que nous refusons toutefois de faire, la liberté de la presse n’étant pas à la solde du pouvoir. Ce qui est plus grave, c’est qu’en agissant ainsi, le gouvernement prive également nos lecteurs de leur droit fondamental à l’information.

Par contre, quelques publications, récentes et à très faible tirage (dont certaines sont même distribuées gratuitement!), reçoivent, elles, près d’une centaine de milliers de roupies au minimum en guise de recettes publicitaires mensuellement. Serait-ce parce que celles-ci sont plus complaisantes et accommodantes envers le gouvernement? Comment explique-t-on ces nombreuses publicités que Mauritius Telecom accorde, par exemple, à un groupe de presse en ligne, un nouveau-né dans le paysage médiatique local, et réputé comme étant progouvernemental ? Ce groupe est-il récompensé pour vanter les mérites du gouvernement, d’autant que sa proximité avec le CEO de MT et le conseiller spécial du Premier ministre, Sherry Singh, est connue de tous ? Qu’en est-il de cette autre publication dirigée par une proche amie du Senior Advisor Rudy Veeramundar ? Le gouvernement et Mauritius Telecom surtout pourront-ils rendre publics les montants publicitaires accordés à ces titres de presse ? Alors que ces derniers touchent le jackpot semaine après semaine, Sunday Times continue d’être boycotté systématiquement pour son indépendance éditoriale alors qu’il est aussi éligible aux publicités gouvernementales.

Fausse promesse du Premier ministre

Alors que le Premier ministre disait vouloir rétablir la communication avec la presse lors d’une rencontre avec des représentants des médias en août dernier, force est de constater que Pravind Jugnauth n’a fait que nous jeter de la poudre aux yeux. Ce n’est certainement pas en boycottant une section de la presse qu’il y arrivera. Ayant évoqué cette question de boycott publicitaire avec lui, nous nous attendions à ce que le Premier ministre tranche enfin pour que prime l’équité et la liberté de la presse, d’autant que c’est un département qui tombe sous sa tutelle. C’est ce qu’il nous avait d’ailleurs promis de faire. Or, six mois plus tard, la situation perdure. Soit il y a quelqu’un d’autre qui tire sur la ficelle à la place de Pravind Jugnauth au PMO soit c’est ce dernier lui-même qui tolère et encourage ce genre de pratique arbitraire, illégal et contraire aux principes de bonne gouvernance prônés par le gouvernement.

Maintenant que l’ancien Directeur de communication du Premier ministre, Rudy Veeramundar, a été mis au ban, pourra-t-on s’attendre à ce que le nouveau ‘blue-eyed boy‘ Ken Arian, chargé de revoir la com du chef du gouvernement, rétablisse le droit fondamental de Sunday Times d’obtenir des publicités gouvernementales ? Et quid du nouvel arrivant au PMO, Raj Meetarbhan? Lui qui se dit grand défenseur de la presse et qui a vécu un boycott similaire quand il était à La Sentinelle Ltée, acceptera-il que l’histoire se répète ou interviendra-t-il en faveur du respect de la liberté de la presse? Pravind Jugnauth s’étant entouré de ces nouveaux conseillers, nous nous attendons maintenant à un dégel de la situation. Au cas contraire, nous serons contraints d’avoir recours à des actions légales afin de faire respecter nos droits.

Zahirah RADHA